Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2021, M. B... A... et Mme D... C... épouse A..., représentés par Me Pollono, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée n'est pas motivée par une autorité compétente ;
- la décision contestée n'a pas été précédée d'un examen sérieux et a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'erreur de droit ; elle renverse la charge de la preuve alors qu'il appartient à l'administration de démontrer l'intention frauduleuse du mariage ;
- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation de leur intention matrimoniale ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- et les observations de Me Nève substituant Me Pollono, pour M. A..., ainsi que celles de Mme C... épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... et Mme C... épouse A... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 16 décembre 2019 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) refusant de délivrer à M. A... un visa de long séjour demandé en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. A... et Mme C... épouse A... relèvent appel de ce jugement.
2. En réponse à une demande de communication des motifs de sa décision implicite, la commission de recours a indiqué avoir pris cette décision en se fondant sur un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants attestant du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de M. A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 18 mars 2019.
3. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, transféré à l'article D. 312-3 : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. " Aux termes de l'article D. 211-9 du même code, alors en vigueur, transféré à l'article D. 312-7 : " La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé. / Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés ". Il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou d'un autre texte, que, sauf dans le cas prévu par les dispositions précitées du second alinéa de l'article D. 211-9, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est tenue de se réunir pour statuer par décision expresse sur un recours formé devant elle. Si le président de la commission de recours a signé le courrier par lequel ont été communiqués les motifs fondant la décision implicite de rejet de la commission de recours, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait décidé individuellement des motifs de cette décision. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du président de la commission de recours pour exposer les motifs de la décision implicite réputée prise par cette commission doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressés à l'administration ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-5 du même code : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. ". Ces dispositions imposent à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, d'indiquer au demandeur, lorsque la demande de ce dernier est incomplète, les pièces ou informations manquantes dont la production est requise par un texte pour permettre l'instruction de sa demande. En revanche, elles n'ont pas pour objet d'imposer à l'administration d'inviter le demandeur à produire les justifications de nature à établir le bien-fondé de cette demande.
5. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours n'a pas rejeté la demande de visa de M. A... au motif qu'elle aurait été incomplète, mais en raison de ce que la sincérité de son intention matrimoniale n'était pas établie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle des requérants.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'alinéa 4 de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant algérien, est entré en France irrégulièrement en 2014 et s'y est maintenu sans titre de séjour. M. A... a épousé Mme C..., ressortissante française, le 15 juillet 2017. M. A... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français le 18 mars 2019 et est retourné en Algérie le 14 avril 2019. Si les requérants soutiennent s'être rencontrés en novembre 2014 et avoir vécu ensemble à partir de janvier 2015, ils produisent des pièces à leurs deux noms, telles que des factures d'électricité, un avis d'échéance de loyer, une attestation d'assurance et un courrier du bailleur, lesquelles sont toutefois postérieures au retour de M. A... en Algérie plus de dix-huit mois après leur mariage. En outre, les seules photographies produites sont prises à l'occasion de leur mariage et les messages échangés par voie électronique sont également postérieurs au retour de M. A... en Algérie et sont particulièrement stéréotypés et impersonnels. Les nombreuses attestations produites sont également peu circonstanciées. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les époux se prêteraient assistance et contribueraient aux charges du mariage à hauteur de leurs facultés respectives. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la commission de recours a pu légalement retenir l'absence de maintien des liens matrimoniaux et le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de M. A....
9. En cinquième lieu, l'intention matrimoniale n'étant pas établie, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision de la commission porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme C... épouse A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Il suit de là que leurs conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00053