Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2021, M. B..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2021 en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre l'arrêté du 31 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert méconnait les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur de fait s'agissant de la réalité de la situation sanitaire en Italie ;
- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; d'une part, il se trouve dans une situation de vulnérabilité du fait des violences et persécutions subies dans son pays d'origine, de son parcours d'exil éprouvant et de ses problèmes de santé pour lesquels il est suivi en France ; d'autre part, le risque existe que sa demande d'asile ne soit pas traitée en Italie et qu'il puisse bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé notamment du fait de l'absence de toute réponse expresse des autorités de ce pays, de conditions d'accueil dégradées et de la situation sanitaire qui y prévaut ;
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 25 octobre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés et informe la cour que M. B... a effectivement rejoint l'Italie le 3 juin 2021.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
- le rapport de M. Coiffet,
- et les observations de Me Neraudau, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité soudanaise né le 1er janvier 1998, qui est entré irrégulièrement en France le 29 septembre 2020, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique le 14 octobre 2020. Les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées dans ce fichier en Italie le 7 août 2020, sous le n° IT 2 AG04YIZ, pays dans lequel il avait déposé une demande de protection internationale. Les autorités italiennes ont été saisies le 15 octobre 2020 sur le fondement du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour une reprise en charge de l'intéressé. Les autorités italiennes ont implicitement accepté leur responsabilité, en application de l'article 22.7 du même règlement, ce dont elles ont été informées par un message du 22 décembre 2020. Par deux arrêtés du 31 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. B... en Italie et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 4 janvier 2021. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête. M. B... demande à la cour d'annuler ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 31 décembre 2020 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités allemandes.
Sur l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
4. M. B... en faisant état de l'existence de défaillances qui affecteraient les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie et en invoquant le risque que sa demande d'asile ne soit pas traitée dans ce pays et qu'il puisse bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé notamment du fait de l'absence de toute réponse expresse des autorités de ce pays, de conditions d'accueil dégradées et de la situation sanitaire qui y prévaut, doit être regardé comme invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 citées au point précédent.
5. M. B... soutient, d'une part, que transféré aux autorités italiennes, il risque d'être " renvoyé par ricochet " vers le Soudan. Il convient d'abord de rappeler que la décision de transfert de M. B... aux autorités italiennes ne constitue pas un mesure d'éloignement vers le Soudan. Ensuite, si le requérant fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie aucun élément produit au dossier ne permet de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Et si M. B... ajoute qu'il pourrait faire en Italie l'objet d'une mesure d'éloignement, il dispose en tout état de cause d'un droit de recours effectif contre cette décision, conformément aux dispositions de l'article 18 dernier alinéa du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. A supposer, enfin, qu'une décision d'éloignement soit prise à son encontre et revête un caractère définitif, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... ne serait pas en mesure de faire valoir auprès des autorités italiennes tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut au Soudan, ni que les autorités italiennes n'évalueront pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il serait exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. D'autre part, la seule circonstance que la France et l'Italie soient confrontés, comme le reste de l'Europe, à une crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 conduisant notamment, à la date de l'arrêté contesté, à l'adoption de mesures de restriction de déplacement des personnes au sein de leur territoire respectif voire à la suspension temporaire des mesures de transfert, est seulement susceptible de modifier, le cas échéant, les conditions de l'exécution de cette décision mais demeure sans incidence sur sa légalité. De plus, cette seule situation sanitaire en Italie, au demeurant proche de celle existant en France, ne saurait constituer de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie, à la date de la décision de transfert, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs. Ainsi, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis dans ce pays à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et aux dispositions du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peuvent qu'être écartés.
6. En second lieu aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Si M. B... déclare souffrir de douleurs aux ligaments croisés et d'arthrose ainsi que de problèmes dentaires pour lesquels il est suivi et évoque le parcours traumatisant et éprouvant qu'il a subi, il n'établit pas, par les pièces versées au dossier, que son état de santé serait incompatible avec un transfert vers l'Italie ni qu'il ne pourrait bénéficier dans ce pays d'un suivi médical adapté et comparable au suivi dont il bénéficie en France. Par ailleurs, sa seule situation de demandeur d'asile sur le territoire français ne suffit pas à caractériser une situation de vulnérabilité pour l'application du règlement précité. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En troisième et dernier lieu, pour le surplus, M. B... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 15 janvier 2021 décidant son transfert aux autorités italiennes ne méconnaît pas les dispositions de l'articles 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et que le moyen tiré d'une erreur de fait, s'agissant de la réalité de la situation sanitaire en Italie, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 décembre 2020 décidant son transfert aux autorités italiennes. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 4 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2022.
Le rapporteur, Le président,
O. COIFFET O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21NT02257 2
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