Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 janvier et 24 octobre 2016, M. E..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 février 2001 ;
3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Sarzeau une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. E...soutient que :
- la notification qui lui a été faite de l'arrêté préfectoral litigieux est entachée de nullité dès lors qu'elle n'a pas été assurée par l'autorité compétente ;
- la notification qui lui a été faite de l'arrêté préfectoral litigieux ne comportait pas l'indication des voies et délais de recours ;
- l'arrêté préfectoral litigieux doit être regardé comme ayant institué sur son terrain une servitude de passage transversale ;
- cette servitude méconnaît les dispositions de l'article L. 160-6-1 du code de l'urbanisme ;
- une telle servitude ne pouvait pas être instituée en dehors d'une voie ou d'un chemin privé existant affecté à un usage collectif ;
- la servitude litigieuse ne longe pas le littoral mais permet à partir du rivage de rejoindre le chemin dit Marie Payen ;
- un autre chemin déjà existant permettait d'assurer cette liaison ;
- l'arrêté préfectoral litigieux est insuffisamment motivé, aucun élément du dossier qui s'y trouve annexé ne permettant de comprendre la nécessité d'instituer une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section BH n° 637 ;
- la notification tardive de l'arrêté préfectoral litigieux doit être regardée comme révélant l'existence d'une nouvelle décision ;
- cette nouvelle décision est irrégulière dès lors qu'elle n'est pas en adéquation avec la réalité de la situation de fait et de droit constatables au moment de la notification.
Par ordonnance du 27 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2016 à 12 heures.
Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2016, la commune de Sarzeau, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, la ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête.
La ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M.E..., et de MeA..., substituant MeC..., représentant la commune de Sarzeau.
1. Considérant que M. E...relève appel du jugement du 11 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 19 février 2001 du préfet du Morbihan portant approbation des modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons et des suspensions de cette servitude le long du littoral de la commune de Sarzeau ;
Sur l'intervention de la commune de Sarzeau :
2. Considérant que la commune de Sarzeau justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué ; que son intervention est dès lors recevable ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, que les conditions dans lesquelles la commune de Sarzeau, qui n'en est pas l'auteur, a entendu notifier à M. E...l'arrêté du 19 février 2001 du préfet du Morbihan portant approbation des modifications du tracé et des caractéristiques de la servitude de passage des piétons et des suspensions de cette servitude le long du littoral de la commune de Sarzeau sont sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; qu'il en va de même de la circonstance selon laquelle cette notification ne faisait pas mention des délais et voies de recours ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, alors applicables : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. L'autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d'une enquête publique effectuée comme en matière d'expropriation :a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d'une part, d'assurer, compte tenu notamment de la présence d'obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d'autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ;b) A titre exceptionnel, la suspendre. Sauf dans le cas où l'institution de la servitude est le seul moyen d'assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d'habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever des terrains attenants à des maisons d'habitation et clos de murs au 1er janvier 1976. " ; qu'aux termes de l'article L. 160-6-1, alors applicables, du même code : " Une servitude de passage des piétons, transversale au rivage peut être instituée sur les voies et chemins privés d'usage collectif existants, à l'exception de ceux réservés à un usage professionnel selon la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article L. 160-6. Cette servitude a pour but de relier la voirie publique au rivage de la mer ou aux sentiers d'accès immédiat à celui-ci, en l'absence de voie publique située à moins de cinq cent mètres et permettant l'accès au rivage Les dispositions de l'article L. 160-7 sont applicables à cette servitude. " ;
5. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'arrêté litigieux, en instituant une servitude de passage au travers de la parcelle alors cadastrée section BH n° 637 appartenant à M.E..., n'a pas, comme le soutient à tort l'intéressé, mis en place une servitude transversale mais s'est borné à tirer les conséquences de ce que des obstacles, détaillés dans les annexes accompagnant l'arrêté litigieux, et prenant la forme d'une continuité de parcelles entièrement encloses, dont celle appartenant à M.E..., s'opposaient à la continuité du passage en bordure de littoral, si bien qu'il fallait, afin d'assurer la continuité du cheminement le long du littoral, traverser la propriété de M. E...afin de pouvoir rejoindre un chemin existant, le chemin dit de Kerollet, permettant de regagner le cordon littoral, situé quelques centaines de mètres plus loin à l'Ouest ; qu'une telle servitude, quoique s'éloignant du cordon littoral, ne peut ainsi qu'être regardée, compte tenu des obstacles rendant impossible le cheminement continu et à pied sec le long du rivage de l'océan, que comme destinée à permettre le passage des piétons au plus près du littoral, en application des dispositions précitées de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme ; que, par suite, M. E...ne peut utilement soutenir que l'arrêté litigieux a méconnu les dispositions de l'article L. 160-6-1 du code de l'urbanisme, dont le préfet n'a pas fait application ; que, dès lors, la circonstance que la servitude de passage n'ait pas emprunté une voie ou un chemin privé d'usage collectif existant est sans incidence sur sa légalité ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer même que la libre circulation des piétons ait été possible, à la date où l'arrêté litigieux est intervenu, par un ancien chemin situé à proximité, dit des marais salants, et que ce chemin ait également permis de relier la voie publique au rivage, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la servitude litigieuse, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, cette servitude a pour seule finalité d'assurer la continuité du cheminement des piétons le long du domaine public maritime, conformément aux dispositions de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme, et non d'assurer la seule liaison entre une voirie publique et la mer, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 160-6-1 précitées du code de l'urbanisme ; que l'utilisation de cet ancien chemin, dit des marais salants, se serait traduit, en tout état de cause, par un allongement significatif du cheminement des piétons, ceux-ci devant alors d'abord rejoindre la route de Bernon, puis rejoindre la route du Dolmen pour pouvoir finalement rejoindre le littoral ; qu'un tel itinéraire ne saurait ainsi constituer une solution devant être préférée à celle ayant constitué à instaurer la servitude litigieuse, laquelle limite davantage le cheminement des piétons en dehors du cordon littoral ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté préfectoral litigieux comporte en annexe, notamment en sa page 14, des explications suffisamment claires et précises, accompagnées de trois photographies des lieux correspondants, permettant de comprendre pourquoi le sentier dit longitudinal devait, à partir de la parcelle alors cadastrée section BH n° 637, s'écarter du cordon littoral, notamment du fait de l'existence de parcelles entièrement encloses au droit desquelles un passage le long du littoral n'était plus possible ; que M. E...ne saurait relever une incohérence quant à l'identification de ces parcelles en produisant un relevé cadastral établi en 2012, et faisant suite à une renumérotation générale des parcelles ; que les annexes de l'arrêté litigieux permettent au contraire, à partir d'une carte où les parcelles sont identifiées avec leur ancienne numérotation, d'établir que les parcelles faisant obstacle à la continuité du cheminement littoral ont été correctement identifiées ; que, par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté préfectoral du 19 février 2001 ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en dernier lieu, que l'opposabilité à M. E...de l'arrêté préfectoral du 19 février 2001 est subordonnée, ainsi que l'a jugé le 4 février 2015 le Conseil d'Etat dans l'affaire n° 366862, au seul respect des mesures de publicité prescrites par l'article R. 160-22 du code de l'urbanisme ; que M.E..., qui a par ailleurs entrepris en début d'année 2009 une démarche visant à déplacer la servitude de passage grevant sa parcelle anciennement cadastrée BH 637, démontrant ainsi en avoir connaissance, ne peut ainsi utilement soutenir que la notification opérée le 18 janvier 2013, par la commune de Sarzeau, de l'arrêté du 19 février 2001 du préfet du Morbihan révèlerait l'instauration d'une nouvelle servitude, qu'il aurait été alors matériellement impossible d'instituer au vu des caractéristiques que présentait son tènement foncier à la date de cette notification, la commune de Sarzeau étant, en tout état de cause, incompétente pour mettre en place une telle servitude ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. E...la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de même nature présentées par la commune de Sarzeau, celle-ci n'étant pas partie à l'instance ;
DÉCIDE :
Article 1 : L'intervention de la commune de Sarzeau est admise.
Article 2 : La requête de M. E... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Sarzeau en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à la ministre du logement et de l'habitat durable et à la commune de Sarzeau.
Copie en sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 avril 2017.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00185