Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2016, M. et MmeA..., agissant en leur nom propre et en celui de leur fille mineureC..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 novembre 2015 en tant qu'il a limité à 2 015,26 euros la somme qui leur a été allouée en réparation de leurs préjudices ;
2°) de condamner l'Etat à verser 55 319,54 euros à M.A..., 15 291,56 euros à Mme A...et 10 000 euros à l'enfantC..., au titre de ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'Etat a commis à leur égard une faute de nature à engager sa responsabilité, en refusant par deux fois à M. A...la délivrance d'un visa d'entrée en France, alors même que les arrêtés préfectoraux lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence et décidant sa reconduite à la frontière avaient été annulés par des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée ;
- cette faute leur a causé des préjudices matériels et moraux, estimés aux sommes respectives de 55 319,54 euros pour M.A..., de 15 291,56 euros pour Mme A...et de 10 000 euros pour l'enfantC....
Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 2 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massiou,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.
1. Considérant que M. et MmeA..., agissant en leur nom propre et en celui de leur fille mineureC..., relèvent appel du jugement le tribunal administratif de Nantes du 19 novembre 2015 en tant qu'il a limité à 2 015,26 euros la somme allouée en réparation des préjudices subis du fait des refus de visa d'entrée en France opposés à M.A... ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur la faute de l'Etat :
2. Considérant, en premier lieu, que si les requérants se prévalent de l'illégalité fautive commise par l'Etat du fait du refus de visa de court séjour qui aurait été implicitement opposé à M. A...par les autorités consulaires françaises à Oran le 4 décembre 2007, ils n'établissent pas l'existence d'une telle décision ; que le Conseil d'Etat a, par une décision n° 325380 du 23 décembre 2010, rejeté leur requête dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant leur recours dirigé contre celle du 4 décembre 2007, au motif qu'aucune décision n'était née à la suite de l'envoi de son dossier par M. A...au consulat ; que la responsabilité de l'Etat ne peut, dès lors, pas être engagée à cet égard ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que par un jugement devenu définitif du 30 décembre 2008, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 29 août 2006 par lequel le préfet du Tarn avait refusé à M. A...la délivrance d'un certificat de résidence, et enjoint la délivrance de ce certificat ; que, toutefois, par une décision du 21 février 2010 implicitement confirmée le 19 juin suivant par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, les autorités consulaires françaises à Alger ont refusé de délivrer un visa de long séjour à M.A..., sans qu'aucun motif pouvant fonder un tel refus ne soit avancé en défense ; que les décisions du 21 février 2010 et 19 juin 2010 sont, dès lors, entachées d'illégalité et de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des requérants pour la période dont ils se prévalent, courant de la date de la plus ancienne de ces deux décisions, à savoir celle du 21 février 2010, et non celle du 19 juin 2010 comme l'a jugé le tribunal administratif, jusqu'au 22 août 2010, date à laquelle un visa a finalement été délivré à l'intéressé ;
Sur les préjudices :
4. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision de refus de visa est à l'origine de la séparation de M. A...de son épouse et de leur filleC..., née en 2006, ces dernières résidant en France ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les intéressées se sont rendues en Algérie, durant la période au titre de laquelle la responsabilité de l'Etat est engagée à leur égard, du 21 au 31 mai 2010 et du 27 juillet au 21 août 2010 ; que leur séparation a, dès lors, duré environ cinq mois ; que le préjudice moral en étant résulté peut être évalué à une somme portée à 1 000 euros pour M.A..., à la même somme pour son épouse, et à 600 euros pour leur fille ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants peuvent prétendre à l'indemnisation des frais exposés pour l'achat des billets d'avion ayant permis à Mme A...et à sa fille de se rendre en Algérie du 21 au 31 mai 2010 et du 27 juillet au 21 août 2010, soit une somme portée à 1 430,52 euros, les autres frais de transport dont le remboursement est sollicité étant relatifs à une période antérieure à la décision des autorités consulaires françaises à Oran du 21 février 2010 ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la somme de 99 euros exposée au titre des droits de chancellerie relatifs à la demande de visa formée par M. A...en 2010 aurait en toute hypothèse dûe être versée, quelle qu'ait été l'issue réservée à cette demande ; qu'il ne s'agit pas, dès lors, d'un préjudice indemnisable ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que l'illégalité fautive commise à leur égard a privé M. A...de la possibilité d'occuper un emploi rémunéré en France, un tel préjudice présente un caractère éventuel et ne peut, par suite, être indemnisé, dès lors notamment qu'il ne résulte de l'instruction ni que l'intéressé aurait bénéficié d'une promesse d'embauche ni qu'il n'aurait pas travaillé en Algérie durant la période correspondante ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que les requérants n'établissent pas, par la production de factures téléphoniques ne permettant pas d'identifier les correspondants, avoir exposé des frais aux fins de rester en contact durant la période au titre de laquelle la responsabilité de l'Etat est engagée à leur égard ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à ne leur allouer que la somme de 2 015,26 euros ; qu'il convient de porter cette somme à 4 030,52 euros, la période au titre de laquelle la responsabilité de l'Etat est engagée courant à compter du 21 février 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. et Mme A...par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 novembre 2015 est portée à 4 030, 52 euros.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et Lahouaria A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2017, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16NT00207