Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2020, M. E..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 septembre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 18 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de transmettre sa demande à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui délivrer, dans les huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté portant transfert est contraire aux stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait reçu les brochures en langue tigrigna dès le début de la procédure ;
- il n'est pas établi que cette décision soit intervenue conformément aux stipulations de l'article 5 du même règlement alors qu'aucune information ne lui a été donnée sur le statut de l'agent qui a mené cet entretien ;
- les stipulations de l'article 17 du règlement communautaire ont été méconnues dès lors que sa demande d'asile déposée en Suisse a été rejetée et qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire ce pays devenue définitive et contradictoire ; le risque de renvoi par ricochet en Erythrée est donc avéré ; il n'est d'ailleurs pas établi par le préfet que cette décision ne serait pas immédiatement exécutoire alors que dans le cadre de l'article 34 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il pouvait aisément obtenir de tels renseignements ; le comité contre la torture de l'ONU vient de condamner la Suisse pour le renvoi de ressortissants érythréens dans leur pays d'origine où la situation est délétère ; en outre il présente une vulnérabilité certaine compte tenu de l'hépatite dont il est atteint et pour laquelle il est suivi en France ; il ne pourra plus bénéficier de soins en Suisse dès lors qu'il sera en situation irrégulière ;
- l'illégalité de la décision de transfert entache d'illégalité la décision d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant érythréen, relève appel du jugement du 22 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités suisses :
2. En premier lieu, il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait contraire aux articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013, que M. E... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.
3. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
4. Si M. E... invoque les risques qu'il encourt, par ricochet, en cas de retour en Erythrée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait vu notifier une mesure d'éloignement forcée du territoire suisse à destination de son pays d'origine. Il ressort en tout état de cause d'un courriel du secrétariat d'Etat helvétique aux migrations du 4 janvier 2019 que les ressortissants érythréens dont la demande de protection internationale a été rejetée en Suisse ne se voient certes pas attribuer de titre de séjour, mais peuvent, de fait, séjourner dans ce pays où ils reçoivent une " aide d'urgence " et ne sont pas éloignés à destination de l'Erythrée. A cet égard, il est constant que M. E..., dont plusieurs membres de la famille auraient, selon ses propres allégations, obtenu la protection internationale ou subsidiaire en Suisse, a été transféré en Suisse le 30 janvier 2020 en exécution d'un arrêté du 23 octobre 2019 sans être éloigné vers son pays d'origine. Dans ces conditions et en l'absence de preuve de toute mesure d'éloignement prise à son encontre, ou de toute décision rejetant sa demande d'asile impliquant obligatoirement ce risque, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les dispositions de l'article 34 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en omettant de vérifier s'il faisait l'objet d'une mesure d'éloignement définitive. Enfin, si l'intéressé produit les résultats d'une analyse de sang confirmant qu'il est atteint d'une hépatite B, il n'apporte aucun autre document médical attestant des soins qui lui sont prescrits en France et qui feraient obstacle à son transfert vers la Suisse. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités suisses, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
5. La décision de transfert aux autorités suisses n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par M. E..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
7. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. E... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2021
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03634