Procédure devant la cour :
I- Sous le n° 19NT01821 :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai et 25 septembre 2019, M. E... A..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le terrain d'assiette du projet est situé au sein d'un espace urbanisé de densité significative au sens de l'article L.121-8 du code de l'urbanisme ;
- s'agissant d'une simple maison d'habitation, le projet de construction ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-13 du même code ;
- les dispositions de la loi " littoral " sont directement applicables aux autorisations d'urbanisme ; les dispositions du schéma directeur d'aménagement du Pays d'Auray ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité du permis de construire dès lors que celui-ci est conforme à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, le moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma directeur n'est pas fondé ;
- le moyen tiré de ce que le maire de Bangor aurait dû surseoir à statuer, en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme sur la demande de permis de construire n'est pas fondé ; le classement en zone N du lieu-dit n'était pas arrêté à la date de délivrance du permis de construire ;
- il s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2019, l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à contester le permis de construire litigieux ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ; l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le schéma de cohérence territoriale du Pays d'Auray fait obstacle à la délivrance du permis de construire litigieux ;
- quand bien même les dispositions de ce document d'urbanisme autoriseraient la construction litigieuse, elles seraient contraires à l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le plan local d'urbanisme est entaché d'illégalité au regard de ces dispositions en ce qu'il classe en zone constructible Ub le lieu-dit " Kerel " et donc les parcelles en cause ; le permis a ainsi été délivré sous l'empire d'un document illégal ; ces parcelles ne sont pas situées dans une zone urbanisée de la commune ; le projet est contraire aux dispositions du règlement national d'urbanisme auxquelles le plan d'occupation de sols illégal s'est substitué ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le maire de Bangor aurait dû surseoir à statuer, en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, sur la demande de permis de construire de M. A... ;
- le projet de plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 19 avril 2018 du conseil municipal de Bangor classe le lieu-dit " Kerel " en zone naturelle dans laquelle sont interdites les constructions nouvelles.
La commune de Bangor, représentée par le cabinet d'avocats Le Roy-Gourvennec-Prieur, a présenté des observations le 1er octobre 2019.
II- Sous le n° 19NT01837 :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 mai et 6 septembre 2019, la commune de Bangor, représentée par le cabinet d'avocats Le Roy-Gourvennec-Prieur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce même jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le permis de construire litigieux n'a été délivré en méconnaissance ni de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ni de l'article L. 121-13 de ce code ;
- le moyen tiré de ce que le maire de Bangor aurait dû surseoir à statuer, en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme sur la demande de permis de construire, n'est pas fondé ;
- le moyen tiré de ce que permis de construire litigieux serait illégal en raison de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma directeur du pays d'Auray est inopérant et, en tout état de cause, non fondé ;
- elle se rapporte, plus le surplus, à ses écritures de première instance.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 août 2019, l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Bangor, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir les mêmes moyens que ceux soulevés dans l'instance 19NT01821.
M. E... A..., représenté par Me F..., a présenté des observations enregistrées le 25 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., pour M. A..., de Me D..., pour la commune de Bangor, et de Me C..., pour l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 15 mars 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray, l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le maire de Bangor a délivré à M. A... un permis de construire une maison d'habitation sur des parcelles cadastrées à la section ZX sous les n°s 264 et 277, au lieu-dit " Kerel ". M. A... et la commune de Bangor relèvent appel de ce jugement. Les deux requêtes, dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".
3. D'une part, aucune pièce du dossier ne permet de connaitre la date de l'affichage de la demande de permis de construire de M. A.... Il ressort seulement des mentions portées sur l'arrêté litigieux qu'elle a été présentée le 24 décembre 2015. Par ailleurs, les statuts de l'association dont il n'est pas contesté qu'ils ont été déposés en préfecture, font apparaitre qu'ils ont été modifiés le 7 décembre 2008. D'autre part, l'article 2 des statuts précise que cette association a pour objet, notamment, de " protéger les sites, les paysages, le patrimoine architectural ; lutter contre le mitage de l'espace rural spécialement en veillant à l'application de la loi Littoral (...) ", et qu'elle " exerce ses activités sur les territoires des communautés de communes du pays d'Auray (...) " au nombre desquelles figure la communauté de commune de Belle-Ile-en-Mer. Par suite, M. A... ne peut soutenir que la demande de l'association n'était pas recevable aux motifs que le dépôt de ses statuts en préfecture serait intervenu postérieurement à l'affichage en mairie de la demande de permis de construire et qu'elle ne justifierait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester contre ce permis.
Sur la légalité du permis de construire du 21 avril 2016 :
4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
5. Aux termes de l'article L. 121-13 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale (...) ".
6. Il n'est pas contesté que le lieu-dit " Kerel " se situe à plus d'un kilomètre du centre de la commune de Bangor et est séparé des espaces bâtis les plus proches par des parcelles agricoles ou demeurées à l'état naturel. Il ressort des pièces du dossier que ce lieu-dit comporte, en son centre, un ensemble comprenant une vingtaine de constructions mais également des parcelles non bâties, au nord-est, outre les parcelles d'assiette du projet litigieux, des constructions, en nombre égal, dispersées le long de deux voies communales en bordure desquelles elles sont implantées de façon linéaire, et à l'ouest, une dizaine de maisons d'habitation, dont certaines sont séparées par des terrains agricoles. Dans ces conditions, la construction projetée par M. A... se situe dans une zone d'urbanisation diffuse éloignée de toute agglomération ou village existant. D'ailleurs le projet du nouveau plan local d'urbanisme, arrêté par délibération du conseil municipal, a ultérieurement classé le lieu-dit en zone naturelle et ne l'a pas reconnu comme entité urbaine constructible. Par suite, en délivrant le permis de construire litigieux, le maire de Bangor a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, qui consiste en une construction de 124 m2, se situe dans un espace proche du rivage. Ainsi qu'il vient d'être dit, il est également compris dans un secteur d'urbanisation diffuse qui ne se trouve pas en continuité avec les agglomérations ou villages existants. Il va ainsi opérer, contrairement à ce que soutiennent M. A... et la commune de Bangor, une extension illégale de l'urbanisation. Dès lors, en délivrant le permis de construire contesté, le maire de Bangor a fait une inexacte application de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et la commune de Bangor ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray, l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le maire de Bangor a délivré à M. A... un permis de construire une maison d'habitation sur des parcelles situées au lieu-dit " Kerel ".
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... et à la commune de Bangor des sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bangor le versement à l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray d'une somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. A... et de la commune de Bangor sont rejetées.
Article 2 : La commune de Bangor versera à l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'association pour l'application de la loi littoral dans le Pays d'Auray est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à la commune de Bangor et à l'association pour l'application loi littoral dans le Pays d'Auray.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2020.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT01821