1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement précité du tribunal administratif de Caen ;
3°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Manche ;
4°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue de l'accomplissement des démarches nécessaires à la reconnaissance du statut de réfugié, subsidiairement de statuer de nouveau sur sa situation dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil s'engageant à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
M. C...soutient :
- que les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ont été méconnues en ce qu'il ne peut être tenu pour établi qu'il a effectivement été mis en possession de l'ensemble des informations correspondant à sa situation ;
- que les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 ont été méconnues en ce qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien individuel qu'elles prévoient ;
- que les éléments produits par la préfecture de la Manche ne permettent pas de tenir pour établi qu'il a effectivement bénéficié d'un tel entretien ;
- que la procédure suivie à son encontre a ainsi été irrégulière ;
- que les dispositions de l'article 17 du règlement communautaire précité ont été méconnues, de même que celles de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que la présence en France de deux de ses oncles admis au bénéfice de la protection subsidiaire fait de la France l'Etat responsable de sa demande d'asile ;
- que le préfet aurait dû faire usage de la clause de souveraineté ;
- que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- qu'il peut valablement exciper de l'illégalité de l'arrêté portant remise aux autorités autrichiennes à l'encontre de l'arrêté l'assignant à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2015, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par M. C...n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 4 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête tendant à l'annulation des deux arrêtés en date du 30 octobre 2014 par lesquels le préfet de la Manche a, d'une part, décidé sa remise aux autorités autrichiennes, et l'a, d'autre part, assigné à résidence ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, " dit Dublin III " : " Droit à l'information. 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel... " ;
3. Considérant que M. C...soutient que les dispositions de cet article ont été méconnues dans la mesure où le préfet n'établit pas, par les pièces qu'il produit, lui avoir effectivement remis le guide du demandeur d'asile et les différentes informations relatives aux règlements communautaires en vigueur ; que, toutefois, à supposer même établie une telle circonstance, celle-ci ne serait de nature à affecter directement que la légalité de la seule décision refusant l'admission provisoire au séjour de l'intéressé en qualité de demandeur d'asile, laquelle n'a pas été contestée par M. C...qui, au surplus, n'en invoque pas l'illégalité à l'encontre des décisions critiquées du préfet de la Manche portant remise aux autorités autrichiennes et assignation à résidence ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. ... / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé " ;
5. Considérant que si M. C...soutient de nouveau que l'administration ne fournit pas la preuve de ce que l'entretien prévu par l'article 5 précité a effectivement eu lieu dans les formes requises, il ressort néanmoins des pièces du dossier que le préfet a produit le formulaire utilisé pour l'examen du dossier de demande d'admission au séjour au titre de l'asile rempli par l'intéressé, cet imprimé traduit en langue pachtoune comportant une partie relative au processus de détermination de l'Etat membre responsable, dont les différents items ont effectivement été renseignés ; que cet imprimé comporte par ailleurs la signature de
M.C... et l'indication de la date à laquelle le questionnaire a été complété, soit le 13 octobre 2014 ; qu'ainsi, nonobstant le fait que le cadre destiné à contenir le résumé de l'entretien n'ait pas été rempli, M. C...doit être regardé comme ayant effectivement bénéficié de l'entretien prévu par l'article 5 précité ; qu'aucun élément du dossier n'établit en outre que cet entretien n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont ainsi écarté le moyen dont s'agit ;
6. Considérant que si M. C...soutient en troisième lieu que le préfet aurait dû faire usage des dispositions combinées du 2 de l'article 17 du Règlement communautaire du 29 juin 2013 et du 1° de l'article L. 714-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que la présence en France de deux de ses oncles paternels rendait ce pays responsable du traitement de sa demande d'asile, " pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires, fondées notamment sur des motifs familiaux et culturels " ; que, toutefois, le droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile dans un tel cas constitue une simple faculté, d'une part, alors même que M.C..., d'autre part, ne fournit aucun élément de démonstration du lien qui l'aurait uni à ses oncles, dont l'un a quitté l'Afghanistan depuis mars 2008 et l'autre en mars 2011 ; qu'à supposer établie l'existence d'un tel lien, l'oncle d'un demandeur d'asile n'entre pas au nombre des membres de sa famille au sens de l'article 2 du Règlement communautaire du 29 juin 2013 ; que, au surplus, la vocation de l'article 17 précité a pour seule finalité de permettre à un Etat membre de prendre en charge un demandeur d'asile ayant des proches dans un autre Etat membre où ceux-ci auraient demandé l'asile ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
7. Considérant, enfin, que si M. C...soutient que les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées aient porté une atteinte disproportionnée au respect du droit de l'intéressé à une vie privée et familiale normale, M. C...n'étant entré en France que le 1er octobre 2014 et les mesures prise à son encontre l'ayant été le 30 octobre suivant, alors même que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'intéressé ne fournit aucun élément de démonstration de l'étroitesse des liens l'unissant à ses oncles, dont il a vécu séparé, pour l'un depuis mars 2008, et pour l'autre, depuis mars 2011 ; que le moyen dont s'agit doit ainsi être écarté ;
8. Considérant que M.C..., ainsi qu'il a été démontré aux points précédents, n'établit pas en quoi l'arrêté du 30 octobre 2014 portant remise aux autorités autrichiennes serait entaché d'illégalité : qu'il ne peut par suite utilement exciper de celle-ci à l'encontre de l'arrêté portant assignation à résidence ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2016, où siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03029