Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 20 avril 2018, le 15 décembre 2018, M. M...A..., Mme C...A...et M. N...A..., représentés par MeO..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 17 mars 2015 et la décision portant rejet de leur recours administratif ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Plougrescant et des consorts E...une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...et les autres requérants soutiennent que :
- les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ne trouvaient alors pas à s'appliquer à une décision de non-opposition à déclaration préalable ;
- leur requête n'était pas irrecevable dès lors qu'ils sont les voisins directs de la propriété E...et que le projet litigieux impacte de manière importante les conditions de jouissance de leur propriété ;
- la donation-partage consentie à M. N...A..., leur fils, par M. M...A...et Mme C...A...n'a aucune incidence sur leur intérêt à agir ;
- leur intérêt à agir est indéniable au vu de l'importance réelle du projet litigieux, dont la présentation a été délibérément faussée par les pétitionnaires ;
- le projet des consorts E...vise en réalité à créer de nouveaux logements ;
- aucune tardiveté ne peut être opposée à leur recours contentieux ;
- aucun dossier de déclaration préalable ne pouvait être déposé dès lors qu'aucune des constructions physiquement présentes sur le terrain d'assiette n'a d'existence légale ;
- l'irrégularité consécutive à l'absence d'autorisation de construire préalable pour l'annexe n'est pas prescrite faute d'avoir obtenu un permis de construire de régularisation ;
- le projet litigieux relevait du régime du permis de construire et non de celui de la déclaration préalable ;
- le projet modifie l'aspect extérieur des constructions existantes ;
- M. E...a lui-même admis que son projet emportait la création de 26 m² de surface de plancher par changement de destination ;
- une telle surface est manifestement sous-dimensionnée ;
- la commune avait délivré le 3 novembre 2014 un certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif indiquant qu'aucun changement de destination n'était possible ;
- le projet litigieux méconnaît les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols ;
- aucune rénovation des bâtiments existants ne pouvait être autorisée, faute pour ces derniers de présenter un intérêt architectural ou historique ;
- la procédure particulière devant être suivie s'agissant d'un projet situé dans un site classé n'a pas été respectée dès lors que l'architecte des bâtiments de France s'est prononcé dans des conditions irrégulières, à partir d'un dossier incomplet ;
- le dossier déposé par le pétitionnaire était insuffisamment précis ;
- la décision litigieuse n'a pas été transmise au contrôle de légalité et n'a pas fait l'objet de la mesure de publicité requise ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2018, la commune de Plougrescant, représentée par MeK..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que c'est à juste titre que le tribunal administratif a opposé à la requête une irrecevabilité tirée du défaut d'intérêt à agir suffisant des consorts A...et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par ces derniers n'est fondé.
Par des mémoires en défense enregistrés le 6 décembre 2018, le 21 décembre 2018 et le 10 janvier 2019, M. L... E..., Mme F...E..., Mme D...E..., Mme B... E...et Mme I...E..., représentés par MeG..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les consorts E...font valoir que c'est à juste titre que le tribunal administratif a opposé à la requête une irrecevabilité tirée du défaut d'intérêt à agir suffisant des consorts A...et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par ces derniers n'est fondé.
Par un courrier en date du 18 décembre 2018, M. L...E...a été désigné représentant unique des consortsE....
Par un courrier en date du 24 janvier 2019, M. M...A...a été désigné représentant unique des requérants.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeO..., représentant les consortsA..., de MeH..., représentant la commune de Plougrescant et de MeG..., représentant les consortsE....
Considérant ce qui suit :
1. M. E...a déposé le 13 février 2015 auprès de la commune de Plougrescant (Côtes d'Armor) un dossier de déclaration préalable en vue de la rénovation et de l'isolation par l'extérieur d'une habitation située au 10 du lieu-dit Crec'h Run, à laquelle le maire de la commune, par arrêté du 17 mars 2015, ne s'est pas opposé. M. M...A..., Mme C...A...et M. N...A..., se prévalant de leur qualité de voisins directs, ont contesté la légalité de cette décision. Ils relèvent appel du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur l'intérêt à agir des requérants :
2. Le tribunal administratif, pour rejeter le recours contentieux formé contre l'arrêté du 17 mars 2015 par lequel le maire de la commune de Plougrescant a décidé de ne pas s'opposer à la déclaration préalable déposée le 13 février 2015 par M. E...en vue de procéder à des travaux de rénovation et d'isolation extérieur, s'est fondé sur la circonstance que les consorts A...ne disposaient pas, en dépit de leur qualité de propriétaires de la maison implantée sur le terrain jouxtant le terrain de M.E..., située au 12 du lieu-dit Crec'h Run, et de voisins directs, d'un intérêt à agir suffisant pour contester la légalité de cette décision.
3. Il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision relative à l'occupation du sol régie par le code de l'urbanisme, en particulier lorsqu'une fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir est soulevée en défense, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état d'éléments suffisamment précis et étayés. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que la propriété des consorts E...se compose d'un terrain d'une superficie de 2 188 m² et de trois constructions de faibles dimensions. La propriété des consorts A...borde cette propriété sur deux de ses côtés, au nord et à l'est. Deux de ces constructions, non habitées à la date de la décision attaquée, sont implantées au nord du terrain, à proximité immédiate de la limite séparative avec la propriété des consortsA..., et à une vingtaine de mètres de la maison d'habitation des intéressés, la troisième étant située au sud du terrain, en proximité de limite séparative d'un autre terrain. Le projet de rénovation faisant l'objet de la décision attaquée, comme le révèle le contenu du dossier déposé par le pétitionnaire, ne se limite pas à la rénovation d'une seule de ces constructions, ce qu'a d'ailleurs retenu le tribunal administratif, mais vise à procéder à une rénovation d'ensemble, des travaux étant prévus pour chacun des trois bâtiments existants et la nature de ces travaux ayant pour effet d'en changer l'aspect extérieur, notamment au niveau des ouvertures. Par les éléments qu'ils ont produits en première instance, les requérants ne se sont pas limités à faire état de leur qualité de voisins directs de la propriété des consortsE..., mais ont produit de nombreux documents par lesquels ils contestaient, à partir d'éléments précis, la nature même du projet litigieux et la probabilité d'un changement de destination d'un voire de deux des bâtiments existants. Enfin, même si ces bâtiments comportaient déjà, dans leur état initial, des vues sur la propriété des requérants, le dossier de déclaration préalable déposé par M. E...montre que de nouvelles ouvertures seront créées et seront ainsi à l'origine de nouvelles vues sur la propriété des requérants. Il ressort de ce qui précède que, dans de telles conditions, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la requête des consorts A...était irrecevable faute pour ces derniers de disposer d'un intérêt à agir suffisant.
Sur la tardiveté du recours des consortsA... :
5. Si les défendeurs soutiennent que seul M. M...A...a signé le recours administratif formé le 15 mai auprès de la commune de Plougrescant et que par suite le délai de recours n'a pas été prorogé au bénéfice de Mme C...A..., son épouse et de M. N...A..., son fils, il résulte de ce qui précède, en tout état de cause, que la demande de première instance, en tant qu'elle était présentée par M. M...A..., était recevable.
Sur les conclusions en annulation :
6. Les consortsA..., en premier lieu, soutiennent qu'aucun des bâtiments déjà présents sur la propriété des consorts E...n'a d'existence légale, et que la déclaration de non-opposition litigieuse ne saurait tenir lieu de régularisation.
7. S'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, la maison d'habitation en pierres sous ardoises est de construction ancienne et figurait sur le cadastre napoléonien de 1812, et que, d'autre part, le bâtiment annexe situé au sud de la parcelle a fait l'objet en 1976 d'une autorisation de construire, en tant que garage, il est constant que les consortsE..., qui indiquent que la construction située à l'est de la maison d'habitation a été édifiée au début des années 60, ne produisent aucun élément de nature à établir que cette construction aurait fait l'objet d'une autorisation préalable ou n'aurait pas relevé d'un tel régime, la commune de Plougrescant ne contestant pas sérieusement, de son côté, que ce bâtiment a été édifié sans autorisation. Ce bâtiment, dont il n'est pas contesté qu'il avait été édifié depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, doit ainsi être regardé comme dépourvu d'existence légale et des travaux en vue de sa rénovation ne pouvaient être autorisés sans qu'une régularisation n'intervienne, la décision litigieuse ne pouvant en tenir lieu. Les requérants sont ainsi fondés à soutenir que la décision du 17 mars 2015 de ne pas s'opposer aux travaux projetés ne pouvait pas légalement porter sur ce dernier bâtiment et qu'elle doit, dans cette mesure, être annulée.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, comme déjà indiqué, que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé dans la bande littorale des cent mètres, et se trouve pour cette raison classé en zone ND du plan d'occupation des sols alors applicable. En raison de la présence de trois bâtiments déjà construits, ce terrain est partiellement classé en secteur NDa de cette zone, correspondant aux parties de propriétés exclues des secteurs NDl, le reste de la propriété étant classée dans ce dernier secteur. Aux termes de l'article ND1, relatif aux occupations et utilisations du sol admises, le II de cet article précise que ces dispositions s'appliquent dans l'ensemble de la zone ND à l'exception de certains secteurs dont le terrain d'assiette ne fait pas partie. Seuls peuvent être admis " l'aménagement des habitations existantes et l'extension de leur volume initial à condition que cette extension ne constitue pas un logement supplémentaire " et " la rénovation, l'extension limitée et le changement d'affectation de bâtiments non en ruines dont l'intérêt architectural ou historique justifie la préservation ". Parallèlement, s'agissant des secteurs NDa, seuls sont admis " la restauration et l'éventuel changement d'affectation de bâtiments non en ruines dont l'intérêt architectural ou historique justifie la préservation sous réserve que les travaux soient réalisés dans les volumes du bâti existant et contribuent à sa mise en valeur ".
9. Les dispositions précitées, qui doivent se lire de manière combinée, n'autorisent ainsi que des travaux portant sur des bâtiments non en ruines à la double condition qu'ils présentent un intérêt architectural et historique et de ne pas permettre la réalisation d'un logement supplémentaire.
10. Il ressort des pièces du dossier que le projet de M. E...ne porte pas, comme indiqué à tort dans son dossier de déclaration préalable, sur la rénovation d'une construction existante, mais, ainsi que le révèle le contenu du dossier, sur la rénovation de chacun des trois bâtiments déjà implantés sur son terrain. Le projet litigieux, qui modifie l'aspect extérieur de ces constructions, notamment en créant de nouvelles ouvertures, en particulier sous toit, ne peut qu'être regardé, ainsi que le révèle, d'une part, la demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel déposée le 2 octobre 2014, avant l'avant-vente du terrain, par le notaire en charge de la vente de la propriété de M. J...aux consorts E...afin de vérifier la faisabilité d'une opération consistant à transformer des dépendances en habitation, et, d'autre part la fiche technique d'assainissement individuel renseignée le 20 novembre 2014 à la demande des consorts J...dans la perspective de la vente de leur terrain aux consortsE..., faisant état d'un projet de résidence secondaire comprenant cinq pièces principales, dont 3 chambres, pouvant accueillir huit personnes, comme visant, à terme, à permettre l'usage de ces bâtiments en tant qu'habitations. M. E...a d'ailleurs lui-même indiqué, dans sa réponse adressée le 9 mars 2015 à la commune en réponse à une demande de précision sur le projet, que son projet emportait la création de 26 m² de surface de plancher nouvelle, même s'il a ensuite indiqué, au cours du débat contentieux de première instance, s'être mépris sur le sens de la demande complémentaire que lui avait adressée la commune.
11. Par ailleurs, l'annexe Sud a été autorisée en tant que garage, et l'annexe Est est dépourvue de pièce à vivre et dépourvue de point d'eau. Ainsi, la maison en pierres sous ardoises constitue de manière non équivoque la seule construction à usage d'habitation des trois constructions présentes sur le terrain. Elle est la seule à présenter un caractère ancien présentant un intérêt architectural ou historique en justifiant la préservation. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des constats d'huissiers qui ont été établis et des nombreuses photographies prises à ces occasions, que les deux autres bâtiments, récents et sans aucune qualité particulière de construction, sont dépourvus d'intérêt architectural ou historique. Leur rénovation et leur aménagement ne pouvaient ainsi être autorisés par la décision du 17 mars 2015 sans méconnaître les dispositions du règlement de la zone ND du plan d'occupation des sols. Les consorts A...sont ainsi également fondés à soutenir que, pour ce motif, la décision attaquée doit être annulée, en ce qu'elle autorise la rénovation de ces annexes Est et Sud.
12. S'agissant de la maison d'habitation en pierres avec toiture en ardoises, il ressort en premier lieu des pièces du dossier, et en particulier d'une copie du cadastre napoléonien, que cette construction a été édifiée avant 1943 et ne relève donc pas du régime du régime des autorisations de construire datant de 1943. La demande de précision adressée par la commune au pétitionnaire, en second lieu, ne concernait pas cette partie du projet litigieux, et la circonstance que l'architecte des bâtiments de France se soit prononcé sur le projet avant que le pétitionnaire ne fournisse les précisions demandées est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, en tant qu'elle porte sur ce bâtiment particulier. Les travaux en litige concernant ce bâtiment ne créent pas de surface de plancher supplémentaire et ne modifient pas l'aspect extérieur de la construction. Ils ne relèvent pas ainsi du régime du permis de construire. Les pièces du dossier sont, de plus, suffisamment précises pour appréhender la teneur des modifications apportées à cette construction existante. En cette qualité de construction déjà existante, les travaux envisagés ne méconnaissent en outre ni les dispositions du III de l'article L. 146-4 alors applicable du code de l'urbanisme, ni celles du règlement du plan d'occupation des sols communal, s'agissant au contraire, comme indiqué au point 11, d'une construction ancienne représentative du style local. Aucun des moyens soulevés par les consorts A...n'apparaît fondé en ce qui concerne les travaux autorisés par la décision attaquée en ce qui concerne cette construction particulière.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A...sont seulement fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2015 du maire de Plougrescant portant non-opposition à la déclaration préalable en tant qu'il porte sur les bâtiments annexes Est et Sud de la propriété de M.E....
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce qu'il soit mis à la charge des requérants, lesquels ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la commune de Plougrescant et les consorts E...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au profit des consortsA....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2018 en tant qu'il rejette les conclusions en annulation dirigées contre l'arrêté du maire de Plougrescant du 17 mars 2015 en ce que celui-ci ne s'est pas opposé aux travaux portant sur les annexes est et sud de la propriété de M. E...et cet arrêté, dans cette même mesure, sont annulés.
Article 2 : Les conclusions des consorts A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de la commune de Plougrescant et des consorts E...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. M... A..., représentant unique des requérants, à la commune de Plougrescant, et à M. L... E..., représentant unique des consortsE....
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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