Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 novembre 2020 et les 28 mai et 21 juillet 2021 (ce dernier non communiqué), les consorts Le Sommer, représentés par la Selarl Le Roy Gourvennec Prieur, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2017 du maire de Plougoumelen et la décision du 18 mai 2017 rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plougoumelen le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il est insuffisamment motivé ; il est également entaché d'une contradiction de motifs ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- l'architecte des bâtiments de France a rendu un avis sur un dossier incomplet ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- les motifs du refus fondés, d'une part, sur l'article L 121-8 du code de l'urbanisme, d'autre part, sur l'article R. 111-27 du même code sont illégaux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 avril et 29 juin 2021, la commune de Plougoumelen, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des consorts Le Sommer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les consorts Le Sommer ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Riou, pour les consorts Le Sommer, et de Me Colas, pour la commune de Plougoumelen.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande des consorts Le Sommer tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2017 du maire de Plougoumelen refusant de leur délivrer un permis d'aménager sur les parcelles cadastrées à la section E sous les n°s 13p, 584p et 587p, situées 19, route de Ty Len, ainsi que de la décision du 18 mai 2017 portant rejet de leur recours gracieux. Les consorts Le Sommer relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les consorts Le Sommer ont soutenu devant le tribunal administratif de Rennes qu'en refusant la délivrance du permis d'aménager au motif que le projet méconnaissait l'article R. 111- 27 du code de l'urbanisme relatif à l'atteinte aux sites et paysages, le maire avait fait une inexacte application de ces dispositions. Pour écarter ce moyen, le tribunal administratif, après avoir décrit avec précision tant le site dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du projet que les caractéristiques de ce dernier, a jugé qu'il " engendrera un impact considérable sur le site à dominante naturelle dans lequel il s'insère " et " est ainsi manifestement de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux et paysages naturels avoisinants " Ce faisant, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement. Si les requérants soutiennent, également, que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du jugement attaqué, est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, (...) la décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France. ". Aux termes de l'article R. 423-11 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la décision est subordonnée à l'avis de l'architecte des bâtiments de France, le maire lui transmet un dossier dans la semaine qui suit le dépôt ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il est constant que le projet est situé dans le site inscrit du Golfe du Morbihan et à proximité des monuments protégés " Chapelle Notre Dame Becquerel (Le Bono) " et " Moulin à marée de Kerlivio ", motif pour lequel la demande des requérants devait être soumise pour avis à l'architecte des bâtiments de France.
6. Les consorts Le Sommer ont déposé, le 23 août 2016, auprès des services de la commune de Plougoumelen, leur dossier de permis d'aménager. Ce dossier a été transmis à l'architecte des bâtiments de France, lequel a émis, le 22 septembre 2016, un avis défavorable au projet au motif qu'il était " de nature à altérer l'aspect de ce site inscrit ", demandant aux intéressés de fournir " sur plan de masse, les détails des clôtures, voiries, espace commun au 200ème minimum " et " de préciser si abattage d'arbres " et formulant des " recommandations ou observations au titre du patrimoine, de l'architecture, de l'urbanisme ou du paysage ". Par lettre du 19 septembre 2016, le maire a demandé aux pétitionnaires de compléter leur dossier en produisant un plan de composition d'ensemble (PA4) permettant d'apprécier le respect des règles d'implantation des constructions, l'engagement du demandeur de conclure la convention prévue au 3° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation ainsi que le dossier d'évaluation des incidences prévu à l'article R. 414-23 du code de l'urbanisme, les parcelles d'assiette du projet étant comprises dans un site Natura 2000. Ces pièces complémentaires ont été déposées en mairie, le 17 novembre 2016, soit postérieurement à l'avis de l'architecte des bâtiments de France rendu le 22 septembre 2016. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ni le plan PA 4 à l'échelle 500ème déposé le 17 novembre 2016, identique à celui présenté dans leur dossier de demande de permis, sur lequel n'était pas reporté, contrairement à ce qu'avait demandé l'architecte des bâtiments de France, le détail des clôtures, des voiries et de l'espace commun, ni le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000, qui analyse l'importance et la nature du projet et de ses incidences sur les habitats et les espèces d'intérêt communautaire, n'ont pu avoir une incidence sur l'appréciation portée par l'architecte des bâtiments de France sur le projet, ce dernier ayant d'ailleurs expressément relevé, le 24 septembre 2018, qu'en l'absence de description des clôtures, des voiries et de l'espace commun, son avis défavorable n'était pas modifié. Par suite l'absence de transmission à l'architecte des bâtiments de France de ces pièces complémentaires, qui n'a pas été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le sens de la décision prise et n'a pas davantage privé les intéressés d'une garantie, ne constitue pas une irrégularité de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 14 mars 2017 du maire.
7. En second lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables. ". Aux termes de l'article A. 424-4 du même code : " (...) l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision et indique les voies et délais de recours ".
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 14 mars 2017 litigieux vise notamment les textes sur le fondement desquels il a été pris. Il précise que le projet ne s'inscrit pas en continuité avec une agglomération ou un village existant et que, compte tenu de ses caractéristiques, il ne s'intègre pas dans le site inscrit du Golfe du Morbihan, en méconnaissance des dispositions respectivement prévues aux articles L. 121-8 et R. 111-27 du code de l'urbanisme, la décision n'étant pas fondée, contrairement à ce que soutiennent les requérants, sur l'incomplétude du dossier de demande. Le moyen tiré de ce que cet arrêté serait insuffisamment motivé doit donc être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies, des cartes et des documents graphiques produits, que le terrain d'assiette du projet de lotissement est séparé des espaces urbanisés de la commune, sur ses côtés ouest et nord, par des routes, et qu'il s'ouvre au sud et à l'est sur des espaces demeurés naturels et agricoles pour l'essentiel, à l'exception de la salle de sport communale et de quelques constructions isolées, de sorte qu'il ne peut être regardé comme étant en continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l'article L. 121- 8 du code de l'urbanisme. Par suite, en estimant que le projet ne s'inscrivait pas en continuité avec une agglomération ou un village existant et en refusant le permis pour ce motif, le maire n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
11. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
12. Il résulte de ces dispositions que si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
13. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet s'ouvre, au sud, sur un espace densément boisé, qui le sépare du ruisseau le Len, lequel débouche sur le golfe du Morbihan, de ses rives boisées et de l'étang de Kervilio et, à l'est, sur de vastes parcelles demeurées à l'état naturel. Il est situé dans le site inscrit du Golfe du Morbihan et sa partie sud, également boisée, est comprise dans le site Natura 2000 du Golfe du Morbihan-Côte ouest de Rhuys. Dans ces conditions, le projet de lotissement envisagé, qui consiste en la réalisation d'un lotissement de 11 lots, avec création d'une voie interne d'une centaine de mètres, sur un terrain d'une superficie de 5 557 m², sans modalité particulière d'insertion, est de nature, par ses caractéristiques et son ampleur, à porter atteinte à l'intérêt des lieux et paysages du site naturel de grande qualité qui l'entoure, dans une partie du territoire communal demeurée à l'écart de l'urbanisation. Par suite, le maire de Plougoumelen, en refusant par l'arrêté du 14 mars 2017 contesté de délivrer un permis d'aménager sur ces parcelles. n'a pas fait une inexacte application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts Le Sommer ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les intéressés doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Plougoumelen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement aux consorts Le Sommer de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des consorts Le Sommer le versement à la commune de Plougoumelen de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts Le Sommer est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Plougoumelen tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Le Sommer, à Mme F... C..., à Mme E... D... et à la commune de Plougoumelen.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.
La rapporteure,
C. BuffetLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03696