Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale ", à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à défaut, de réexaminer sa demande et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle souffre d'une hépatite C nécessitant un traitement médicamenteux régulier, qui est très onéreux en Mongolie ; elle justifie qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine du fait du coût trop élevé du traitement et de la faiblesse de ses ressources ; le préfet a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le défaut d'indépendance du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est avéré en l'espèce ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- pour les mêmes motifs l'obligation de quitter le territoire qui lui est imposée est entachée d'illégalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures produites devant le tribunal administratif.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 14 février 2018, par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2017 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 octobre 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
4. En premier lieu, Mme A...fait valoir le manque d'indépendance du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a donné un avis, le 20 juin 2017, sur sa demande de titre de séjour. Toutefois, l'article 2 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice, par les médecins de cet office, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les règles déontologiques communes à tout médecin, telles qu'elles résultent des articles R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique, sont applicables à la procédure mentionnée au premier alinéa du présent article. L'avis communiqué au préfet par le collège des médecins de l'OFII ne comporte aucune information couverte par le secret médical, détaillé en annexe I, ni aucun élément susceptible de révéler la pathologie du demandeur. Le rapport médical mentionné au premier alinéa du présent article n'est communicable ni à cette autorité administrative ni à aucune autre. Les conditions de transmission du certificat médical, telles que prévue dans l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du CESEDA sont assurées dans le respect du secret médical, qui implique que les agents des services préfectoraux ne puissent pas accéder à une information médicale couverte par ce secret. Ces agents ne peuvent faire état d'informations médicales concernant un étranger que celui-ci a, de lui-même, communiquées, que dans le cadre d'une procédure contentieuse ". Il résulte de ces dispositions que la consultation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lesquels sont soumis aux règles déontologiques applicables à tout médecin, est soumise au respect du secret médical. Mme A...n'apporte aucune précision utile à l'appui de son moyen tiré du manque d'indépendance du collège de médecins qui a examiné sa situation. Son moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté en litige, le préfet du Calvados s'est fondé sur l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'état de santé de Mme A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Mongolie, vers lequel elle peut voyager sans risque. Pour émettre cet avis, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pris en considération, notamment, l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé dans le pays dont Mme A... est originaire. En appel, comme en première instance, la requérante fait valoir qu'elle ne pourrait pas supporter la charge du coût du traitement pour l'hépatite C d'un montant de 1 200 dollars, soit environ 1,2 fois le SMIC local. Toutefois, Mme A...ne conteste pas sérieusement les éléments fournis par le préfet en première instance, notamment les indications de la revue du World Hepatitis Alliance de janvier 2017, selon lesquelles "pour la Mongolie, (...) la lutte contre l'hépatite virale est une priorité" et le communiqué du 21 avril 2017 de l'OMS selon lequel " La Mongolie a amélioré le recours au traitement de l'hépatite, dont les médicaments contre le VHB et le VHC, dans le cadre de son système national d'assurance maladie couvrant 98% de sa population. [...] L'amélioration de l'accès au traitement de l'hépatite C a enregistré un coup d'accélérateur en mars 2017, avec la pré-qualification par l'OMS d'un principe actif générique, le sofosbuvir. Cette mesure permettra à davantage de pays de produire des médicaments abordables contre l'hépatite ". Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Calvados aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code précité doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...est arrivée en France récemment, le 7 février 2014. Si elle a bénéficié d'une autorisation de séjour temporaire renouvelée jusqu'au 19 avril 2017, elle ne justifie d'aucune insertion sociale et professionnelle particulière sur le territoire français, à l'exception d'un contrat à durée déterminée conclu le 30 août 2016 et non renouvelé après son terme le 31 mars 2017. Mme A...n'établit pas être dépourvue d'attaches en Mongolie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le préfet du Calvados n'a pas davantage commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la vie personnelle de MmeA....
9. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'illégalité.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01767