2°) d'annuler la décision du 12 février 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre à l'autorité consulaire de délivrer à ses enfants I..., J... et G...des visas de long séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- si l'acte de naissance de I... ne mentionne pas les dates et lieux de naissance de ses parents, cela ne suffit pas à entacher d'irrégularité l'acte, cette mention étant facultative ; I... est à présent majeur ; sa carte d'identité comporte à présent toutes les informations relatives à sa naissance ; il avait mentionné l'existence de son fils ;
- s'agissant de son fils J..., l'absence de paraphe de la feuille du registre de transcription est sans incidence, ce document n'étant pas un extrait du registre d'état civil tel que visé par l'article 16 de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964 ; l'acte de naissance qui a fait l'objet d'un jugement supplétif ne peut être remis en cause ; il n'a pas mentionné cet enfant du fait qu'il est né après l'obtention de son statut de réfugié ;
- s'agissant de sa filleG..., la référence aux articles 16 et 19 de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964 est erronée ;
- il justifie d'une situation de possession d'état par des versements d'argent réguliers qui ont été adressés à M.B..., tuteur des enfants ;
- le délai d'un mois invoqué par la commission est applicable seulement en cas de procédure de rectification des actes de l'état civil et non aux jugements supplétifs d'actes de l'Etat civil visés dans la décision litigieuse ; la retranscription de ces jugements dans les actes d'état civil a été réalisée en application de l'article 84 de la loi précitée qui n'impose aucun délai minimum ;
- les actes d'état civil qu'il a produits sont conformes à la loi locale ; ils établissent la réalité de la filiation, corroborée également par des attestations ;
- il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants par l'intermédiaire de M.B... ;
- la décision attaquée empêche les enfants de mener une vie privée et familiale normale et d'obtenir un visa de long séjour, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- les jugements et actes rectificatifs d'état civil obtenus du tribunal de première instance de Bouaflé en Côte d'Ivoire le 21 mars 2019 établissent la réalité de la filiation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures produites en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- et les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., réfugié ivoirien, relève appel du jugement du 16 mars 2018, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui a refusé de délivrer des visas de long séjour à ses enfants allégués I..., J... etG..., nés respectivement selon lui le 1er janvier 1998, le 17 août 2001 et le 12 mai 2007.
Sur la légalité de la décision de la Commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :
2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. Il résulte des dispositions de l'article 47 du code civil que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un tel acte, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Pour refuser de délivrer les visas sollicités, la commission a d'une part relevé que les jugements supplétifs concernant les enfants I... et J... ont été transcrits avant l'expiration du délai d'appel, d'autre part considéré que les documents d'état civil ne sont pas conformes à la loi locale et ne permettent pas d'établir l'identité et le lien familial allégué des demandeurs avec M.C..., enfin, opposé le fait que l'intéressé n'a apporté aucun élément permettant d'établir qu'il ait contribué ou contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants I..., J... etG..., ni qu'il leur apporterait un soutien affectif et communiquerait régulièrement avec eux.
En ce qui concerne I... et J...C... :
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de visa de l'enfant I..., ont été produits un jugement supplétif rendu le 7 juin 1999 ainsi qu'un acte de naissance établi le 18 juin 1999, mentionnant que I... C...est né le 1er janvier 1998 à Bouaflé, de M. H...C...et de F...A..., tandis qu'à l'appui de la demande de visa de l'enfant J..., a été produit un jugement supplétif rendu le 20 novembre 2003 ainsi qu'un acte de naissance établi le 1er décembre 2003, dont il ressort que l'enfant J...C..., fils de M. H...C...et de F...A...est né le 17 août 2001 à Bouaflé. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Si les dates de naissances des deux parents dudit enfant ne sont pas indiquées sur l'acte de naissance de I..., contrairement aux dispositions de l'article 24 de la loi du 7 octobre 1964 relative à l'état civil ivoirien, ces mêmes dispositions prévoient une telle indication " si possible ". Ni le fait que les jugements supplétifs ont été transcrits avant l'expiration du délai d'appel, ni le fait que la feuille du registre de l'acte de naissance de J... ne soit pas paraphée ne suffisent à remettre en cause le lien de filiation. A cet égard, M. C...fait valoir, sans être contesté, que la feuille qu'il a produite ne provient pas du registre d'état civil qui ne peut être communiqué au public mais d'un simple registre de transcription. Les anomalies relevées par le ministre ne mettent en évidence aucune incohérence quant à l'identité, les dates et lieux de naissance et la filiation de ces enfants, ni aucune fraude. Par ailleurs, si M. C...n'a effectivement déclaré auprès de l'OFPRA qu'un seul enfant, " Salif " né en octobre 1998, cette circonstance ne résulte que d'une note de l'OFPRA établie en novembre 2004.
En ce qui concerne la jeune G...C... :
6. A l'appui de la demande de visa de l'enfantG..., a été produit un acte de naissance n° 2092 dressé le 23 juillet 2007 constatant la naissance, le 23 mai 2007, de l'enfant G...C..., ayant pour père M. D...C...et pour mère Mme F...A.... S'il est soutenu que cet acte serait irrégulier car rendu sur déclaration d'un tiers pour un enfant né hors mariage et non paraphé, en méconnaissance des articles 16 et 19 de la loi susmentionnée du 7 octobre 1964 relative à l'état civil ivoirien, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que l'enfant est né postérieurement au mariage de M. C...et de MmeA..., célébré le 10 janvier 2004. S'il est soutenu que la feuille du registre n'est pas paraphée, cette seule circonstance ne suffit pas à remettre en cause l'authenticité de l'acte produit, alors que M. C...fait valoir, sans être contesté, que la feuille qu'il a produite ne provient pas du registre d'état civil qui ne peut être communiqué au public mais d'un simple registre de transcription. Le ministre n'apporte pas d'élément tangible de nature à remettre en cause la réalité du lien de filiation allégué, établi par un acte d'état civil dont l'irrégularité n'est pas établie.
7. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation de possession d'état, la commission de recours a commis une erreur d'appréciation en rejetant la demande de visa présentée pour les jeunes I..., J... et G...C....
8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
9. Eu égard aux motifs du présent arrêt, l'exécution de celui-ci implique nécessairement la délivrance d'un visa pour les jeunes I..., J... et G...C.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prescrire que cette décision intervienne dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. C...n'a pas demandé que lui soit versée la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 16 mars 2018 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 12 février 2016 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour aux jeunes I..., J... et G...C..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 juillet 2019.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
A. MONY
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01996