Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mars 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 9 novembre 2102 par laquelle le préfet de l'Hérault a ajourné sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du ministre de l'intérieur du 24 avril 2013 rejetant son recours dirigé contre cette première décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'examiner à nouveau sa demande de naturalisation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de la durée de sa présence en France, de son intégration sociale et professionnelle, ni de sa maîtrise de la langue française ;
- dans le cadre de l'instruction de sa demande de naturalisation, elle n'a pas été convoquée à un entretien permettant de s'assurer de sa maîtrise de la langue française et de sa motivation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré du défaut d'entretien préalable est irrecevable en appel, faute pour la requérante d'avoir soulevé un moyen de légalité externe devant le tribunal administratif, et est, en toute hypothèse, infondé ;
- les autres moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante marocaine, relève appel du jugement du 2 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du préfet de l'Hérault du 9 novembre 2012 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation et, d'autre part, de la décision du ministre de l'intérieur du 24 avril 2013 prise sur recours hiérarchique ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'en application des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993, les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées ; que dès lors, comme l'a justement estimé le tribunal administratif, Mme B...doit être regardée comme sollicitant l'annulation de la seule décision du ministre de l'intérieur ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que Mme B...doive être regardée comme ayant soulevé un moyen tiré de l'absence d'organisation de l'entretien préalable prévu par les dispositions de l'article 41 du décret du 30 décembre 1993, il ressort des pièces du dossier que ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté en tant qu'il manque en fait ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'en vertu de l'article 27 de ce même code, l'administration a le pouvoir de rejeter ou d'ajourner une demande de naturalisation ; qu'en outre, selon l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au préfet, ainsi qu'au ministre, saisi sur recours préalable obligatoire, de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'autonomie matérielle du postulant, apprécié au regard du caractère suffisant et durable de ses ressources propres ;
5. Considérant que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par MmeB..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance selon laquelle l'intéressée poursuivait ses études et ne pouvait, de ce fait, être considérée comme ayant acquis une autonomie matérielle par l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la requérante suivait les enseignements d'un brevet de technicien supérieur en management des unités commerciales, diplôme obtenu en juin 2014, soit postérieurement à cette décision, et ne pouvait, dès lors, pas être regardée comme insérée professionnellement ; que la circonstance selon laquelle Mme B...a, postérieurement à la décision attaquée, conclu un contrat de travail à durée indéterminée, au demeurant à temps partiel, est insusceptible d'exercer une influence sur la légalité de la décision en litige, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; que, dans ces conditions, alors même que la requérante serait, par ailleurs, bien intégrée dans la société française, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation pour le motif indiqué ci-dessus ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, également être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme B...sollicite le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2017, où siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01428