Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 juin 2016 sous le n°16NT02120, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2016 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2016 de la préfète de Maine-et-Loire ordonnant son transfert en Italie ;
2°) d'annuler cet arrêté du 26 mai 2016 de la préfète de Maine-et-Loire.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnait les stipulations du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; il n'a pas eu d'autre choix que de fuir le Sénégal en raison des mauvais traitements endurés du fait de son orientation sexuelle ; l'Italie n'est pas en capacité aujourd'hui d'examiner dans des conditions raisonnables sa demande d'asile, compte tenu de l'afflux massif de migrants auquel elle est confrontée et malgré les mesures de soutien décidées par l'Union européenne ;
- son renvoi dans ce pays portant une atteinte grave au droit d'asile, la préfète de Maine-et-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire usage de la dérogation de l'article 17.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 24 février 2016 sous le n°16NT02121, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2016 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2016 par lequel la préfète de Maine-et-Loire l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire en l'obligeant à se présenter tous les jours à 15 heures au commissariat de police d'Angers sauf les samedis, dimanches et jours fériés ;
2°) d'annuler cet arrêté du 26 mai 2016 de la préfète de Maine-et-Loire.
Il soutient que :
- la mesure d'assignation à résidence n'est pas justifiée dès lors qu'en raison de sa contestation de la décision de transfert aux autorités italiennes, celle-ci ne présente pas de perspective raisonnable d'exécution ;
- l'obligation de pointage au commissariat est extrêmement lourde et disproportionnée alors qu'il n'a pas l'intention de quitter la France et a un domicile connu ;
- le jugement est illégal en ce que le premier juge n'a pas statué sur le moyen portant sur la fréquence du pointage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2016, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 26 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur.
1. Considérant que les requêtes n°16NT02120 et n°16NT02121 de M. A...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que M.A..., ressortissant sénégalais, est entré irrégulièrement en France le 1er avril 2015 et a présenté une demande d'asile en préfecture de Maine-et-Loire le 11 mai 2016 ; que le préfet, informé par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac ", de ce que l'intéressé avait auparavant sollicité l'asile le 24 octobre 2012 en Italie, a saisi les autorités italiennes, le 11 mai 2016, d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 du règlement susvisé n°604/2013 du 26 juin 2013 ; que les autorités italiennes ont accepté, le 26 mai 2016, de reprendre en charge M. A...; que par deux décisions du 26 mai 2016, la préfète de Maine-et-Loire a, d'une part, ordonné la remise de M. A...aux autorités italiennes, et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours ; que M. A...relève appel du jugement du vice-président désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2016 rejetant ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 26 mai 2016 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant que le premier juge a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'obligation de pointage journalière imposée à M. A...dans le cadre de l'assignation à résidence était disproportionnée, qui n'était pas inopérant ; que le jugement attaqué est irrégulier et doit, en raison de cette omission, être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision assignant à résidence M.A... ;
4. Considérant qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres demandes ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; /c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; /d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) / 2. (...) Dans les cas relevant du champ d'application du paragraphe 1, point d), lorsque la demande a été rejetée en première instance uniquement, l'État membre responsable veille à ce que la personne concernée ait la possibilité ou ait eu la possibilité de disposer d'un recours effectif en vertu de l'article 46 de la directive 2013/32/UE. " ;
6. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que le relevé d'empreintes de M. A...a fait apparaître qu'il avait déjà présenté une demande d'asile en Italie le 24 octobre 2012 ; que c'est dès lors à bon droit que la préfète de Maine-et-Loire a, après que les autorités italiennes ont explicitement consenti, le 26 mai 2016, à reprendre en charge l'intéressé, pris une décision de réadmission vers l'Italie sur le fondement des dispositions précitées du d) du 1) de l'article 18 précité du règlement (UE) n°604/2013 ;
7. Considérant que le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre; que selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement ; que ce paragraphe prévoit en effet qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels ;
8. Considérant, d'une part, que si l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que si le requérant soutient que les demandes d'asiles ne seraient pas traitées actuellement en Italie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, les éléments qu'il produit à l'appui de cette allégation ne sont pas suffisants pour renverser la présomption contraire ; que l'intéressé ne peut, en outre, se prévaloir utilement de la décision du Conseil européen (UE) n°2015/1601 du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale, au profit notamment de l'Italie, destinées à faire face à une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers sur leur territoire, dès lors que ces mesures, applicables aux demandes de protection internationale introduites entre le 25 septembre 2015 et le 26 septembre 2017, ne le concerneront pas ; qu'ainsi la préfète de Maine-et-Loire n'a pas, en s'abstenant de faire usage de la dérogation prévue par les dispositions précitées du règlement (UE) du 26 juin 2013, commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant, d'autre part, que M. A...ne peut utilement se prévaloir des risques encourus dans son pays en raison de son orientation sexuelle, dès lors que la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de le renvoyer au Sénégal ; que l'intéressé, célibataire et sans enfant, et présent depuis peu sur le territoire français, ne justifie d'aucun motif culturel ou familial au sens des dispositions précitées ; que par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la préfète de Maine-et-Loire aurait, en le renvoyant en Italie pour le traitement de sa demande d'asile, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement n°604/2013 ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision ordonnant sa réadmission en Italie ;
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des point 5 à 9 que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision ordonnant sa réadmission en Italie ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 .. " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : "Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;
13. Considérant que l'assignation à résidence prévue par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci ; que la circonstance que M. A...a contesté l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes devant la juridiction compétente n'était pas de nature à ôter toute perspective raisonnable d'exécution à l'arrêté de remise ; que, par suite, la préfète de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;
14. Considérant que l'arrêté assignant M. A...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 15 heures 30, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers ; que le requérant, qui se borne à soutenir qu'il s'agit d'une " fréquence extrêmement lourde ", n'invoque toutefois aucune difficulté particulière ni l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion ; qu'il n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'obligation de présentation mise à sa charge méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article R.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la demande de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 26 mai 2016 l'assignant à résidence dans ce département doit être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 juin 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la l'arrêté du 26 mai 2016 de la préfète de Maine-et-Loire portant assignation à résidence.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 26 mai 2016 l'assignant à résidence et le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. A...sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2017.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N°16NT02120, N°16NT02121 2
1