Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2017, Mme C... B...représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans du 10 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 14 avril 2017 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a décidé sa remise aux autorités italiennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 26.2 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 du même règlement ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 dudit règlement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2017 et 6 avril 2018, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 1er septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante gabonaise, a déposé le 15 novembre 2016 une demande d'asile en préfecture. Le relevé décadactylaire a fait apparaître que ses empreintes avaient déjà été précédemment enregistrées en Italie. Le 7 mars 2017, les autorités italiennes ont par un accord implicite accepté de la reprendre en charge en tant qu'Etat responsable de sa demande d'asile. Par un arrêté du 14 avril 2017, le préfet d'Indre-et-Loire a ordonné la remise de l'intéressée aux autorités italiennes. Mme B...relève appel du jugement du 10 mai 2017 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, qu'aux termes de l'article 26 du règlement susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale (...). 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...a, le 14 avril 2017, par sa signature, accusé réception de l'arrêté contesté du même jour. Cette notification était accompagnée d'un courrier mentionnant, en français, langue que l'intéressée a déclaré comprendre, l'adresse du service italien de l'immigration à Rome en vue d'y déposer sa demande d'asile. La décision elle-même fait mention des délais d'exécution de la mesure. Par suite, le moyen tiré du non-respect des dispositions de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 manque en fait.
4. En deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
5. D'une part, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont elle a bénéficié n'a pas privé Mme B...de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles alors qu'il n'est pas contesté qu'elle maîtrise la langue française. D'autre part, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté. La requérante ne saurait enfin utilement invoquer au soutien de son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux seules décisions administratives.
6. En troisième et dernier lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable " et qu'aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue à l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 et se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer la réadmission de Mme B...vers l'Italie. La requérante n'établit par ailleurs pas que son état de grossesse ferait obstacle à son transfert. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance qu'elle maîtrise la langue française, le moyen à le supposer soulevé tiré de ce que la décision portant remise aux autorités italiennes serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
9. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02955