Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2019, M. C... F..., représenté par Me Scetbon-Didi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 19 août 2016 par laquelle le préfet de la région Pays de la Loire a mis à la charge de la société Dynamique Formations la somme de 48 620 euros, ainsi que, solidairement avec son gérant M. F..., les sommes de 48 620 euros sur le fondement de l'article L. 6362-7-1 du code du travail et de 9 644,20 euros sur le fondement des articles L. 6362-5 et L. 6362-7 du même code.
Il soutient que :
- sa bonne foi doit être retenue car les manquements constatés sont dus à son associé, M. A... qui a notamment soustrait des documents comptables et administratifs et car il s'est abstenu de facturer à l'organisme financeur (OPCA) la formation en cas de doute sur la réalité de celle-ci dispensée par son associé et ce, afin de ne pas percevoir des fonds qui ne seraient pas dus en réalité ; il ne s'est aperçu des manquements de son associé qu'en 2015 ; il lui est arrivé de signer des feuilles d'émargement en lieu et place de M. D... pour pallier les défaillances de ce dernier qui emportait régulièrement des documents à son domicile sans les restituer mais il ignorait qu'il ne pouvait le faire ;
- la DIRRECTE retient des éléments qui sont inexacts s'agissant de la taille des locaux et de la durée des heures de formation dispensées par M. B... ; les locaux situés à Nantes sont assez grands pour accueillir des formations ; M. B... y dispensait deux jours de formation par semaine et consacrait le reste de son temps de travail au recrutement et aux entreprises ; les éléments relevés par l'administration sont dès lors insuffisants pour remettre en cause plus de 5 000 heures de formation pour un montant de 50 000 euros et conclure à des irrégularités intentionnelles ;
- son épouse n'est pas intervenue comme formatrice à Vannes mais l'a seulement aidé au titre de l'entraide familiale ;
- s'il est exact qu'il n'a pas séparé dans sa comptabilité son activité de formation et celle de prestations de service informatiques, il n'a pas effectué sciemment de fausses déclarations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens présentés par M. F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Dynamique Formations, dont l'activité de formation professionnelle continue s'adresse, principalement, aux salariés des secteurs du commerce et de la vente ainsi que de la boulangerie dans le cadre de contrat de professionnalisation, a fait l'objet d'un contrôle diligenté par le service régional de contrôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) portant sur son activité pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mai 2015. A la suite de cette procédure, le préfet de la région Pays de la Loire a, par une décision du 19 août 2016, fait obligation à cette société de verser au Trésor public, d'une part, en application de l'article L. 6362-7-1 du code du travail, la somme de 48 620 euros au titre d'actions de formation non exécutées, d'autre part, solidairement avec son dirigeant, M. F..., en application des articles L. 6362-7-2 et L. 6362-5 et L. 6362-7 du même code, les sommes de 48 620 euros pour avoir établi et utilisé intentionnellement des documents portant des mentions inexactes en vue d'obtenir indûment des paiements, et de 9 644,20 euros au titre de montants de dépenses non justifiées rattachées à l'activité de formation professionnelle continue.
2. M. F..., en qualité de gérant de cette société, qui a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Nantes le 4 novembre 2015, a, le 14 octobre 2016, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 19 août 2016 du préfet de la région Pays de la Loire. Il relève appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 août 2016 du préfet de la région Pays de la Loire :
3. Aux termes de l'article L. 6361-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur : / 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : (...) / c) Les organismes de formation et leurs sous-traitants ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 6361-3 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. / Les agents de contrôle peuvent solliciter, en tant que de besoin, l'avis ou l'expertise d'autorités publiques ou professionnelles pour les aider à apprécier les moyens financiers, techniques et pédagogiques mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. ". Aux termes de l'article L. 6362-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. ". L'article L. 6362-7-2 du même code dispose que : " Tout employeur ou organisme chargé de réaliser tout ou partie des actions mentionnées à l'article L. 6313-1 qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants indûment reçus. ". Aux termes de l'article L. 6354-1 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait. ". Selon l'article L. 6362-7-1 du même code : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués. ". Aux termes de l'article R. 6332-26 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les employeurs ou les prestataires de formation adressent aux organismes collecteurs qui en font la demande une copie des feuilles d'émargement à partir desquelles sont établies les attestations de présence. Ces feuilles d'émargement font partie des documents que les organismes collecteurs sont tenus de produire aux agents chargés du contrôle prévu aux articles L. 6362-5 à L. 6362-7. ".
4. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par la société, sur laquelle pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue.
5. M. F... soutient, en premier lieu, que les manquements relevés, dont certains sont inexacts, sont dus à son associé, M. B. qui a notamment soustrait des documents comptables et administratifs, et invoque sa bonne foi en relevant notamment qu'il n'a pas facturé au cocontractant une prestation dont il doutait qu'elle ait été effectuée.
6. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier, en particulier des observations très détaillées et circonstanciées qui fondent la décision contestée du 19 août 2016, que l'agent de la DIRECCTE a relevé, d'une part, l'existence de nombreuses irrégularités entachant des feuilles d'émargement, lesquelles ne mentionnaient ni les horaires de formation ni les modules suivis et étaient signées par les stagiaires une seule fois à la fin du mois voire du trimestre et non par demi-journées. Ces imprécisions et cette pratique ne permettent pas de vérifier que les stagiaires concernés ont effectivement suivi l'ensemble des modules prévus par le programme du titre professionnel préparé et de justifier notamment de la durée effective des formations facturées ensuite aux financeurs. Il a également été retenu notamment, ce qu'aucun élément ne permet de remettre en cause, que des stagiaires avaient émargé un jour férié, qu'une autre avait émargé à une date où elle était en congé payée et que pour 4 stagiaires l'absence de date de formation pour le mois de septembre sur le site de Nantes. D'autre part, si M. F... a déclaré que l'organisme de formation n'accueillait qu'un seul groupe de stagiaires avec un formateur unique sur chacun des deux sites de formation - Nantes et Vannes - l'agent de contrôle a, cependant relevé des incohérences dans les plannings des formateurs avec la présence concomitante d'un formateur sur les deux sites de formation, avec également dans de nombreux cas - listés dans l'annexe de la décision contestée - le fait que deux ou trois formateurs auraient dispensé la même formation le même jour sur le même site, ainsi que la signature de feuilles d'émargement par un formateur avant même son embauche (Mme B. les 27 février, 3, 4, 6 et 11 mars 2014 alors qu'elle n'a été embauchée qu'à partir du 12 mars 2014). Enfin, l'agent de contrôle a relevé la capacité d'accueil réduite de la salle de formation sur le site de Nantes - 20 m² comportant 6 chaises au moment du contrôle - au regard du nombre de stagiaires censés être présents le même jour, soit 12 stagiaires le 27 mai et 14 juin 2014, 13 stagiaires le 26 juin et 26 juillet suivants, 15 stagiaires le 21 août et 17 stagiaires le 2 octobre 2014. Si M. F... conteste ce point comme d'ailleurs la durée des heures de formation dispensées par M. B... retenue par l'administration, il n'apporte aucun élément probant pour remettre en cause la matérialité des constatations opérées. Par ailleurs, M. F... a reconnu au cours de la procédure contradictoire comme dans ses écritures avoir signé les feuilles d'émargement, en lieu et place de M. B. son associé, en charge des formations sur le site de la société à Nantes, dont il n'ignorait pas les défaillances et les absences, sur la base des déclarations des stagiaires. En outre l'administration fait valoir sans être contredit que M. F..., informé des défaillances de M. B. dès le mois d'avril 2014 et même après le départ de ce dernier, a continué à facturer des formations pour les stagiaires en contrat de professionnalisation conformément au planning établi tout au long de l'année 2014. M. F... a également indiqué lors de la procédure contradictoire que la société Dynamique formations " avait pour pratique de facturer des prestations même en cas d'absence de stagiaires " ce que prohibe pourtant l'article L. 6354-1 du code du travail. Enfin, la circonstance, au demeurant non étayée sérieusement, que son épouse ne serait pas intervenue comme formatrice à Vannes, comme le retient la décision contestée, mais l'aurait seulement aidé au titre de l'entraide familiale demeure sans incidence sur les irrégularités relevées lors du contrôle. Dans ces conditions, et eu égard au caractère répété et systématique des nombreux manquements constatés, en particulier l'établissement réitéré de fausses factures sur plusieurs mois, permettant d'écarter " l'erreur de gestion commise de bonne foi ", c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'administration a pu estimer que M. F... avait, au sens des dispositions de l'article L. 6362-7-2 du code du travail, rappelées au point 3, " établi ou utilisé intentionnellement des documents de nature à obtenir indûment le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle ". Pour les mêmes motifs, le préfet de la région Pays de Loire a pu légalement estimer que l'organisme de formation ne rapportait pas la preuve de la réalisation des actions de formation, retenant ainsi 5 384 heures de formations non justifiées pour un montant de 48 620 euros. Le moyen sera écarté dans ses différentes branches.
7. En second lieu, M. F... soutient avoir ignoré l'obligation pour un organisme de formation à activités multiples de tenir une comptabilité séparée, la décision préfectorale contestée du 19 août 2016 faisant reproche au gérant de ne pas avoir séparé comptablement son activité de formations et son activité de prestation de service informatique.
8. Aux termes de l'article L. 6362-5 du code du travail : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 : 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle ; 2° De justifier le bien-fondé de ces dépenses et leur rattachement à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales et réglementaires régissant ces activités. A défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses ou les emplois de fonds considérés, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10. " et aux termes de l'article L. 6352-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les organismes de formation à activités multiples suivent d'une façon distincte en comptabilité l'activité exercée au titre de la formation professionnelle continue. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la SARL Dynamique Formations, qui exerçait en outre une activité de prestataire informatique et commercial, n'a pas mis en place de comptabilité distincte pour son activité de formation professionnelle, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 6352-7 du code du travail, rappelées au point précédent. Elle a présenté des produits d'exploitation, inscrits au compte 706 " travaux et prestations de services " d'un montant total de 103 634,88 euros et des charges pour un montant de 112 011,58 euros sans distinguer celles relatives aux activités de formation professionnelle et celles relatives à ses autres activités. Au vu des factures présentées et des informations obtenues par le service auprès des organismes de financement, l'administration a établi le total des produits de formation professionnelle justifiés à 82 757,40 euros et le total des produits hors activité de formation à 11 951,98 euros. Il est constant que la société n'a pas été en mesure de justifier des produits inscrits pour un montant de 8 925,50 euros, soit 8,61 % de son chiffre d'affaires. L'administration a pu ainsi, sur le fondement des dispositions précitées et sans erreur d'appréciation, rejeter comme ne se rattachant pas à la formation professionnelle, 8,61 % des dépenses déclarées par la société, soit la somme de 9 644,20 euros. En se bornant seulement à soutenir, en appel comme en première instance, qu'il ignorait l'obligation de présenter une comptabilité séparée, M. F... ne conteste pas utilement l'obligation de reversement litigieuse.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.
Le rapporteur
O. COIFFETLe président
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT02559 2