Elles soutiennent que :
- la cour est compétente en premier et dernier ressort ;
- la requête est recevable ;
- il n'est pas démontré que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) aient été régulièrement convoqués et qu'ils ont reçu l'ensemble des documents visés par l'article R. 752-35 du code de commerce dans un délai raisonnable ;
- la CNAC s'est fondée sur un dossier incomplet, dès lors qu'il ne comprend aucune indication s'agissant des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures routières ;
- rien ne permet de garantir que l'étude de flux sur laquelle se fonde la CNAC dans le cadre de son avis favorable, a été communiquée par la société Etablissement Dutertre plus de dix jours avant la date de la réunion ;
- le projet ne contribuera pas à l'animation de la vie urbaine dès lors qu'il est susceptible d'attirer la clientèle en dehors des commerces des centres villes, que le parc de stationnement de 418 places pour les clients a bien vocation à favoriser l'usage de la voiture et en raison des problématiques de circulation générées par le site, alors qu'aucune garantie n'est donnée sur la création d'un nouvel accès routier au projet ;
- l'insertion paysagère du projet ne pouvait pas être considérée comme satisfaisante ;
- la juxtaposition des bâtiments au gré des extensions conduit à une consommation d'espace très importante et une construction dont les vertus écologiques demeurent.très médiocres dès lors que l'essentiel du bâtiment a été édifié avant l'entrée en vigueur de la réglementation thermique (RT) 2012
Un mémoire, présenté pour la société CSF et la société Dolwenn, a été enregistré le 3 octobre 2018 et n'a pas été communiqué.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 février 2018 et 13 avril 2018, la société Etablissements Dutertre, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge des requérantes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérantes n'est fondé.
Un mémoire en production de pièces, enregistré le 13 mars 2018, a été présenté par la commission nationale d'aménagement commercial.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2018, la commune de Dol-de-Bretagne, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis conjointement à la charge des requérantes une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérantes n'est fondé.
La clôture d'instruction est intervenue le 4 octobre 2018.
A la demande de la cour, l'avis de l'architecte des bâtiments de France du 17 janvier 2017 a été produit le 19 novembre 2018 et communiqué aux parties. L'instruction n'a été rouverte que s'agissant de cette pièce.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me Tréheuxreprésentant la commune de Dol de Bretagne et de MeD..., représentant la société Etablissement Dutertre.
Considérant ce qui suit :
1. La société CSF et la société Dolwenn ont, le 12 avril 2017, exercé un recours préalable dirigé contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial d'Ille-et-Vilaine du 27 février 2017 autorisant le projet de la société Etablissements Dutertre d'extension d'une part, d'un ensemble commercial par agrandissement d'un supermarché à l'enseigne " SUPER U " de 1.230 m² et de sa galerie marchande de 78 m² pour une surface de vente totale de 5.255 m² et d'autre part, de création du point de retrait permanent pour l'achat au détail de 8 pistes de 420 m², sur le territoire de la commune de Dol-de-Bretagne. Par un avis du 6 juillet 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté ce recours. Le permis de construire valant autorisation d'aménagement commercial avait été délivré le 30 mars 2017. A la demande du pétitionnaire, il a été retiré le 4 juillet 2017; ce retrait a été lui-même retiré le 21 août 2017. La société CSF et la société Dolwenn demandent l'annulation de ce permis de construire valant autorisation d'aménagement commercial.
Sur la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce: " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : (...) ". La CNAC a produit des attestations de convocation en date du 22 juin 2017 pour la séance du 6 juillet 2017. Cette convocation indique que les documents relatifs aux dossiers examinés seront disponibles sur la plateforme de téléchargement 5 jours au moins avant la tenue de la séance. Les requérantes n'apportent aucun commencement de preuve contredisant de tels éléments. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres de la commission et de leur insuffisante information préalable doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion et informées que la commission nationale ne tiendra pas compte des pièces qui seraient produites moins de dix jours avant la réunion, à l'exception des pièces émanant des autorités publiques ". Les requérantes n'apportent aucun commencement de preuve de nature à établir que l'étude de circulation réalisée en juillet 2016 n'aurait pas été jointe en même temps que le reste du dossier de demande d'autorisation d'aménagement commercial. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
Sur la composition du dossier :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes. (...) ".
5. Il est constant que la CNAC a pris connaissance d'une étude de circulation réalisée en juillet 2016 et mentionnant de manière suffisante, aux pages 37 à 40, les capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes.
6. En second lieu, aux termes du 4° de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...) g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ". Si le projet prévoit la création d'un accès sur une voie communale, la réalisation de cet accès implique un simple aménagement interne au terrain d'assiette et ne peut donc pas être regardé comme portant sur la desserte du projet au sens des dispositions précitées et au demeurant il est constant qu'il sera réalisé aux frais du pétitionnaire. Dès lors, le dossier n'avait pas à inclure les éléments mentionnés par les dispositions précitées.
7. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le dossier de demande n'était pas complet doit être écarté.
Sur le respect par le projet des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :
8. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; (...) / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
En ce qui concerne l'aménagement du territoire :
S'agissant de l'effet sur l'animation de la vie urbaine :
10. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension de la surface de vente du supermarché de 1 230 m² est situé à 1 km du centre-bourg de Dol-de-Bretagne. Si le projet augmente la surface de vente de la boutique de fleurs de 93 m², la seule liste de magasins du centre-ville dont la défense fait valoir, sans être ensuite contredite, que certains de ces magasins ont fermé ou ne vendent pas de fleurs coupées, ne saurait suffire à établir un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine. Le supermarché SUPER U, objet de l'extension contestée ne créant aucun nouveau commerce, se situe sur son site actuel depuis de nombreuses années et est localisé dans un espace urbanisé à proximité de plusieurs zones d'habitat et d'un projet de reconversion du stade en lotissement de 35 logements. Comme l'a indiqué la DDTM dans son avis : " le projet renforce la vocation commerciale de Dol-de-Bretagne et limite l'évasion commerciale, et donc les déplacements, vers des pôles urbains plus importants (Rennes et Saint-Malo) ". Il ressort notamment de l'avis de la CNAC que ce projet permettra de répondre aux besoins de la population de la zone de chalandise, en forte progression démographique, avec une importante fréquentation touristique en été. Enfin, la seule circonstance qu'un nouvel accès à la voie communale soit prévu n'établit pas l'existence de problèmes de circulation. Ainsi, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet aurait un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine doit être écarté.
En ce qui concerne le développement durable :
S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale du projet :
11. Il ressort des pièces du dossier que le projet est situé dans un environnement hétérogène ne présentant pas d'intérêt particulier, excepté un monument inscrit au titre des monuments historiques, le Manoir des Beauvais. L'architecte des bâtiments de France (ABF) a émis, le 17 janvier 2017, un avis favorable assorti de prescriptions lesquelles, comme l'indique la DDTM, ont été respectées par le projet. L'utilisation du bois pour la charpente des toitures et le bardage ainsi que d'un enduit blanc fait référence à l'architecture locale. Si les requérantes déplorent l'absence de cohérence entre les bâtiments de l'ensemble commercial, cette composition architecturale permet d'atténuer l'effet masse du bâtiment.
S'agissant de la qualité environnementale du projet :
12. Si, avec le projet litigieux, le taux d'imperméabilisation du terrain passe de 63 % à 66 %, la surface du site dédiée aux espaces verts représente un taux de 33,5 %. Des mesures ont été retenues pour favoriser les performances thermiques de l'extension, sur laquelle seront notamment aménagés des panneaux photovoltaïques, couvrant 12 % de la consommation énergétique du bâtiment. En outre, s'agissant de l'existant, l'éclairage actuel sera remplacé par un système asymétrique par chemins lumineux ce qui permettra de réduire d'environ 50 % la consommation de la surface de vente existante. Enfin, le projet réduira les déplacements en voiture en limitant l'évasion commerciale et est accessible par des modes doux.
13. Il résulte de ce qui précède que ce dernier moyen doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société CSF et la société Dolwenn ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale du 30 mars 2017 délivré par le maire de la commune de Dol-de-Bretagne à la société Etablissement Dutertre.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Dol-de-Bretagne, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de la société CSF et de la société Dolwenn le versement à la société Etablissements Dutertre d'une somme globale de 1 500 euros et à la commune de Dol-de-Bretagne de la même somme au titre des frais exposés en appel.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CSF et de la société Dolwenn est rejetée.
Article 2 : La société CSF et la société Dolwenn verseront à la société Etablissements Dutertre la somme globale de 1 500 euros et à la commune de Dol-de-Bretagne la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CSF, à la société Dolwenn, à la commune de Dol-de-Bretagne, au ministre de l'économie et des finances et à la société Etablissements Dutertre.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et au ministre de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03049