Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2015, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 avril 2015 ;
2°) de condamner l'Etat, à titre principal, à lui verser 17 000 euros au titre du rappel de traitement dont a été privé son conjoint et 7 800 euros au titre d'un rappel de pension de réversion ; à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à liquider à son profit les sommes correspondantes recalculées par l'Etat, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser 2 000 euros au titre du préjudice moral subi ;
4°) de mettre 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D...soutient que :
- l'autorité de la chose jugée ne peut pas lui être opposée dès lors que le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2008 n'avait pas le même objet ni la même cause, l'indemnisation sollicitée trouvant ici son fondement dans l'engagement pris à son encontre par l'Etat et non pas dans la méconnaissance de dispositions juridiques ;
- l'article 127 de la loi de finances pour 2005 prévoit que les agents non titulaires du laboratoire des centres techniques de l'équipement devaient se voir appliquer l'indemnité de résidence, celle-ci étant partiellement intégrée dans leur traitement ;
- le principe dégagé par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 296665 du 25 avril 2007 selon lequel la limitation du bénéfice du rappel correspondant aux seuls agents ayant déposé une demande préalable avant le 31 décembre 2005 méconnaît les dispositions de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne faisait pas obstacle à ce que les agents concernés puissent présenter une demande indemnitaire avant le 31 décembre 2005 ;
- elle a elle-même formé une demande préalable d'indemnisation le 4 septembre 2005, et l'administration a pris envers elle un engagement de l'indemniser le 18 août 2007 ;
- l'administration a accepté d'indemniser des agents même en l'absence de réclamation préalable avant le 1er janvier 2006 ;
- l'administration est tenue de respecter les engagements qu'elle a pris, ceux-ci étant créateurs de droit ;
- l'absence de respect de cette obligation constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ;
- elle est fondée à être indemnisée à hauteur des sommes qu'elle réclame.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
La ministre soutient que tant les moyens d'annulation soulevés par la requérante que ses prétentions indemnitaires ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la décision du ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme du 14 mai 1973 portant règlement des personnels non titulaires du laboratoire central des ponts et chaussées et des centres d'études techniques de l'équipement ;
- le décret du 12 mai 1970 ;
- le décret du 16 octobre 1973 ;
- le décret du 19 juillet 1974 ;
- le décret du 24 octobre 1985 ;
- la loi n° 2005-1720 portant loi de finance rectificative pour 2005, en particulier son article 127 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- et les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.
1. Considérant que MmeD..., veuve de M. B...D..., agent non titulaire employé dans un Centre d'études techniques de l'Equipement (CETE), décédé le 16 juin 2005, a formé le 8 février 2006, après rejet implicite de sa demande préalable, un recours indemnitaire tendant à obtenir une indemnisation équivalente au montant de l'indemnité de résidence dont son conjoint aurait été privé depuis son recrutement, intervenu le 1er décembre 1970 ; que par un jugement définitif rendu le 30 juillet 2008, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande, au motif que l'intéressée se trouvait dans le cas de figure prévu par les dispositions de l'article 127 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificatives pour 2005, les agents des CETE étant, selon ces dispositions, réputés avoir été rétribués depuis leur engagement sur la base d'un traitement intégrant partiellement l'indemnité de résidence, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date du 7 décembre 2005 ; que Mme D...relève appel du jugement en date du 21 avril 2015 par lequel ce même tribunal a rejeté un second recours indemnitaire de l'intéressée, tendant à obtenir, d'une part, l'équivalent du rappel de traitement du chef de son conjoint correspondant à l'intégration à ce traitement de l'indemnité de résidence, et, d'autre part, la revalorisation des cotisations Ircantec consécutive à la rectification de leur assiette, une fois intégrée l'indemnité de résidence ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant, en premier lieu, que si Mme D...soutient que c'est à tort que le tribunal administratif lui a opposé l'autorité de chose jugée s'attachant à sa décision du 30 juillet 2008, il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a rejeté au fond la demande de l'intéressée, sans statuer sur la fin de non recevoir qui lui était opposée par le ministre ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D...doit être regardée, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, comme cherchant à engager la responsabilité fautive de l'Etat résultant d'un engagement non tenu ;
4. Considérant que, d'une part, si Mme D...soutient que la réponse ministérielle faite le 30 juillet 2010 à la question d'un parlementaire fait état d'un engagement du gouvernement à indemniser tous les agents ayant déposé une demande en ce sens avant le 1er janvier 2006, cette réponse, qui se borne à rappeler que les agents qui n'ont pas déposé une demande gracieuse ou contentieuse avant le 1er janvier 2006 sont privés, à compter de cette date, du bénéfice de l'intégration d'une partie de l'indemnité de résidence à leurs traitements, et ne peuvent prétendre à aucun rappel de rémunération au titre de la période antérieure, ne constitue en aucun cas un acte décisoire ou un engagement de l'administration à faire droit aux différentes demandes qui lui ont été adressées ; qu'il résulte en outre de l'instruction que le recours contentieux de Mme D...n'a été formé, comme déjà indiqué, que le 8 février 2006, l'intéressé ne faisant pas appel de la décision du tribunal administratif rejetant son recours ; que la circonstance que la demande préalable correspondante ait été formée le 4 septembre 2005, à la supposer établie, ne remet par ailleurs pas en cause l'application au cas de Mme D...des dispositions de l'article 127 de la loi de finances rectificative pour 2005, la date d'introduction de sa demande gracieuse lui ayant seulement ouvert la possibilité de se prévaloir des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tenter de remettre en cause son droit à indemnité né d'une jurisprudence du 24 juin 2005, avant que n'intervienne l'article 127 de la loi de finances rectificative pour 2005, possibilité dont Mme D...n'a, du reste, pas fait usage ;
5. Considérant que, d'autre part, la requérante soutient que le courrier en date du 18 août 2007 adressé par l'administration à M. D...constituait un engagement à verser la différence entre les rémunérations perçues par son conjoint et celles qui seraient résulté de l'intégration dans ces dernières de l'indemnité de résidence, de même qu'à régulariser sa situation auprès de l'Ircantec, dans la limite de la prescription quadriennale attachée aux créances sur l'Etat ; que, toutefois, même si l'administration lui demandait par cette correspondance de lui fournir en retour des relevés d'identité bancaire, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel courrier, qui se borne à faire mention des décisions n° 296661 et 296665 du Conseil d'Etat du 25 avril 2007 ayant condamné l'Etat dans le cadre d'un contentieux relatif aux agents non titulaires des centres d'études techniques de l'Equipement et du laboratoire central des Ponts et Chaussées, et à indiquer que cette demande de transmission se situe " dans le cadre de la procédure d'exécution de ce contentieux et suite au recours que vous avez formé " ait comporté un engagement précis vis-à-vis de M.D... ; que ce courrier ne constitue ainsi nullement une promesse de l'administration, mais seulement une mesure d'instruction ne préjugeant pas de la suite devant être réservée à la demande que M. D...avait précédemment formée ; que le refus implicite de l'administration de faire droit à la demande préalable d'indemnisation de Mme D...ne peut dès lors être regardé comme portant retrait d'un acte créateur de droit, faute pour le courrier du 18 août 2007 de constituer un tel acte ;
6. Considérant qu'il résulte des points précédents que, faute d'établir l'existence d'une promesse ferme et précise de l'administration à son égard, Mme D...n'est pas fondée à rechercher la responsabilité fautive de l'administration ;
7. Considérant, en dernier lieu, que Mme D...ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir du cas de M.C..., autre agent titulaire qui est parvenu à une transaction financière avec l'administration alors même que son recours indemnitaire avait été formé le 28 février 2006, en l'absence de tout engagement financier reçu de la part de l'administration ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande Mme D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D...et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01692