Par un jugement n°1500468 et n°1500469 du 13 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2015, M. et MmeD..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 février 2015 ;
2°) d'annuler ces décisions du 3 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour dans un délai de 3 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de leur situation et de leur délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de leur avocat, à condition que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions attaquées ne sont pas suffisamment motivées puisqu'elles ne font pas état des motifs de rejet de leurs demandes d'admission au séjour présentées le 2 décembre 2013 sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles n'ont pas été précédées d'un examen complet de leur situation personnelle ;
- les décisions attaquées méconnaissent les articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'ils étaient dans l'attente d'une réponse à leur demande de titre de séjour ;
- le rejet de leurs demandes de titre de séjour méconnait les articles L. 313-11-7° et L. 313-14 de ce même code ;
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
En application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, une mise en demeure a été adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine le 12 octobre 2015.
Mme et M. D...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 6 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller.
1. Considérant que Mme B...C...épouse D...et M. A...D..., ressortissants marocains, titulaires d'un titre de séjour de longue durée délivré par les autorités espagnoles, sont entrés en France en novembre 2010 et, le 2 décembre 2013, ont demandé au préfet d'Îlle-et-Vilaine de leur délivrer des cartes de séjour temporaires sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par deux décisions du 3 février 2015, le préfet d'Îlle-et-Vilaine a prononcé leur remise aux autorités espagnoles ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 13 février 2015 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions du 3 février 2015 ;
2. Considérant, en premier lieu, que les décisions litigieuses du 3 février 2015 visent les conventions internationales et les dispositions du code de l'entée et du séjour des étrangers qui les fondent ; qu'elles précisent également la situation de M. et Mme D...au regard du droit au séjour, en mentionnant leur demande de titre de séjour " vie privée et familiale " du 2 décembre 2013 ; que dans ces conditions, ces décisions sont suffisamment motivées en droit et en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des décisions litigieuses, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de chacun des épouxD... ;
4. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'union européenne. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code, ces dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables " à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. / Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. (...) " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 121-1 ou des stipulations d'un accord international, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-4 du même code : " La détention d'une attestation de demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'une attestation de demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 311-12 du même code : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " ;
6. Considérant que si, en vertu de leur titre de séjour de longue durée délivré par les autorités espagnoles, M. et Mme D...étaient autorisés à entrer en France et à y séjourner pendant une durée maximale de trois mois, il est constant que M. et MmeD..., entrés en France en novembre 2010, s'y sont maintenus au-delà de cette durée ; que si, le 2 décembre 2013, ils ont sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette demande ne les autorisait à séjourner en France, en vertu de l'attestation délivrée par le préfet d'Îlle-et-Vilaine le 2 décembre 2013 en application des dispositions de l'article L. 311-4 précitées, que pour la durée d'instruction de leur demande ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet d'Îlle-et-Vilaine a demandé à M. et MmeD..., le 2 juillet 2014, des pièces pour compléter leur dossier de demande de titre de séjour, et que, au vu desdites pièces, il les a informés, par un courrier du 7 août 2014 notifié le 8 août 2014, qu'il envisageait de leur refuser le titre de séjour sollicité et de demander aux autorités espagnoles leur reprise en charge ; que dans ces conditions, le délai de naissance d'une décision implicite de rejet de leur demande de titre de séjour fixé par les dispositions précitées de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être regardé comme ayant commencé à courir à la date de notification de ce dernier courrier, soit le 8 août 2014 ; qu'il suit de là que le 3 février 2015, à la date à laquelle ont été adoptées les décisions litigieuses de remise aux autorités espagnoles, leurs demandes de titre de séjour avaient été implicitement rejetées ; que par suite, le préfet d'Îlle-et-Vilaine pouvait légalement fonder ces décisions du 3 février 2015 sur les dispositions précitées des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que M. et MmeD..., qui soulèvent des moyens dirigés contre le refus de séjour qui leur a été implicitement opposé par le préfet d'Îlle-et-Vilaine, doivent être regardés comme excipant de l'illégalité de ces décisions implicites de refus de séjour, qui ne sont pas définitives ;
8. Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
9. Considérant que M. et Mme D...soutiennent qu'ils vivent en France depuis novembre 2010, que leur dernier enfant est né en France en 2012, que les deux ainés, nés en 2007 et 2010, sont scolarisés en France, que M. D...travaille, que la famille justifie d'une bonne intégration en France et qu'ils n'ont pas d'attaches familiales en Espagne et au Maroc ; que toutefois, eu égard notamment à la durée de leur séjour en France, d'à peine trois ans à la date des décisions contestées, et à la circonstance que rien n'empêche la reconstitution de la vie familiale en Espagne, les refus de séjour opposés à M. et Mme D...n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris ; que, par suite, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que les décisions implicites de refus de titre de séjour auraient été prises en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;
11. Considérant que ni le fait que M. D...travaille et justifie d'une bonne intégration en France, ni la circonstance que le dernier enfant du couple D...soit né en France et que les deux aînés y soient scolarisés ne peuvent être regardés comme constituant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires, au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier leur admission au séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions implicites de refus de séjour méconnaissent ces dispositions doit être, en tout état de cause, écarté ;
12. Considérant enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées du 3 février 2015 de remise aux autorités espagnoles seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de chacun des épouxD... ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 3 février 2015 par lesquelles le préfet d'Îlle-et-Vilaine a prononcé leur remise aux autorités espagnoles ; que doivent être rejetées par voie de conséquence leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à Mme B...C...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet d'Îlle-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 mars 2016.
Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT025602