Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2014 et le 13 janvier 2015, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 14 novembre 2013 ;
2°) d'annuler la décision du président du conseil général du Calvados du 2 avril 2013 ;
3°) de mettre à la charge du conseil général du Calvados la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la décision du 2 avril 2013 méconnaît les dispositions de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles car la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement ne comporte pas les motifs de cet entretien, elle n'a pu consulter son dossier individuel que le jour de l'entretien et le procès-verbal de l'entretien ne mentionne pas tous les motifs finalement retenus à son encontre ;
- aucune pièce versée aux débats ne démontre la réalité des fautes retenues alors qu'elle-même produit des éléments attestant qu'elle exerçait bien ses fonctions ; d'ailleurs son agrément a été renouvelé par le conseil général le 6 décembre 2012 ; la décision repose donc sur des faits inexacts et est, en tout état de cause, disproportionnée.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 28 juillet 2014 et le 6 mars 2015, le département du Calvados conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les dispositions applicables du code du travail et du code de l'action sociale et des familles exigent que la lettre de convocation à l'entretien indique l'objet de cet entretiens et non les motifs du licenciement, qui doivent eux être abordés lors de l'entretien et mentionnés dans la décision ; or l'objet de l'entretien figurait dans la convocation et les motifs ont été abordés lors de l'entretien ;
- Mme A...n'a pas demandé à consulter son dossier, de sorte qu'elle ne peut pas utilement soutenir qu'elle n'a pas eu accès à toutes les pièces de ce dossier ;
- Mme A...ne conteste toujours pas les motifs de la décision de licenciement ; cette décision n'est pas fondée sur le fait qu'elle constituerait une menace pour la sécurité des enfants ou sur le fait qu'elle se serait trop attachée à Louis, mais sur ses manquements à ses obligations professionnelles ;
- si son agrément a été renouvelé, alors qu'il était au départ envisagé un refus, c'est car Mme A...a présenté une offre d'emploi et en restreignant le champ de cet agrément aux enfants âgés de plus de 12 ans ;
- les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation ne sont donc pas fondés.
Par ordonnance du 24 novembre 2015, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me Logerot, avocat du département du Calvados ;
Une note en délibéré, présentée pour le département du Calvados, a été enregistrée le 2 mars 2016 ;
Une note en délibéré, présentée pour MmeA..., a été enregistrée le 4 mars 2016 ;
1. Considérant que MmeA..., agréée en qualité d'assistante familiale depuis le 18 décembre 1997, puis recrutée à compter du 29 janvier 1999 par le département du Calvados, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 avril 2013 par laquelle le président du conseil général du Calvados a prononcé son licenciement pour faute grave ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 422-20 du même code, applicable aux assistants maternels et assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux assistantes et assistants maternels sont : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° Le licenciement. " ; qu'en vertu des articles L. 423-10 à L. 423-12 dudit code, rendus applicables aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public par l'article L. 422-1 de ce code, le licenciement des assistants maternels et assistants familiaux peut être prononcé notamment pour faute grave ;
3. Considérant que le licenciement pour faute grave de Mme A...par la décision du 2 avril 2013 est fondé sur trois griefs tirés, d'une part, d'un manquement de Mme A...à son obligation de secret professionnel, d'autre part, d'un comportement intrusif par rapport à un enfant qui lui était confié, enfin, de difficultés à accepter les directives données par les divers professionnels connaissant les enfants accueillis ;
4. Considérant, en premier lieu, que Mme A...conteste la réalité du comportement qui lui est reproché et produit une attestation de sa fille relatant sa rencontre fortuite avec l'enfant en cause après le retrait de celui-ci de la garde de MmeA..., ainsi qu'une attestation des institutrices de l'école dans laquelle étaient scolarisés les deux enfants qui lui étaient confiés ; que ces documents sont de nature à infirmer la réalité des deux derniers griefs fondant le licenciement litigieux ; que le département du Calvados ne produit, pour établir la réalité des faits reprochés à la requérante, qu'une " note évènementielle ", qui relate la rencontre de la fille de Mme A...avec Louis et celle de M. et Mme A...avec Tanguy, ainsi que le compte rendu et l'avis de la commission consultative paritaire départementale chargée de se prononcer sur la demande de renouvellement de l'agrément de MmeA..., qui ne fait état que des difficultés de cette dernière à accepter le retrait des enfants dont elle avait la garde mais ne mentionne aucun des griefs justifiant le licenciement ; que dans ces conditions, en l'absence de justifications suffisantes de la part de l'autorité administrative à qui il incombait d'établir le bien fondé des motifs d'une décision de cette nature, la réalité des faits qui fondent la sanction prononcée contre Mme A...ne peut être regardée comme établie ;
5. Considérant, en second lieu et au surplus, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...a, de janvier 1999 à aout 2011, accueilli trois enfants pendant de longues périodes sans que lui soient reprochés des manquements à ses obligations professionnelles ; que si le département du Calvados évoque, sans toutefois l'établir, des difficultés à prendre en charge des troubles alimentaires et des troubles du sommeil rencontrés par deux enfants, il n'établit ni même ne soutient que Mme A...aurait commis des fautes professionnelles dans sa manière d'appréhender ces troubles ; que dans ces conditions, à supposer même que les manquements professionnels qui fondent la décision du 2 avril 2013 soient matériellement exacts et susceptibles de constituer un motif réel et sérieux de licenciement, ils ne peuvent pas, sans erreur d'appréciation, être regardés comme constitutifs d'une faute grave ; que par suite, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Caen, la décision litigieuse du 2 avril 2013 est entachée d'erreur d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 novembre 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil général du Calvados du 2 avril 2013 prononçant son licenciement pour faute grave ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, la somme que le département du Calvados demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département du Calvados la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 14 novembre 2013 et la décision du président du conseil général du Calvados du 2 avril 2013 sont annulés.
Article 2 : Le département du Calvados versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le département du Calvados sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au département du Calvados.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 mars 2016.
Le rapporteur,
S. RIMEU Le président,
L. LAINE
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00109