Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mai 2019 et 25 novembre 2019 M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour Mme F... A... ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa présentée pour Mme F... A... ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... un visa de long séjour, dans délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au ministre de procéder à un nouvel examen de la demande de Mme A..., dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle exige des concubins la preuve qu'ils ont maintenu des liens après l'introduction de la demande d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il établit l'existence d'une vie commune suffisamment stable et continue avec Mme A... antérieurement au dépôt de sa demande d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me C..., pour M. D....
Une note en délibéré, enregistrée le 5 juin 2020, a été présentée pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. D..., la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa présentée pour l'enfant G... D... et a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision de la commission refusant de délivrer un visa à Mme A..., mère de l'enfant. M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ces dernières conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; (...)II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables./ (...) / Les membres de la famille d'un réfugié (...) sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié (...). En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil (...)peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. (...) ".
3. M. D..., ressortissant congolais né le 8 février 1970, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 6 juillet 2015. Pour rejeter la demande de délivrance d'un visa de long séjour à Mme A... présentée le 17 juillet 2017 dans le cadre de la procédure de réunification familiale, la commission de recours s'est fondée sur " l'absence de preuve suffisante d'échanges réguliers et constants entre l'intéressée et le réfugié, notamment avant le dépôt de demande de visa " de nature à établir le lien familial entre Mme A... et M. D....
4. M. D... et Mme A... ont un enfant G... D... qui est né le 5 avril 2013. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le requérant a déclaré l'existence de sa relation avec Mme A... dès le dépôt de sa demande d'asile le 30 juillet 2013 et l'a mentionnée dans son récit de demande en faisant état de ce qu'elle était alors enceinte et était allée se réfugier dans sa famille. Il produit un certificat de concubinage, établi par les autorités du Congo, le 15 novembre 2016, antérieurement à la demande de visa présentée le 17 juillet 2017, ainsi que des justificatifs de transferts d'argent, entre 2015 et 2017, en faveur de Mme A... et de sa belle-mère. Dans les circonstances de l'espèce, M. D... doit être regardé comme établissant, par les éléments qu'il verse aux débats, qu'il a mené avec Mme A... une vie commune suffisamment stable et continue avant la date d'introduction de sa demande d'asile et avant le dépôt de sa demande de visa. Dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, en refusant de délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions du 2° du I de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa décision doit donc être annulée pour ce motif.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa présentée pour Mme A....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé à la délivrance à Mme A... du visa sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige:
7. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 28 février 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision de la commission refusant de délivrer un visa à Mme A....
Article 2 : La décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme F... A... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme F... A... le visa de long séjour sollicité dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C..., une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 juin 2020.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02026