Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2017 et le 26 septembre 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er septembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 29 août 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été répondu au moyen selon lequel l'arrêté de remise aux autorités allemandes ne comporte pas de base légale ;
en ce qui concerne la décision de réadmission en Allemagne :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national ;
- cet arrêté ne comporte pas de base légale dès lors que n'y est pas indiqué le critère de détermination de l'Etat responsable ;
- le préfet a commis une erreur de droit en estimant que l'acceptation des autorités allemandes valait responsabilité de cet Etat ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen rigoureux de sa situation ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un courrier et un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2018 et le 25 septembre 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête et indique, en réponse à une demande de la cour que M. A...était regardé comme ayant pris la fuite, de sorte que le délai d'exécution de la décision de réadmission en Allemagne était prorogé.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A..., ressortissant ivoirien né le 26 décembre 1991, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 mai 2017 et y a sollicité l'asile, le 27 juillet 2017, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 30 juin 2015 puis en Allemagne le 8 janvier 2016. Par deux arrêtés du 29 août 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités allemandes, qui ont accepté explicitement sa reprise en charge le 1er août 2017, et son assignation à résidence. M. A...relève appel du jugement du 1er septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. A...aux autorités allemandes comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas privé M. A...de la garantie tenant au bénéfice d'un tel entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 27 juillet 2017, s'agissant de son séjour en Italie et en Allemagne et de son état de santé. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, l'arrêté mentionne que les autorités allemandes sont responsables de la demande d'asile de M. A...dès lors qu'il a déposé, après son passage en Italie, une demande de protection internationale en cours d'examen depuis le 8 janvier 2016. Dans ces conditions, et alors même que l'arrêté en litige ne cite pas spécifiquement l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, les moyens tirés de ce que l'arrêté de remise ne comporterait pas d'indication du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile et de ce que le préfet se serait cru lié par l'acceptation de reprise en charge des autorités allemandes ne peuvent qu'être écartés.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A...et des conséquences de sa réadmission en Allemagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. A cet égard, si M. A...a fait valoir lors de l'entretien en préfecture qu'il a un problème d'articulation du genou et souffre de douleurs thoraciques, il n'a jamais établi par la production de documents médicaux ses pathologies. Aucune pièce du dossier ne permet de justifier que l'hépatite B dont il est atteint, et pour laquelle il n'est pas établi qu'elle serait soignée en France, ne pourrait pas être prise en charge en Allemagne. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
8. Les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. A...reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 14 et 16 du jugement attaqué.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire-Atlantique du 29 août 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information à la préfète de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03401