Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 novembre 2014, 18 septembre et 21 octobre 2015, Mme B...D..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 avril 2014 en tant qu'il a limité à 2 000 euros le montant de son indemnisation ;
2°) de porter cette somme à 83 143,80 euros et de l'assortir des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ses conclusions tendant à ce qu'une indemnité lui soit versée en réparation du préjudice résultant de sa perte de revenus ;
- elle a droit à une indemnité au titre de la perte de ses traitements égale au montant des traitements nets qu'elle aurait perçus si elle était demeurée en poste ;
- elle est fondée à faire état d'une perte de perspectives professionnelles dès lors que la loi du 12 mars 2012 lui aurait permis de bénéficier d'un emploi d'agent titulaire et d'un avenir professionnel stable et évolutif ;
- en la laissant dans l'incertitude sur sa situation professionnelle et en prenant une décision illégale le centre hospitalier universitaire a commis une faute lui occasionnant un préjudice moral important et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par des mémoires enregistrés les 4 août et 21 octobre 2015, le centre hospitalier universitaire d'Angers, représenté par Me Meunier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions de Mme D... tendant à ce que la somme de 10 445,25 euros lui soit versée au titre de ses pertes de revenus étaient irrecevables en première instance et le sont également en appel ;
- les moyens soulevés par l'intéressée ne sont, en outre, pas fondés.
Par ordonnance du 14 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2015.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 11 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;
- les observations de Me Deniaud, avocat de MmeD...,
- et les observations de Me Meunier, avocat du centre hospitalier universitaire d'Angers.
1. Considérant que, dans le cadre de la mise en place d'une cellule de conseil en réseau et télémédecine au service de ses membres, le syndicat interhospitalier de télécommunications de santé (SITE) des Pays de la Loire a conclu, le 6 juin 2003, une convention avec le centre hospitalier universitaire d'Angers en vue de mettre à la disposition du SITE du personnel et des locaux ; que, par un contrat à durée indéterminé signé le 1er avril 2005, Mme B...D...a été recrutée par le centre hospitalier universitaire d'Angers en qualité d'adjoint administratif de 2ème classe pour être mise à la disposition du SITE ; que cet organisme a été remplacé le 31 décembre 2011 par une nouvelle structure de droit privé implantée à Nantes, le groupement de coopération sanitaire e-Santé des pays de la Loire (GCS), lequel devait reprendre les contrats de travail des agents du SITE ; qu'après de multiples démarches, MmeD..., qui avait fait savoir qu'elle ne souhaitait pas travailler à Nantes, a été informée par un courrier du 29 octobre 2011 de la suppression de son poste puis, par un courrier du 15 novembre 2011, de ce qu'en l'absence de poste vacant il était envisagé de la licencier ; que, par une décision du 7 décembre 2011, l'intéressée a été licenciée avec effet au 1er février 2012 ; que Mme D...a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2011 et à la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser une somme globale de 83 143,80 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité de cette décision ; que ce tribunal a, par un jugement du 8 avril 2014, annulé la décision du 7 décembre 2011 et condamné le centre hospitalier universitaire à verser à l'intéressée la somme de 2 000 euros ; que Mme D...relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 2 000 euros le montant de son indemnisation ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les juges de première instance ont estimé que les conclusions présentées par Mme D...tendant à la réparation du préjudice financier correspondant à la perte de revenus occasionnée par son licenciement étaient irrecevables dans la mesure où l'intéressée se bornait à solliciter son renvoi devant le centre hospitalier universitaire pour la détermination de la somme réclamée sans procéder à un chiffrage précis de ce chef de préjudice ; que, toutefois, Mme D...a sollicité une somme de 53 142,80 euros au titre de l'ensemble du préjudice financier dont elle faisait état et qui englobait une perte de perspectives professionnelles, l'absence de reclassement et son licenciement injustifié ; que ces chefs de préjudice étaient précisément détaillés dans une annexe jointe à sa demande ; que dès lors, en déclarant sa demande sur ce point irrecevable, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ;
3. Considérant qu'il y a lieu, pour la cour, saisie par la voie de l'évocation, d'examiner les conclusions de la demande présentée en première instance par Mme D...en vue de l'indemnisation du préjudice correspondant à la perte de revenus, et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres conclusions de la requête ;
Sur l'illégalité de la décision du 7 décembre 2011 :
4. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que Mme D...a été recrutée par le centre hospitalier universitaire d'Angers en qualité d'adjoint administratif de 2ème classe puis mise à disposition du syndicat interhospitalier de télécommunications de santé ( SITE) des Pays de la Loire ; qu'à la suite d'une restructuration de ce service, le poste de l'intéressée sur le site d'Angers a été supprimé ; qu'en sa qualité d'employeur de cet agent, il incombait alors au centre hospitalier universitaire de rechercher les postes vacants susceptibles de correspondre au grade de MmeD... au sein de ses propres services ; que cet établissement n'établit pas avoir effectivement accompli une telle démarche ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé la décision litigieuse illégale et l'a annulée pour ce motif ;
Sur les préjudices de Mme D...:
5. Considérant que si l'illégalité tirée de l'absence de recherche d'un poste de reclassement pour Mme D...par le centre hospitalier universitaire d'Angers à la suite de la suppression de son emploi est constitutive d'une faute, elle n'est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Angers à l'égard de son agent qu'à raison des préjudices qui lui seraient directement imputables ;
6. Considérant que si, en exécution du jugement attaqué, le centre hospitalier universitaire d'Angers a proposé à MmeD..., après avoir évalué ses compétences bureautiques, un nouveau contrat prenant effet à compter du 10 juin 2014, il n'en demeure pas moins que l'intéressée doit être regardée comme ayant perdu, en raison de l'illégalité fautive de la décision prononçant son licenciement rappelée au point 4, une possibilité de reclassement à compter de la suppression de son poste au sein de cet établissement à la fin de l'année 2011 ; que, par suite, la requérante peut à juste titre prétendre que cette illagalité l'a privée d'une chance sérieuse de conserver un emploi et les rémunérations qui s'y attachent ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des bulletins de salaires des mois de novembre et décembre 2011 produits par l'intéressée, qu'au titre de l'année 2011 Mme D...a perçu un salaire global annuel de 15 634,44 euros ; que, du 1er février 2012, date de prise d'effet de son licenciement, au 31 décembre 2012, les revenus de l'intéressée se sont élevés à la somme de 12 688,72 euros, correspondant à l'indemnité de licenciement qui lui a été versée pour un montant brut de 3 613,25 euros et pour le surplus à l'allocation pour perte d'emploi qu'elle a perçue à compter du mois de mars 2012 ; que, par suite, Mme D...établit pour la partie concernée de l'année 2012, soit une période de onze mois à compter de son licenciement, une perte de revenus de 1 642,85 euros ; que les bulletins de salaires produits pour la période allant du mois de février au mois de décembre 2013 font apparaître des rémunérations d'un montant total de 10 922,49 euros soit, sur onze mois, une perte de revenus de 3 409,08 euros ; que l'intéressée a retrouvé un emploi en juin 2014 ; que compte tenu des allocations pour perte d'emploi perçues au cours des premiers mois de l'année 2014, les pertes de revenus doivent être fixées à 1 092,97 euros au titre de cette année ; que, dans ces conditions, et eu égard aux pièces produites, la requérante peut être regardée comme établissant la réalité du préjudice matériel et financier qu'elle invoque au titre de ses pertes de revenus à hauteur de la somme de 6 144,90 euros ;
7. Considérant que, Mme D...ayant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, été à nouveau affectée sur un poste contractuel au centre hospitalier universitaire d'Angers à compter du mois de juin 2014, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision prononçant son licenciement l'aurait privée de toute perspective professionnelle et de titularisation pour obtenir une indemnisation à ce titre ;
8. Considérant, enfin, que, compte tenu du motif d'intérêt général qui s'attachait à la suppression de l'emploi occupé à l'origine par Mme D...et de la nature de l'illégalité entachant la décision prononçant le licenciement de l'intéressée, c'est par une suffisante appréciation que les juges de première instance ont évalué à 2 000 euros le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence subis par elle ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué dans la mesure mentionnée aux points 2 et 3, et à solliciter la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Angers dans la mesure définie au point 6 ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
10. Considérant, d'une part, que les sommes de 6 144,90 euros et de 2 000 euros, mentionnées aux points 6 et 8 que le centre hospitalier universitaire d'Angers est en définitive condamné à verser à Mme D...doivent être augmentées, ainsi qu'elle le demande, des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2012, date de réception par le centre hospitalier universitaire d'Angers de sa réclamation préalable ;
11. Considérant, d'autre part, que la capitalisation des intérêts a été demandée par Mme D... le 31 mai 2012 ; que toutefois, il n'était dû au moins une année d'intérêts qu'à la date du 1er juin 2013 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeD..., qui n'est pas pour l'essentiel, dans la présente instance, la partie perdante, le versement au centre hospitalier universitaire d'Angers de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers le versement à Mme D..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 40 %, de la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à MeA..., son conseil, de la somme de 600 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1205334 du tribunal administratif de Nantes en date du 8 avril 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande de Mme D... tendant à la réparation du préjudice résultant des pertes de revenus subies par elle.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers est condamné à verser à Mme D... une somme de 6 144,90 euros. Cette somme, ainsi que la somme de 2 000 euros qu'il a été condamné à verser par le tribunal administratif de Nantes, seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2012. Les intérêts échus à la date du 1er juin 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme D... et de sa requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire d'Angers présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera à Mme D...la somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à Me A...la somme de 600 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et au centre hospitalier universitaire d'Angers.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
I. PERROT
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°14NT03024