Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2018, M. et MmeA..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 22 mai 2017 par lesquels le préfet de la Vendée a décidé leur transfert en Allemagne en vue de l'examen de leur demande d'asile ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal de leur délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article 5 du règlement Dublin III ; il n'est pas établi que l'entretien ait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ;
- les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ont été méconnues ;
- la décision relative à M. A...est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle au regard de sa prise en charge sur le plan médical ;
- il n'est pas justifié que le préfet s'est assuré de la continuité des soins en cas de transfert en Allemagne ;
- les décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il n'est pas justifié de la non application de l'article 17 du règlement Dublin III ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique ;
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeA..., ressortissants albanais, sont entrés irrégulièrement en France en décembre 2016 et ont sollicité l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 20 janvier 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que leurs empreintes digitales avaient déjà été enregistrées une première fois en Allemagne puis aux Pays-Bas en 2016. Le préfet a alors adressé le 27 janvier 2017 aux autorités de ces deux pays des demandes de reprise en charge des intéressés. Des arrêtés de remise aux autorités néerlandaises ont été pris les 27 mars et 27 avril 2017, qui ont été annulés par des jugements du tribunal administratif de Nantes des 31 mars et 28 avril 2017. Par deux arrêtés du 22 mai 2017, le préfet de la Vendée a décidé cette fois de la remise des intéressés aux autorités allemandes sur le fondement de l'article 18-1 d) du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013. M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 23 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
2. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation des arrêtés ordonnant la remise de M. et Mme A...aux autorités allemandes, du non respect de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation des intéressés et en particulier de celle de M. A...au regard de son état de santé. Par ailleurs les éléments versés au dossier par les requérants ne suffisent pas établir que ce dernier ne pourrait pas bénéficier en Allemagne des soins appropriés à son état de santé ni que son état de santé serait incompatible avec le voyage vers l'Allemagne. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris sans un examen personnalisé doit être écarté.
4. En troisième lieu, selon l'article 32 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert 1. Aux seules fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux, (...), l'Etat membre procédant au transfert transmet à l'Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer, dans la mesure où l'autorité compétente conformément au droit national dispose de ces informations, lesquelles peuvent dans certains cas porter sur l'état de santé physique ou mental de cette personne. Ces informations sont transmises dans un certificat de santé commun accompagné des documents nécessaires. L'État membre responsable s'assure de la prise en compte adéquate de ces besoins particuliers, notamment lorsque des soins médicaux essentiels sont requis. (...)". De telles dispositions qui concernent l'exécution de la mesure sont sans incidence sur la régularité de la décision ordonnant la remise de M. et Mme A...aux autorités allemandes. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
5. En quatrième lieu, les requérants font valoir qu'ils sont parents de trois enfants scolarisés en France où une situation sécurisante se construit. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'ils ne sont arrivés que très récemment en France et que les décisions contestées de transfert vers l'Allemagne pour l'examen de leurs demandes d'asile n'aura pas pour effet de les séparer de leurs enfants. Dans ces conditions, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés de remise aux autorités allemandes seraient intervenus en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 6 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.
6. En cinquième lieu, selon l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ". Il résulte de ces dispositions que, si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. Les requérants font état de la scolarisation de leurs enfants en France et de la prise en charge de la famille dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile où leur situation se stabilise. Toutefois, l'entrée du couple et de leurs enfants en France est récente. Par ailleurs, les éléments médicaux produits par M. A...ne permettent pas d'apprécier la gravité alléguée de son état de santé, l'effectivité d'un traitement médical et l'impossibilité pour ce dernier de voyager pour se rendre en Allemagne, où il n'est pas établi qu'il ne pourrait bénéficier de soins et d'un suivi médical, s'il s'avérait nécessaire. Dans ces conditions, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Vendée aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation en s'abstenant de mettre en oeuvre les clauses dérogatoires prévues par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En dernier lieu, selon l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Les décisions contestées de transfert en Allemagne n'auront pas pour effet de séparer les enfants du couple de leurs parents. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés de remise aux autorités allemandes seraient intervenu en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 22 mai 2017 du préfet de la Vendée. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et de Mme A...est rejetée
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.
La présidente, rapporteure,
N. TIGER-WINTERHALTERL'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
M.P. ALLIO-ROUSSEAU
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00128
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