Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2015, complétée par un mémoire enregistré le 23 décembre 2015, M. F... et la SCI Le Petit Villemoette, représentés par Me C..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la délibération du 14 octobre 2013 approuvant le plan local d'urbanisme communal de Guilly ;
3°) de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent :
- que les dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues, en ce que la commune n'a pas expressément obtenu de dérogation du préfet pour pouvoir réviser un plan d'occupation des sols prévoyant de rouvrir certains secteurs à l'urbanisation ;
- que cette dérogation constituait une formalité substantielle dont l'absence a exercé une influence sur le sens de la décision ;
- qu'en l'absence d'accord d'une telle dérogation, la commune n'était pas compétente pour approuver un nouveau plan local d'urbanisme ;
- que la dérogation obtenue en 2007 était devenue caduque ;
- que les dispositions de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme ont été méconnues, en ce que le rapport de présentation et l'évaluation environnementale étaient insuffisamment détaillés quant aux mesures de protection des espèces protégées ;
- que l'intérêt patrimonial du site imposait une étude plus complète du risque hydrogéologique ;
- que la zone des carrières constitue une zone de lisière protectrice des oiseaux ;
- que le zonage à l'intérieur duquel l'exploitation d'une carrière a été autorisée est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- que la réalité du risque hydrogéologique dont il a été fait état en première instance justifiait qu'il soit pris en compte ;
- que l'existence de dépressions souterraines a été établie ;
- que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant l'argument précédent ;
- que le rapport de présentation est insuffisamment précis en ce qui concerne la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
- que l'évaluation environnementale devait être accompagnée d'un résumé non technique ;
- que le zonage adopté n'est pas cohérent avec le rapport de présentation en ce qui concerne la zone des carrières ;
- que le zonage adopté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, tenant à ce que la sensibilité environnementale du secteur des carrières n'a pas été prise en compte ;
- que le plan local d'urbanisme méconnaît les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009 pris en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;
- que la présence d'espèces protégées rendait nécessaire l'obtention d'une dérogation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2015, la commune de Guilly, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2015, la société des carrières de Bray en Val (SCBV), représentée par MeB..., a présenté ses observations tendant au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCBV fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérants n'est fondé.
Par ordonnance du 4 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée à ce même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la société SCBV.
1. Considérant que M. F...et la SCI Le Petit Villemoette relèvent appel du jugement du 30 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur recours en annulation dirigé contre la délibération adoptée le 14 octobre 2013 par le conseil municipal de Guilly portant approbation du plan local d'urbanisme communal ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Dans les conditions précisées au présent article, dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d'urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle. (...) Il peut être dérogé aux dispositions des trois alinéas précédents soit avec l'accord du préfet donné après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et de la chambre d'agriculture (...) La dérogation ne peut être refusée que si les inconvénients éventuels de l'urbanisation envisagée pour les communes voisines, pour l'environnement ou pour les activités agricoles sont excessifs au regard de l'intérêt que représente pour la commune la modification ou la révision du plan (...) " ;
3. Considérant que les requérants soutiennent que le plan local d'urbanisme qu'ils contestent serait illégal dès lors que la commune, qui est située à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 15 000 habitants au sens du recensement général de la population et qui n'est pas couverte par un schéma de cohérence territoriale, n'a pas obtenu de la part du préfet, en application des dispositions précitées, l'accord de celui-ci pour ouvrir à l'urbanisation une zone naturelle ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la délibération litigieuse est intervenue après que la commune a vu annuler par voie contentieuse, le 6 mars 2008, son précédent plan local d'urbanisme, la commune ayant alors décidé de reprendre la procédure pour mener à terme la transformation de son plan d'occupation des sols en plan local d'urbanisme ; qu'elle avait obtenu, dans le cadre de la première procédure, l'accord du préfet, après que celui-ci a recueilli les avis, au demeurant favorables, de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la chambre d'agriculture lui permettant de déroger à l'interdiction d'ouvrir à l'urbanisation une zone naturelle, le 16 juillet 2007, pour une superficie totale de 3,5 hectares ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par les requérants que, s'agissant de cette ouverture à l'urbanisation, le plan local d'urbanisme litigieux ne diffère pas substantiellement de celui ayant été adopté le 6 mars 2008 avant d'être annulé par voie contentieuse, le périmètre de la zone naturelle désormais ouverte à l'urbanisation recouvrant même un périmètre inférieur à celui qui avait fait l'objet de l'accord du préfet ; que ce dernier a de nouveau été saisi par la commune de Guilly dans le cadre de la procédure d'adoption du présent plan local d'urbanisme d'une demande de dérogation en vertu d'une délibération adoptée le 9 janvier 2012 ; qu'ayant indiqué dans la réponse préparée par ses services en janvier 2013 avoir donné son accord pour une dérogation dans le cadre de la procédure précédemment suivie et noté l'abandon d'une partie des zones d'urbanisation initialement projetées, le préfet doit ainsi être regardé, alors même que la commission départementale avait de nouveau exprimé un avis favorable au projet de plan local d'urbanisme, comme ayant confirmé la dérogation relative à l'ouverture à l'urbanisation accordée à la commune de Guilly ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-2 doit ainsi, en tout état de cause, être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que les dispositions de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme ont été méconnues du fait de l'insuffisance du rapport de présentation et de l'étude environnementale, particulièrement en ce qui concerne le 5° de cet article, relatif aux " mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en oeuvre du plan sur l'environnement ", notamment en ce qui concerne l'avifaune ;
5. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'évaluation environnementale qui figure au rapport de présentation, qui prend la forme d'un document de 66 pages, comporte une analyse de l'état initial de la faune, de la flore, des habitats et des sites Natura 2000 présents sur le territoire communal, suivie d'une évaluation des incidences sur l'environnement du projet de plan local d'urbanisme ; que, s'agissant du point particulier du secteur ouvert à l'exploitation de carrières, ce document, après avoir indiqué que l'avifaune présente sur place entrait pour une large part dans les espèces protégées au titre de l'arrêté du 29 octobre 2009 n'en relève pas moins que ce secteur, qui ne couvre par ailleurs qu'une portion extrêmement réduite du territoire communal, présente de faibles enjeux environnementaux, notamment du fait de la quasi-absence d'habitat déterminant pour ces espèces ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la carrière devant être exploitée sur le secteur le sera par tranches successives de deux ans sur une superficie n'excédant jamais cinq hectares au maximum, la portion concernée faisant ensuite l'objet d'un réaménagement paysager, et la zone en question étant très majoritairement dans son état initial une zone de cultures ; que les requérants, par les éléments qu'ils apportent, ne démontrent ni que l'avifaune observée sur le site des carrières ne pourrait pas disposer d'habitats de substitution situés en périphérie de la carrière, ni en quoi la mise en oeuvre du document local d'urbanisme, laquelle n'aura pas pour but d'autoriser l'exploitation de la carrière, se traduirait par des impacts autres que limités sur l'environnement à l'échelle de la commune ; qu'un document local d'urbanisme, nonobstant le fait qu'il comporte un zonage spécifique justifié par la richesse de son sous-sol et la possibilité d'y exploiter une carrière, n'a pas à comporter d'éléments spécifiques relatifs aux mesures de protection locales que cette autorisation requiert le cas échéant, comparables à ceux devant figurer dans une étude d'impact, dès lors que l'autorisation d'exploiter une telle installation relève elle-même d'une règlementation distincte ;
6. Considérant, en troisième lieu, que les requérants soutiennent que les dispositions de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme sont également méconnues en ce que le rapport de présentation ne comporte pas d'étude sérieuse relative au risque hydrogéologique que constituerait l'exploitation d'une carrière dans le secteur délimité à cette fin par le plan local d'urbanisme, alors que ce secteur serait selon eux caractérisé par la présence de failles souterraines ; que, toutefois, le plan local d'urbanisme adopté par la commune de Guilly, qui, comme indiqué précédemment, ne saurait se confondre ou s'apparenter ni avec l'autorisation d'exploiter cette carrière, ni à une éventuelle étude de danger, en l'absence de tout accident ayant concerné dans un passé récent les carrières déjà exploitées à proximité, n'avait pas à comporter dans son rapport de présentation d'autres éléments que ceux qui y figurent en pages 10, 11 et 20 sous la forme de développements relatifs à l'état du sous-sol et aux risques existant en matière de mouvements de terrain ; que la circonstance qu'une publication en 2014 mettrait en évidence l'existence de plusieurs failles souterraines sous le site destiné à accueillir l'exploitation d'une carrière est, en tout état de cause, sans incidence, alors même que les failles en question seraient situées en grande profondeur, à plusieurs centaines de mètres de la surface du sol, et alors même qu'il n'est pas établi qu'elles se situeraient à la verticale de l'exploitation, sur la légalité du plan local d'urbanisme adopté le 14 octobre 2013, au terme d'une procédure ayant donné lieu à la consultation des services de l'Etat compétents en matière d'analyse de risque et au cours de laquelle aucun facteur de danger suffisamment tangible n'a été relevé, l'exploitation des granulats devant se limiter, au surplus, à des exhaussements n'excédant pas une douzaine de mètres ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que si les requérants soutiennent que le rapport de présentation serait insuffisamment précis en ce qui concerne la consommation des espaces agricoles par rapport au plan d'occupation des sols et qu'il devait, au surplus, comporter un résumé non technique de l'évaluation environnementale, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le tableau synthétique présenté en page 61 du rapport de présentation permet d'appréhender avec suffisamment de précision l'évolution des surfaces à caractère naturel et agricole, au demeurant très faible par rapport au plan d'occupation des sols antérieur, et que, d'autre part, et comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, aucune nécessité n'imposait, du fait de son caractère aisément compréhensible, que l'évaluation environnementale accompagnant le plan local d'urbanisme soit complétée par un résumé non technique ;
8. Considérant, en cinquième lieu, que si les requérants soutiennent qu'il existe une incohérence entre le rapport de présentation et le document de zonage du plan local d'urbanisme au sujet de la superficie de la zone des carrières et de sa répartition entre la zone N et la zone A, il ressort des pièces du dossier que le document local d'urbanisme n'occulte en rien le fait qu'une faible superficie, de l'ordre de 3 à 4 hectares, du secteur des carrières, destinée aux accès au futur site, est effectivement classée en zone A ; que la circonstance que la superficie précise de chacun de ces zonages ne soit pas indiquée avec exactitude ne traduit en rien une incohérence avec le rapport de présentation et est ainsi sans incidence sur la régularité du plan local d'urbanisme ;
9. Considérant, en sixième lieu, que M. F...et la SCI Le petit Villemoette soutiennent que le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de la présence, sur le territoire de la commune, d'une carrière ayant obtenu une autorisation d'exploitation, située dans un secteur principalement situé en zone agricole du plan local d'urbanisme, identifiée comme " secteur de ressources naturelles " par le plan de zonage ; que, toutefois, les intéressés ne précisent en rien en quoi la délimitation d'un tel secteur entacherait d'illégalité le plan local d'urbanisme communal, les nuisances générées par l'exploitation de la carrière et l'atteinte portée aux paysages et à l'environnement étant, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du document local d'urbanisme dont la vocation est, précisément, d'opérer un zonage du territoire communal dont il précise la destination ; qu'à supposer même avérée la présence d'une faille souterraine à proximité de la carrière, une telle circonstance serait par elle-même sans incidence sur la légalité du plan local d'urbanisme, lequel comporte plusieurs éléments relatifs à la composition du sous-sol, notamment une étude du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ; que la circonstance que la réalité de l'existence d'une telle faille aurait été révélée en octobre 2014 est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité d'une décision qui date du 14 octobre 2013 ; qu'ainsi la désignation d'un expert serait dépourvue de toute utilité dans le cadre du présent litige relatif à la légalité d'un document local d'urbanisme ;
8. Considérant, en septième lieu, que les requérants soutiennent que les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009 pris en application de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ont été méconnues en ce que la mise en oeuvre du plan local d'urbanisme nécessitait l'édiction de prescriptions particulières permettant de protéger l'avifaune locale ; que, toutefois, si le plan local d'urbanisme en question s'est effectivement traduit par un zonage faisant apparaître un secteur à l'intérieur duquel l'exploitation d'une carrière était possible, il n'en a pas lui-même autorisé l'exploitation ; que, dès lors, sa mise en oeuvre, qui n'était pas susceptible d'entraîner par elle-même un effet quelconque sur l'avifaune présente sur place, n'avait pas à s'accompagner de mesures particulières de protection de l'avifaune, alors même qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'évaluation environnementale, que les milieux naturels situés à proximité du secteur des carrières présentent des caractéristiques similaires et peuvent ainsi constituer un habitat de substitution pour les espèces d'oiseaux présentes sur place ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la zone de carrière serait située au sein de la zone naturelle ouverte à l'urbanisation et constituait un motif particulier renforçant l'obligation d'obtenir la dérogation dont il a été fait mention au point 3 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...et la SCI Le petit Villemoette ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Guilly, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à M. F...et la SCI Le petit Villemoette la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux non compris dans les dépens ; qu'elles font également obstacle aux conclusions de la société des carrières de Bray en Val, qui n'a pas la qualité de partie à l'instance ; qu'il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de la commune de Guilly au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...et la SCI Le petit Villemoette est rejetée.
Article 2 : M. F...et la SCI Le petit Villemoette verseront 1 500 euros à la commune de Guilly en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la société des carrières de Bray en Val relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F..., à la SCI Le petit Villemoette, à la commune de Guilly et à la société des carrières de Bray en Val. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 29 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 février 2016.
Le rapporteur,
A. MONY Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00841