Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er septembre 2014, le 20 octobre 2015 et le 19 novembre 2015, la société Centrale Eolienne Chanteraine, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 1er juillet 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté et la décision de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le permis de construire sollicité, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la copie notifiée aux parties ne permet pas de s'assurer que le tribunal a correctement synthétisé leurs prétentions ;
- l'intervention n'est pas recevable ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dès lors que le château de Billeron ne présente pas d'intérêt particulier et que le projet de parc éolien n'aura aucun impact préjudiciable sur ce site, que la présence, sur le site d'implantation du projet, à savoir un territoire agricole, d'un édifice partiellement inscrit au titre des monuments historiques ne confère pas un intérêt particulier à l'environnement du projet, que les circonstances que le château, à peine visible depuis la voie publique, appartient à une personne privée et n'est pas ouvert au public amoindrissent l'intérêt qu'il présente et limitent les vues possibles sur l'édifice ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que le projet ne porte pas atteinte au château de Billeron, que le parc ne devrait pas être perceptible depuis les jardins et les alentours du château situés à même hauteur, que le château et les éoliennes étant situés dans des directions opposées, ils ne pourront pas être vus en même temps depuis le château, qu'il n'existera pas de covisibilité entre les éoliennes projetées et le château en raison de la présence d'arbres ;
- la circonstance que le service départemental de l'architecture et du patrimoine du Cher a émis un avis défavorable est sans incidence dès lors que le préfet n'est pas lié par cet avis, qu'il n'y aura pas d'effet d'écrasement en raison de la visibilité très faible des éoliennes depuis le château et de l'existence d'obstacles visuels.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2015, la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Centrale Eolienne Chanteraine ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention, enregistrés le 20 octobre 2015 et le 8 janvier 2016, l'association de Sauvegarde du Pays de Lugny-Champagne et de ses alentours, l'association de Sauvegarde du Pays de Jalognes, M. et Mme Thibaultet O... P..., M. et Mme Jean-Lucet R... S..., Mme F...E..., Mme B...E..., M. K...C...et M. J...L..., représentés par MeI..., concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir que l'édification des éoliennes portera gravement atteinte à l'intérêt du château de Billeron, et présentera un risque d'atteinte visuelle au site de la Charité-sur-Loire, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Piltant,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeD..., représentant la société Centrale Eolienne Chanteraine, et de MeM..., substituant MeI..., représentant l'association de sauvegarde du Pays de Lugny-Champagne et de ses alentours et autres.
Une note en délibéré présentée pour la société Centrale Eolienne Chanteraine a été enregistrée le 27 janvier 2016.
1. Considérant que la société Centrale Eolienne Chanteraine a déposé le 31 janvier 2012 un dossier de demande de permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lugny-Champagne (Cher) ; que par arrêté du 6 mars 2013, le préfet de la région Centre a refusé de délivrer le permis de construire sollicité ; que la société Centrale Eolienne Chanteraine relève appel du jugement du 1er juillet 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'intervention :
2. Considérant, d'une part, que les associations " Sauvegarde du pays de Lugny-Champagne et de ses alentours " et " Sauvegarde du pays de Jalognes " justifient, par leur objet statutaire et leur action, d'un intérêt de nature à les rendre recevables à intervenir ; que l'intervention collective doit, par suite, être admise ;
3. Considérant, d'autre part, qu'en faisant valoir que le préfet de la région Centre a pu, à bon droit, fonder son refus à la demande de permis de construire sur le motif tiré de ce que la réalisation du parc éolien en cause présentera un risque d'atteinte visuelle à l'encontre du site de la Charité-sur-Loire, inscrit au patrimoine de l'UNESCO et qui compte plusieurs monuments historiques, les intervenants font valoir une prétention propre qui ne soulève pas de question nouvelle et qui n'est pas fondée sur une cause juridique distincte ; que, par suite, les intervenants sont recevables à invoquer ce moyen en défense ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires " ; qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que les premiers juges ont correctement analysé les conclusions des parties et les moyens qu'elles ont soulevés en première instance ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ;
7. Considérant, en premier lieu, que le projet consiste à implanter quatre éoliennes d'une hauteur de 150 mètres pales comprises et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lugny-Champagne sur une ligne d'orientation générale nord sud à 12 km à l'ouest de la Charité-sur-Loire (Nièvre) ; que les éoliennes du projet litigieux sont distantes de douze kilomètres du site de La Charité-sur-Loire (Nièvre), dont l'élément central est l'église Sainte Croix Notre-Dame, classée monument historique depuis 1840 et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco en 1998 en raison de son intérêt architectural et de sa place très importante sur les chemins de Compostelle en France ; que les remparts de la ville, également classés monuments historiques par arrêté du 17 novembre 1937, offrent une vue sur le prieuré et sur un vaste panorama à dominante naturelle et boisée s'étendant très loin à l'ouest de la Loire ; qu'il ressort des pièces du dossier que les deux tiers supérieurs des éoliennes, soit la totalité de leurs rotors en mouvement, seront visibles depuis les remparts de la ville et seront en covisibilité avec plusieurs monuments inscrits ou classés au titre des monuments historiques, notamment le prieuré et l'église romane ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme en estimant que le projet en cause était de nature à porter atteinte au site patrimonial de la Charité-sur-Loire ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'aérogénérateur le plus proche sera situé à 1,6 km du château de Billeron, inscrit au titre des monuments historiques ; que la circonstance que cet édifice appartient à une personne privée et n'est pas ouvert au public n'est pas de nature à remettre en cause l'intérêt que présente ce monument d'un point de vue architectural et paysager ; que le volet paysager de l'étude d'impact indique que le château sera situé dans l'axe du parc éolien projeté, qu'il existera un " risque d'intervisibilité " et que les éoliennes pourront notamment être visibles depuis les jardins et les alentours du château ; que si la société Centrale Eolienne Chanteraine soutient que, depuis le perron du château, les éoliennes seront masquées par la végétation existante, le photomontage produit au dossier, qui, par ailleurs, fait apparaître la faible densité des boisements situés devant le château, ne permet pas d'établir l'absence de covisibilité avec les éoliennes à partir d'autres angles de vues depuis et vers le château ; que l'avis défavorable du service départemental de l'architecture et du patrimoine du Cher du 8 décembre 2010 précisait que le terrain d'assiette du projet " domine de 20 m le château implanté dans un vallon ", qui " sera écrasé par la présence des éoliennes les plus proches ", et que l'architecte des Bâtiments de France demandait la suppression des éoliennes les plus proches ; que l'avis défavorable du service territorial de l'architecture et du patrimoine du Cher du 3 avril 2012 mentionne que " les trois éoliennes (...) les plus proches du château de Billeron sont conservées alors que leur suppression était demandée par mon avis du 8 décembre 2011 pour préserver la perception de cet édifice inscrit au titre des monuments historiques " ; que, dès lors, la société Centrale Eolienne Chanteraine n'est pas fondée à soutenir qu'en estimant que le projet était de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt du château de Billeron, le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Centrale Eolienne Chanteraine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Centrale Eolienne Chanteraine ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la société Centrale Eolienne Chanteraine ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Centrale Eolienne Chanteraine est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale Eolienne Chanteraine et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et à l'association de Sauvegarde du Pays de Lugny-Champagne et de ses alentours, à l'association de Sauvegarde du Pays de Jalognes, à M. et Mme Thibaultet O... P..., à M. et Mme Jean-Lucet R... S..., à Mme F...E..., à Mme B...E..., à M. K...C...et à M. J...L....
Une copie sera transmise, pour information, au Préfet Région Centre.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Piltant, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2016.
Le rapporteur,
Ch. PILTANTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02311