Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 février 2016, et les 4 avril et 11 août 2016, Mme B...C..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 27 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 21 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, d'examiner à nouveau sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté a été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative, dès lors que le mémoire en défense du préfet du Calvados lui été communiqué et a été pris en considération par le tribunal, alors qu'il a été produit après la clôture de l'instruction ;
- ce jugement méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à sa situation familiale.
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 avril et 28 septembre 2016 et le 2 mars 2017, le préfet du Calvados conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer concernant la décision portant obligation de quitter le territoire français et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable pour tardiveté ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être regardée comme ayant été abrogée, une demande de carte de résident formée le 3 novembre 2016 par Mme B...C...en qualité de membre de famille de réfugié étant en cours d'instruction ;
- les moyens soulevés par Mme B...C...ne sont pas fondés.
Mme B...C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B...C..., ressortissante congolaise née en 1980, est entrée irrégulièrement en France le 3 juillet 2013 ; qu'elle a sollicité l'asile, qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 30 septembre 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 1er juillet 2015 ; que, par un arrêté du 21 septembre 2015 portant également obligation de quitter le territoire français, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de réfugié ; que Mme B...C...relève appel du jugement du 27 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Calvados a délivré à Mme B...C..., à la suite de sa demande du 3 novembre 2016 tendant à la délivrance d'une carte de résident en qualité de membre de famille de réfugié, une autorisation provisoire de séjour valable du 30 novembre 2016 au 29 mai 2017 ; qu'il a, ainsi, implicitement mais nécessairement, abrogé la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressée le 21 septembre 2015, ainsi que la décision du même jour fixant le pays de renvoi ; que cette abrogation étant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, les conclusions présentées par Mme B... C...tendant à l'annulation de la décision portant obligation à son encontre de quitter le territoire français et de celle, subséquente, portant fixation du pays de renvoi, sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer ; qu'en revanche, la délivrance de cette autorisation provisoire de séjour ne rend pas sans objet les conclusions dirigées contre le refus de délivrance de titre de séjour ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. (...) " ; que selon l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction.
(...) " ; que selon l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. " ;
4. Considérant que Mme B...C...soutient qu'en se fondant, sans rouvrir l'instruction, sur des éléments fournis à l'appui du mémoire en défense du préfet du Calvados enregistré le 23 décembre 2015, après la clôture de l'instruction, le tribunal administratif de Caen a irrégulièrement statué et méconnu le caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle ; que, toutefois et d'une part, il ressort des pièces de la procédure, comme des visas du jugement contesté, que ce mémoire en défense a été communiqué à l'avocat de Mme B...C..., qui a produit en réponse un mémoire enregistré le 11 janvier 2016 ; que, d'autre part, il résulte des dispositions précitées que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...C...est entrée irrégulièrement en France en janvier 2013 avec ses trois filles nées en 1998, 2004 et 2007, son mari, qu'elle dit avoir fui, étant resté au Mali ; qu'elle entretenait depuis à tout le moins un an et demi à la date de la décision attaquée une relation avec un compatriote titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié, avec lequel elle a eu une fille, A..., née le 2 avril 2015 ; qu'il est établi que le couple, même s'il ne résidait pas sous le même toit, s'occupait de cet enfant et des deux autres filles mineures de la requérante à la date de cette décision ; qu'eu égard, toutefois, à la faible durée de la présence en France de la requérante et de sa relation de concubinage, étant, par ailleurs, souligné qu'il n'est pas établi que Mme B...C...serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance selon laquelle la jeune A...a été inscrite sur les registres de l'OFPRA postérieurement à la date de l'arrêté attaqué est insusceptible d'exercer une influence sur sa légalité, qui s'apprécie à la date à laquelle il a été pris ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme B... C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B...C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, également être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B...C...sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... C...tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 27 janvier 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du préfet Calvados du 21 septembre 2015 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2017, où siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00731