Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2014, complétée par un mémoire enregistré le 30 juin 2015, la commune de Douarnenez, représentée par la SELARL Le Roy-Gourvennec-Prieur, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 juin 2014 ;
2°) de rejeter la requête des consorts E...en toutes ses conclusions ;
3°) de mettre 2 000 euros à la charge de ces derniers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Douarnenez soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les dispositions du 3 de l'article 8 de l'arrêté ministériel du 11 septembre 2003 étaient méconnues ;
- la mise en place d'un dispositif de mesure directe sur le site de Keryanès n'est possible qu'à des conditions financièrement très onéreuses ;
- les moyens d'annulation soulevés par les consorts E...dans le cadre de l'appel incident ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2015, M. C...E...et M. et Mme F...E..., représentés par MeB..., concluent :
1°) au rejet de la requête d'appel de la commune de Douarnenez ;
2°) à l'annulation, par la voie de l'appel incident, du jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il n'a pas annulé totalement l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 ;
3°) à l'annulation de cet arrêté ;
4°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge tant de la commune de Douarnenez que de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les consorts E...soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par la commune n'est fondé ;
S'agissant de leur appel incident, ils font valoir que :
- l'arrêté préfectoral ne peut valoir autorisation au titre de la loi sur l'eau ;
- les dispositions de la directive communautaire n° 85/337 du 27 juin 1985 ont été méconnues ;
- une évaluation environnementale des incidences du projet aurait dû préalablement être menée conformément à l'article 5 de la directive précitée ;
- le dossier de demande d'autorisation déposé était insuffisamment précis et méconnaissait les dispositions de l'article R. 214-6 du code de l'environnement ;
- il n'a pas été justifié de la compatibilité du projet avec le SDAGE Loire-Bretagne ;
- l'enquête publique préalable s'est déroulée dans des conditions irrégulières méconnaissant les dispositions de l'article R. 214-8 du code de l'environnement et de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation ;
- les informations destinées au public ne précisaient pas dans quelles conditions se déroulait l'enquête " loi sur l'eau " ;
- il n'est pas possible de procéder à une enquête publique conjointe portant à la fois sur une autorisation " loi sur l'eau " et sur une déclaration d'utilité publique ;
- les conclusions du commissaire-enquêteur méconnaissent les dispositions de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation ;
- le dossier soumis à enquête publique était insuffisant et méconnaissait les dispositions de l'article R. 214-8 du code de l'environnement ;
- l'avis rendu par le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques a été rendu dans des conditions irrégulières, les règles de convocation de ses membres n'ayant pas été respectées ;
- les dispositions de l'article R. 214-6 du code de l'environnement ont été méconnues, l'arrêté litigieux ne prévoyant pas de dispositif d'analyse, de mesure et de contrôle des ouvrages, ni surveillance de leurs effets sur l'eau et les milieux aquatiques ;
- les dispositions de l'article 15 de l'arrêté du 11 septembre 2003 ont été méconnues en l'absence de moyens de mesure et d'évaluation du prélèvement ;
- l'arrêté préfectoral ne peut pas, davantage, pour les mêmes raisons, valoir autorisation au titre du code de la santé publique ;
- l'enquête publique est irrégulière en ce que les avis de l'hydrogéologue n'ont pas été portés à la connaissance du public ;
- le dossier soumis à enquête publique ne comportait d'appréciation sommaire des dépenses ;
- le coût des acquisitions foncières ne figurait pas au dossier ;
- l'utilité publique du projet, eu égard à son coût, n'est pas démontrée ;
- la nécessité d'intégrer les parcelles cadastrées ZL 49 et 50 dans le périmètre de protection rapprochée n'est pas établie compte tenu des caractéristiques géologiques et hydrologiques qu'elles présentent.
Par ordonnance du 3 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée à ce même jour.
La cour a informé les parties le 4 février 2016 de ce qu'elle était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité du recours incident des consortsE....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive communautaire n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Douarnenez, et de Me D..., substituant MeB..., représentant les consortsE....
1. Considérant que la commune de Douarnenez relève appel du jugement n° 1202526 du tribunal administratif de Rennes en date du 13 juin 2014, en tant que ce jugement ajoute une prescription supplémentaire à l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 du préfet du Finistère autorisant le captage des sources de Keryanès et Kergaloudéan, tenant à la mise en place d'un compteur destiné à mesurer le prélèvement opéré sur le site de Keryanès ; que les consorts E...demandent, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement précité en ce que celui-ci n'a pas annulé dans sa totalité l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 ;
Sur l'appel incident :
2. Considérant que les conclusions d'appel de la commune de Douarnenez doivent être regardées comme dirigées exclusivement contre l'article 1er du jugement attaqué, en tant que celui-ci modifie les prescriptions de l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 relatif au comptage des volumes prélevés en lui imposant d'installer à compter du 1er janvier 2015 un dispositif de comptage distinct sur le site de captage de Keryanès, le jugement du 13 juin 2014 du tribunal administratif de Rennes ayant par ailleurs rejeté le surplus des conclusions en annulation de l'arrêté préfectoral autorisant et déclarant d'utilité publique au profit de la commune la dérivation et le prélèvement d'eaux souterraines, l'établissement des périmètres de protection de la ressource en eau correspondante, l'institution des servitudes correspondantes et déclarant cessibles au profit de la commune les terrains constituant le périmètre de protection immédiat, présentées par les consortsE... ; que ces dernières prescriptions constituent des mesures d'une nature et d'une portée distincte de celles relatives au comptage des volumes prélevés et que leur contestation relèvent dès lors d'un litige distinct du recours en annulation des prescriptions relatives au comptage de la ressource en eau ; que les consortsE... ne pouvaient donc, dans le cadre d'un appel incident et sauf à soulever, au-delà du délai d'appel, un litige distinct, contester, le 12 février 2015, les dispositions de l'arrêté du 20 mars 2012 autres que celles relatives à l'article 5 portant sur le comptage de la ressource en eau ;
3. Considérant, en conséquence, que, dès lors que la requête d'appel de la commune de Douarnenez ne vise qu'à la réformation du jugement du tribunal administratif en tant que celui-ci a prescrit l'installation d'un dispositif de mesure spécifique sur un des sites de captage d'eau autorisés par l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012, l'appel incident des consorts E...ne pouvait ainsi lui-même porter que sur cet aspect du litige ; que, par suite, les conclusions des intéressés tendant à l'annulation en totalité du jugement du 13 juin 2014 et des autres dispositions de l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 autres que celles mentionnées dans l'appel de la commune sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur l'appel principal :
4. Considérant que la commune de Douarnenez soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit en imposant, en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de l'arrêté ministériel du 11 septembre 2003 fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements d'eau soumis à autorisation, une prescription supplémentaire à l'autorisation litigieuse prenant la forme de l'installation d'un compteur décomptant sur le site du captage de Keryanès permettant une mesure précise du prélèvement opéré sur ce site, en ce que cette installation ne pourrait intervenir, en l'état des technologies disponibles, qu'à un coût financier excédant ses capacités ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si les services techniques de la commune de Douarnenez ont effectué une étude technico-financière indiquant un coût global des travaux nécessaires à la réalisation du captage sur le site de Keryanès s'élevant à 251 000 euros, le coût spécifique de la mise en place d'un simple compteur n'est lui-même pas identifié précisément bien qu'il apparaisse que cette opération ne présente pas de difficulté particulière ; que le montant des dépenses indiquées, qui apparaît ainsi excéder le coût particulier de l'installation d'un dispositif de mesure individualisée et par suite ne pas refléter de manière crédible le montant du surcoût imposé par le tribunal, ne représente, en tout état de cause, compte tenu de la durée d'amortissement des travaux à laquelle se réfère la commune et du volume d'eau concerné, qu'un surcoût de 0,026 euro HT par m2 concerné ; qu'ainsi, compte tenu de la nature des travaux à effectuer et de leur faible impact financier sur le consommateur final, la prescription supplémentaire mise à la charge de la commune demeure réalisable par cette dernière à des conditions techniques et financières acceptables ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par les premiers juges doit être écarté ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Douarnenez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement critiqué, lequel est suffisamment motivé, a imposé une prescription supplémentaire à l'arrêté préfectoral du 20 mars 2012 autorisant le captage des sources de Keryanès et Kergalouédan ;
S'agissant des conclusions des consortsE... :
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont accueilli à juste titre, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de l'arrêté ministériel du 11 septembre 2003 ; que, s'agissant de l'article 1er du jugement attaqué, unique objet de l'appel de la commune de Douarnenez, qui modifie les prescriptions de l'article 5 de l'arrêté préfectoral relatives au comptage des volumes prélevés, les consorts E...ne soulèvent en appel aucun moyen spécifiquement dirigé contre cet aspect particulier du dispositif du jugement attaqué, les différents moyens qu'ils invoquent devant la cour ne tendant qu'à l'annulation des autres dispositions de l'arrêté préfectoral ; que, compte tenu de ce qui a été indiqué aux points 2 et 3, ces moyens sont inopérants et ne peuvent qu'être rejetés ;
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les consortsE..., qui ne sont pas la partie perdante en la présente instance, versent à la commune de Douarnenez la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par les consortsE... ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Douarnenez et l'appel incident des consorts E...sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Douarnenez et des consorts E...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Douarnenez, à M. C...E..., à M. et Mme F... E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016 , à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT02142