Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 juillet et 14 août 2020, M. H... Le et Mme G... A..., représentés par Me I... D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 3 avril 2019 par laquelle les autorités consulaires françaises à Ho Chi Minh Ville (Vietnam) ont refusé de délivrer à la jeune F... C... un visa de long séjour en qualité de visiteur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ou, à défaut, de procéder au réexamen de la demande de visa litigieuse, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conditions du séjour de l'enfant F... C... ; M. Le dispose de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins durant le séjour ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. H... Le et Mme G... A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 5 août 2020, le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes chargée d'examiner les demandes relatives aux affaires portées devant la cour a rejeté sa demande d'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me E..., représentant M. H... Le et Mme G... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. H... Le, ressortissant français né le 8 juin 1957, a épousé le 29 janvier 2019 Mme G... A..., ressortissante vietnamienne née le 2 février 1982. Mme A... a sollicité un visa de long séjour pour elle-même, ainsi que pour son fils mineur, F... C..., né le 28 août 2012. Un visa d'entrée et de long séjour a été délivré pour Mme A.... Par une décision du 3 avril 2019, les autorités consulaires françaises à Ho Chi Minh Ville (Vietnam) ont toutefois refusé de délivrer à l'enfant le visa sollicité. Par une décision implicite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre cette décision. M. Le et Mme A... relèvent appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense de première instance du ministre, que, pour refuser de délivrer le visa de long séjour " mention visiteur " sollicité pour Gia Hung C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que les demandeurs n'ont pas fourni la preuve qu'ils disposent de ressources suffisantes pour financer le séjour de longue durée de l'enfant en France.
3. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où le visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général. Il en va notamment ainsi des visas mention " établissement privé / visiteur " sollicités pour un séjour d'une durée supérieure à un an. Dans l'hypothèse où le motif de la demande d'un visa de long séjour visiteur est de s'installer durablement en France, ce visa peut être refusé si l'administration établit que l'étranger n'est manifestement pas susceptible de remplir les conditions lui permettant d'obtenir le titre de séjour qui lui sera nécessaire après la période couverte par le visa.
4. M. Le exploite, depuis 2006, une entreprise individuelle ayant pour activité la préparation de plats préparés et à emporter. Il justifie, pour l'année 2019, de l'existence d'un chiffre d'affaire d'une moyenne mensuelle de 3 120 euros, soit un revenu net mensuel d'environ 2 400 euros après déduction d'un abattement forfaitaire de 22% applicable à son entreprise. Les relevés bancaires produits par les requérants en appel font état de ce que M. Le percevait, à la date de la décision attaquée, un revenu stable depuis plusieurs mois, ainsi que d'un solde créditeur d'environ 2 000 euros. Il est constant que M. Le et Mme A... n'ont pas d'autre enfant à charge. Par ailleurs, M. Le est titulaire d'un contrat de bail pour un logement de type 4 comprenant 3 chambres, d'une surface habitable de 81,99 m2, de sorte que l'enfant F... C... ne représentera pas une charge supplémentaire s'agissant des frais liés au logement du couple. Dans ces conditions, M. Le et Mme A... sont fondés à soutenir qu'en refusant de délivrer le visa sollicité au motif que les requérants ne bénéficiaient pas de ressources suffisantes pour financer le séjour du jeune F... C... en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. Le et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à l'enfant F... C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ce visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. Le n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour l'enfant F... C... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'enfant F... C... un visa de long séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Le et Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... Le et Mme G... A..., à Me I... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT02141