Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, Mme C... épouseA..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 avril 2018 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler dans son intégralité cet arrêté préfectoral du 18 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- elle est entrée en France le 3 novembre 2016 sous couvert d'un visa valable et s'est maintenue sur le territoire depuis, de sorte que son entrée sur le territoire français doit être considérée comme régulière ;
- elle n'était plus mariée lorsqu'elle a épousé M.A... ; c'est à tort que le préfet a considéré qu'elle était en état de polygamie ; elle remplit les conditions permettant de bénéficier d'un titre de séjour en tant que conjoint de français ;
- le refus de séjour porte à son droit à la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ;
- l'illégalité du refus de séjour entraîne l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée dès lors que l'arrêté ne mentionne pas l'article L. 511-1 III et ne tient pas compte des critères prévus par la loi ;
- elle a divorcé avant de rencontrer M.A..., à qui elle n'a pas menti ; elle n'a jamais commis de manoeuvres frauduleuses mais s'est seulement renseignée sur les possibilités de faire venir ses enfants en France ; l'interdiction de retour de deux ans, qui porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, est injustifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures produites en première instance et soutient que les moyens soulevés par Mme C...épouse A...ne sont pas fondés.
Mme C...épouse A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Degommier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...C...ressortissante camerounaise, entrée sur le territoire français le 3 novembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles, s'est mariée le 7 octobre 2017 avec M.A..., ressortissant français. Par arrêté du 18 décembre 2017, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle sollicitait en qualité de conjoint de français, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Mme C...a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Caen, lequel, par jugement du 12 avril 2018, a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce une interdiction de retour d'une durée supérieure à deux ans et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. En premier lieu, Mme C...soutient, comme en première instance, qu'elle est entrée en France le 3 novembre 2016 sous couvert d'un visa de court séjour valable et s'est maintenue sur le territoire depuis, de sorte que son entrée sur le territoire français doit être considérée comme régulière. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; ".
4. Il ressort de la décision contestée que le préfet a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité notamment au motif que l'intéressée ne pouvait se marier légalement en France alors qu'elle était déjà mariée avec un ressortissant camerounais. Toutefois, MmeC..., qui était mariée depuis le 6 juin 2015 avec M.D..., a produit, pour la première fois en appel, le jugement du 21 février 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Mfoundi (Cameroun), qui prononce le divorce entre M. D...et MmeC.... Si ce jugement a été produit pour la première fois en appel, il est de nature à établir que Mme C...n'était pas en situation de bigamie après son mariage, le 7 octobre 2017, avec M.A.... Le préfet s'est donc fondé sur des faits matériellement inexacts en considérant, dans son arrêté du 18 décembre 2017, que Mme C...était en situation de bigamie. Il résulte toutefois de l'instruction que le préfet, qui a également fondé sa décision de refus de séjour sur l'absence de visa de long séjour et d'entrée régulière sur le territoire français, aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce dernier motif. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.
5. En dernier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la requérante reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points 2 à 5 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
8. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
10. D'une part, l'arrêté contesté du 18 décembre 2017 prononçant une interdiction de retour mentionne, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en les citant. Il relève que Mme C... a délibérément trompé l'administration afin de se voir délivrer indûment un titre de séjour, qu'elle est arrivée récemment en France, que son union avec M. A...est récente et qu'elle n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine. Cette motivation, qui atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères fixés au III de l'article L. 511-1 précité, est suffisante, de sorte que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour ne peut qu'être écarté.
11. D'autre part, Mme C...fait valoir qu'elle n'a procédé à aucune manoeuvre frauduleuse ni aucune tentative de fraude, qu'elle est bien divorcée de son premier mari qu'elle a dû fuir du fait de violences conjugales et que l'interdiction de retour est disproportionnée. S'il est établi que l'intéressée n'était pas en situation de bigamie lorsque le préfet a pris sa décision, il ressort néanmoins d'une attestation d'un agent du service d'état civil de la commune de Vire que la requérante s'est présentée dans ce service avec M. A...le 21 novembre 2017, afin que celui-ci reconnaisse les enfants de Mme C...résidant au Cameroun et que l'agent les a alertés sur le " caractère visiblement mensonger de ces éventuelles reconnaissances " et les poursuites qu'ils pourraient encourir. L'agent a précisé que " suite à nos explications, ils ont effectivement renoncé à faire les reconnaissances ". Compte tenu de ces éléments, de la faible durée de son séjour en France et du caractère récent de son mariage, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à l'égard de Mme C...une interdiction de retour sur le territoire français. Mme C...n'étant pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent, notamment, ses deux enfants mineurs, ses deux parents, et des frères et soeurs, la mesure d'interdiction de retour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...demande au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre, adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 juin 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01647