Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes 7 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 4 décembre 2017 du préfet de la Mayenne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de transmettre sa demande d'asile à l'office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai de 72 heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Bulgarie :
- la décision est entachée d'une erreur de droit ; les dispositions de l'article 18.1 d) ne sont pas applicables dès lors qu'il n'a jamais demandé l'asile en Bulgarie ; la France aurait du mettre en oeuvre le droit de rectification prévu au §5 de l'article 29 du règlement (UE) 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- en cas de renvoi en Bulgarie, il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 3 § 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 742-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Bulgarie ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2018, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date 22 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant afghan né le 9 septembre 1993, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 17 juillet 2017 et y a sollicité l'asile, le 8 septembre 2017, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Bulgarie le 6 mars 2017. Par deux arrêtés du 4 décembre 2017, le préfet de la Mayenne a ordonné sa remise aux autorités bulgares, qui ont accepté explicitement sa reprise en charge le 21 août 2017, et son assignation à résidence. M. B... relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités bulgares :
2. En premier lieu, il ressort du relevé Eurodac produit par l'administration que, contrairement à ce que soutient M. B..., celui-ci a introduit une demande de protection internationale auprès des autorités bulgares le 6 mars 2017. M B...ne produit aucun élément relatif à la date à laquelle il aurait franchi la frontière d'un autre Etat membre en provenance d'un Etat tiers. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait saisir les autorités bulgares en application du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 ou qu'il aurait méconnu les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu, la méconnaissance de l'obligation de rectification engagée par les demandeurs d'asile et prévue par les dispositions du 5 de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, qui a pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective de leurs données personnelles, ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision portant remise aux autorités bulgares.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
5. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. B...et des conséquences de sa réadmission en Bulgarie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. A cet égard, si M. B...a fait valoir lors de l'entretien en préfecture qu'il souffre d'une blessure au bras, il n'a jamais établi par la production de documents médicaux les défaillances de son état de santé. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
6. D'autre part, M. B...fait état de la circonstance qu'il aurait été forcé lors de son passage en Bulgarie d'effectuer le relevé d'empreintes digitales, de ce qu'il a été enfermé pendant deux mois dans une cellule et qu'il y a été maltraité sans assortir ses allégations du moindre élément probant de nature à établir les risques qu'il encourt en Bulgarie. Il n'est pas démontré, par les pièces produites, que cet Etat aurait été, à la date de l'arrêté contesté, dans l'incapacité systémique d'accueillir les demandeurs d'asile et d'instruire leur demande. Il n'est pas davantage établi pas que sa vie ou sa sécurité serait menacée en Bulgarie, qui est membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
7. En quatrième lieu, en se bornant à faire état de son intention de construire sa vie en France avec son épouse qui doit le rejoindre et des risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan, le requérant n'établit pas que l'arrêté contesté porterait atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
8. Il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités bulgares.
9. Pour le surplus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que M. B... reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 15 à 19 du jugement attaqué.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Mayenne du 4 décembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLa présidente,
N. Tiger-Winterhalter
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT00022