Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2017 et le 2 février 2018, la SAS Sotrama, représenté par le cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2016 ;
2°) d'annuler, à titre principal, le titre exécutoire n° 50008-1 et de la décharger en totalité du paiement de la somme de 46 340, 90 euros ;
3°) de réformer, à titre subsidiaire, le titre de perception litigieux en la déchargeant à hauteur de 38 570, 40 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lorient une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Sotrama soutient que :
- le titre de perception émis à son encontre n'indique pas de manière suffisamment précise les bases de liquidation de la redevance qui lui est réclamée ;
- aucun document précisant la surface occupée ne lui a été transmis en même temps que le titre de perception, et les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de fait en indiquant le contraire ;
-elle ne disposait pas d'éléments suffisamment précis pour lui permettre de comprendre le calcul du montant de la redevance qui lui est réclamée et ne pouvait ainsi vérifier le bien fondé de cette créance ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'elle avait été à même de connaître les bases de liquidation du titre ;
- elle entend exciper, par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération adoptée le 20 décembre 2012 par le conseil municipal de Lorient fixant les tarifs des redevances de voirie ;
- ces tarifs sont illégaux dès lors qu'ils méconnaissent les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;
- ces tarifs sont anormalement élevés dès lors qu'ils ne prennent pas en compte les avantages de toute nature procurés aux titulaires des autorisations de voirie ;
- il ne pouvait pas être fait application de ces tarifs d'une manière uniforme sans prendre en compte les avantages procurés aux titulaires des autorisations ;
- le montant qui lui est réclamé est excessif si on le compare au coût du chantier de démolition qu'elle a mené à bien ;
- elle doit au minimum être déchargée à hauteur de 38 570, 40 euros, dès lors que la stricte application des tarifs en vigueur aux linéaires des palissades implantées à l'occasion du chantier aboutit à un montant de redevance de 7 770, 50 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2018, la commune de Lorient, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SAS Sotrama en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Lorient fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la société Sotrama, et de MeA..., représentant la commune de Lorient.
1. Considérant que le maire de la commune de Lorient a, par un arrêté en date du 1er février 2013, autorisé la société Sotrama à occuper temporairement le domaine public communal, au droit des voies Le Coutaller et Ernest Renan, afin de mener à bien un chantier de démolition-déconstruction ; que la commune de Lorient a émis le 30 décembre 2013 un titre de perception à l'encontre de l'intéressée lui réclamant un montant total de redevance de voirie de 46 340,90 euros ; que la société Sotrama, après avoir formé en vain un recours administratif, a contesté la légalité de ce titre de perception ; qu'elle relève appel du jugement en date du par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) " ; que tout état exécutoire doit ainsi indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde ; qu'en application de ce principe, une personne publique ne peut mettre en recouvrement une recette sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un ou des documents joints à l'état exécutoire ou précédemment adressés au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge du débiteur ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, l'arrêté du 1er février 2013 portant autorisation d'occupation temporaire au profit de la société Sotrama indique, en son article 1er, les surfaces et linéaires de trottoir devant être occupées rue Le Coutaller (213,75 mètres carés et 28,50 mètres) et rue Ernest Renan (225 mètres carrés et 45 mètres) ; que d'autre part, un croquis de chantier faisant apparaître les contours de l'occupation du domaine a été établi lors d'une réunion préparatoire avec les services techniques de la commune préalablement à la délivrance de l'autorisation sollicitée ; que le titre exécutoire était, enfin, accompagné d'une facture datée du 16 janvier 2014 faisant apparaître la manière dont se décomposait le montant réclamé entre, d'une part, une première période d'occupation de trente jours, et d'autre part, une seconde période d'occupation s'étant ouverte au-delà, avec, à chaque fois, indication des tarifs correspondants et des linéaires et surfaces correspondants ; que le tribunal n'a, dès lors, entaché sa décision d'aucune erreur de fait en relevant l'existence de ce document ; que la société Sotrama disposait ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, de suffisamment d'éléments lui permettant de comprendre le montant de la redevance qui lui était réclamée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante fait valoir, par voie d'exception, que la délibération adoptée le 20 décembre 2012 par le conseil municipal de la commune portant fixation des tarifs de redevances domaniales est illégale en ce qu'elle méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, dès lors que ces tarifs ne tiendrait pas compte " des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ", ainsi que le prévoit cet article ;
5. Considérant que les communes sont fondées à recouvrer au titre des occupations privatives de leur domaine public des redevances calculées en tenant compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ou permissionnaire de voirie ; qu'il résulte de l'instruction que la délibération du 20 décembre 2012 indique avec une précision suffisante les bases de calcul des différentes redevances de voirie, s'agissant des surfaces et des linéaires ; qu'il est constant que la société Sotrama a effectivement bénéficié d'un avantage spécifique procuré par l'occupation du domaine public communal lui ayant permis de mener à bien un chantier de démolition-construction ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les tarifs fixés pour la redevance litigieuse aient présenté un caractère manifestement excessif par rapport à cet avantage ; que la majoration de tarif qui trouve à s'appliquer lorsque les occupations du domaine dépassent certains seuils de durée n'est pas davantage disproportionné par rapport à la contrainte particulière naissant d'une occupation prolongée du domaine public communal ; qu'il résulte de ce qui précède que la délibération du 20 décembre 2012 ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques ; que la société Sotrama ne peut dès lors utilement exciper de son illégalité ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance, à la supposer même avérée, que le montant de la redevance réclamée à la société Sotrama excèderait le montant du chantier de démolition-déconstruction qu'elle aurait mené à bien à cette occasion est sans incidence sur le bien fondé de cette redevance ;
7. Considérant, en dernier lieu, que la somme réclamée à la société Sotrama correspond à l'application des tarifs de redevances de voirie adoptés le 20 décembre 2012 par la commune de Lorient correspondant aux grandeurs caractéristiques (surfaces et linéaires) de l'occupation du domaine public par la société Sotrama, ainsi que l'atteste la facture du 16 janvier 2014 qui lui a été transmise en même temps que le titre de perception dont elle conteste le bien fondé ; que ses conclusions en décharge ne peuvent ainsi, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lorient, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à la société Sotrama la somme que celle-ci réclame au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la société Sotrama, au même titre, une somme de 2 000 euros au profit de la commune de Lorient ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Sotrama est rejetée.
Article 2 : La SAS Sotrama versera 2 000 euros à la commune de Lorient en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Sotrama et à la commune de Lorient.
Copie en sera adressée, pour information, à la Trésorerie de Lorient collectivités.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 avril 2018.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT00614