Par une requête, enregistrée le 22 avril 2016, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2016 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 9 décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Me C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
M. B...soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le médicament avec lequel il est soigné, le Remicade, n'est pas distribué en Géorgie ;
- le préfet ne démontre pas qu'il pourrait y être substitué un autre médicament disponible en Géorgie ;
- il bénéficie de l'allocation adulte handicapé, ce qui atteste de la sévérité de sa pathologie ;
- il ne bénéficiera pas du système de soins national en cas de retour dans son pays ;
- le refus de titre de séjour qui lui a été opposé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :
- il ne peut pas faire l'objet d'une telle mesure en raison de son état de santé.
S'agissant la décision fixant le pays de retour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...B..., ressortissant géorgien, relève appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté son recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2015 du préfet du Calvados portant refus de l'admettre au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire ;
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;
3. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, par un avis du 30 décembre 2015 le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au vu de l'absence de traitement approprié dans le pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui a levé le secret médical, souffre d'une spondylarthrite ankylosante ne pouvant être traitée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens en raison d'une intolérance, et dont le traitement est de ce fait exclusivement constitué par des injections de Remicade, médicament composé à partir de molécules d'infliximab ;
6. Considérant que, pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet produit, notamment, un document émanant du ministère de la santé de Géorgie permettant de constater que plusieurs médicaments composés à partir d'infliximab, soit le composant unique du Remicade, médicament actuellement utilisé dans le traitement suivi en France par M.B..., sont disponibles en Géorgie ;
7. Considérant que, compte tenu de ces éléments, il appartient à M. B... de démontrer en quoi les médicaments dont le préfet a établi l'existence ne constitueraient pas des traitements appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement un traitement identique à celui dont il bénéficie en France ; qu'en l'espèce, le requérant se limite à soutenir, sans plus de précision, qu'il n'est pas établi que ces médicaments apporteraient le même bénéfice que le Remicade ; que, dans ces conditions, M. B... n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer que les médicaments dont le préfet a établi la disponibilité en Géorgie ne seraient pas adaptés à sa situation ; qu'en tout état de cause, l'intéressé ne démontre pas davantage, alors que le préfet a également produit des documents relatifs à la mise en place en Géorgie à partir de février 2013 d'un système de couverture maladie universelle, en quoi il lui serait impossible d'accéder effectivement dans son pays aux soins que son état requiert ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;
9. Considérant que, comme indiqué au point 6, M. B...n'établit être effectivement privé de la possibilité d'accéder dans son pays aux soins que son état requiert ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut ainsi qu'être écarté ;
En ce qui concerne la fixation du pays de retour :
10. Considérant, d'une part que si la demande d'asile présentée par M. B...après son entrée sur le territoire français a été rejetée par l'Office français de protection des étrangers et apatrides (OFPRA) le 23 avril 2012 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 18 décembre 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados se serait cru lié par les décisions de l'OFPRA et de la Cour nationale du droit d'asile en fixant la Géorgie comme pays de destination ;
11. Considérant, d'autre part, que si M. B...persiste en appel à alléguer qu'il serait recherché dans son pays d'origine en raison de menaces liées à sa décision d'arrêter en 2010 sa collaboration avec la police locale, il ne justifie pas davantage qu'en première instance de ces assertions, qui ont au demeurant été écartées tant par l'OFPRA que par la Cour nationale du droit d'asile ; que dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que les conclusions en injonction qu'il a également présentées ne peuvent ainsi, par voie de conséquence, qu'être également rejetées ; qu'il en va de même de ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 avril 2017.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01316