Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2015, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2014 du préfet de Loir-et-Cher ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de la munir dans un délai de quarante huit heures à compter de la notification de l'arrêt d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, ou subsidiairement d'enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision sur la demande de Mme C...en tenant compte des motifs pour lesquels l'annulation du jugement attaqué aura été le cas échéant ordonnée, et d'assortir en tout état de cause ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B...au titre des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, qui ne comporte ni signature ni identité de l'auteur, émane d'une autorité incompétente ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a subi une opération chirurgicale au niveau des deux seins et la poursuite du suivi médical en France est très fortement recommandée par les médecins ; aucun traitement adéquat n'existe en République du Congo, et dans l'hypothèse contraire elle ne pourrait y avoir accès compte tenu de son coût financier ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa vie privée et familiale est ancrée en France où elle a des attaches personnelles, familiales et sociales intenses, stables et durables ;
- la promesse d'embauche qu'elle a communiquée au préfet avant l'arrêté contesté, aurait dû conduire celui-ci à l'admettre exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet de Loir-et-Cher, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Une mise en demeure a été adressée le 2 novembre 2015 à la préfecture du Loir-et-Cher.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante congolaise née le 23 avril 1981 à Matoumbou (République du Congo), déclare être entrée en France le 6 août 2011 sans pouvoir justifier d'une entrée régulière ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 octobre 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 septembre 2013 ; qu'elle a déposé le 7 octobre 2013 une demande de titre de séjour en raison de son état de santé auprès des services de la préfecture de Loir-et-Cher ; que par un arrêté du 10 octobre 2013, le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 février 2014 pour défaut de saisine du médecin de l'agence régionale de santé ; que l'intéressée ayant sollicité à nouveau un tel titre de séjour le 4 mars 2014, le préfet de Loir-et-Cher a, par arrêté du 29 avril 2014, refusé de le lui délivrer, lui a fait obligation de quitter le territoire national dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a informée de son inscription au fichier des personnes recherchées ; que par jugement n°1403991 du 5 février 2015 le tribunal administratif d'Orléans a annulé ce dernier arrêté en tant que le préfet avait décidé l'inscription de Mme C...sur le fichier des personnes recherchées ; que par la présente requête, l'intéressée relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou à Paris le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;
3. Considérant que Mme C...reprend en appel, sans plus de précisions et de justifications, le moyen tiré de ce que le médecin de l'agence régionale de santé n'était pas compétent pour émettre l'avis exigé par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et émis le 22 avril 2014 ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
4. Considérant, que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé allant dans le sens de ses conclusions doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par Mme C..., le préfet de Loir-et-Cher s'est notamment fondé sur l'avis du 22 avril 2014 émis par le médecin de l'agence régionale de santé de la région Centre indiquant que, si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; que MmeC..., qui a bénéficié de soins chirurgicaux en France, ne produit aucun élément relatif aux conséquences de sa pathologie susceptible d'infirmer l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'elle ne peut se prévaloir utilement de la circonstance, à la supposer établie, qu'elle ne pourra accéder aux soins qui seraient effectivement requis par son état de santé en République du Congo en raison de leur coût financier, pour établir l'illégalité de la décision contestée de refus de séjour ; que, dans ces conditions, le préfet de Loir-et-Cher n'a pas, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
8. Considérant que si Mme C...fait valoir qu'elle vit en France depuis le 6 août 2011, qu'elle y a résidé de manière régulière sous le couvert de plusieurs récépissés de demande de titre de séjour, qu'elle a obtenu une promesse d'embauche et qu'elle maitrise la langue française, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans charge de famille sur le territoire alors que ses enfants, âgés de 15 et 17 ans, résident dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans ; que dans ces conditions, l'arrêté contesté du préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;
10. Considérant que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte que Mme C...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui a annulé l'arrêté contesté en tant que le préfet avait décidé d'inscrire l'intéressée sur le fichier des personnes recherchées, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande ;
12. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mars 2016.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02823 2
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