2°) d'annuler l'arrêté du 9 mai 2018 par lequel le préfet du Calvados a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de transfert est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnait l'article 5 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas établi que l'agent qui a conduit l'entretien individuel n'était pas qualifié à cet effet ;
- la décision de transfert méconnait les articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'est pas assuré de voir sa procédure d'asile et ses conditions d'accueil traitées comme attendu par le droit en Italie ;
- de nombreux rapports internationaux soulignent les difficultés que rencontre l'Italie dans l'accueil des demandeurs d'asile ;
- en cas de renvoi en Italie, il craint un renvoi vers le Soudan ;
- compte tenu de ces éléments, la décision de transfert est entachée d'une erreur de droit dans l'application du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 aout 2018.
Vu les informations produites par le préfet relatives à la prolongation du délai de transfert de l'intéressé pour cause de fuite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
-et les observations de Me E..., substituant Me D..., avocate de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant soudanais, est entré en France le 9 octobre 2017 de manière irrégulière selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture du Val d'Oise le 19 octobre 2017. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé était identifié en catégorie 2, pour entrée irrégulière par la frontière extérieure depuis moins de douze mois en Italie. Les autorités italiennes ont été saisies le 12 décembre 2017 d'une demande de prise en charge sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013. Un accord implicite est né le 13 février 2018. Le préfet du Calvados a alors décidé de transférer M. C... aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence par deux arrêtés du 9 mai 2018. Par sa présente requête, M. C... relève appel du jugement du 14 mai 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 9 mai 2018.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, la décision portant remise de M. C... aux autorités italiennes énonce, de manière suffisamment circonstanciée, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle fait notamment état de la situation personnelle du requérant en relevant que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable puisqu'il déclare être célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Italie. Elle est par suite suffisamment motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
4. Aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, le préfet du Val d'Oise était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. C... et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande. Par suite, les services de la préfecture du Val d'Oise, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile mis en place dans cette préfecture, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été reçu en entretien par un agent de la préfecture du Val d'Oise le 19 octobre 2017. Le procès-verbal d'entretien, sur lequel est apposé le cachet de la préfecture du Val d'Oise, mentionne que l'entretien a été mené par un agent de la préfecture, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet du Calvados méconnaîtrait les dispositions sus rappelées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'aucune des mentions du compte-rendu d'entretien individuel réalisé au sein de la préfecture du Val d'Oise, par un agent de ladite préfecture, ne permettrait de s'assurer que cet entretien aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national n'est pas fondé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. Si M. C... soutient que l'Italie rencontrerait actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile, il n'établit pas que ces circonstances, à les supposer avérées, exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitées par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et notamment sans une évaluation, sous l'angle de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des risques encourus. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les extraits de différents rapports internationaux produits ne sont pas de nature à établir les risques personnels allégués. Les affirmations du requérant selon lesquelles il risquerait un renvoi vers le Soudan en cas de retour en Italie ne reposent sur aucun élément probant. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en cause méconnaitrait les articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Calvados a envisagé la possibilité, prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, d'examiner la demande d'asile de l'intéressé, relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à sa situation personnelle. Il résulte de ce qui précède que la situation du requérant ne relève pas de la dérogation prévue par ce même article. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en cause serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le refus de mettre en oeuvre les dispositions de cet article.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 14 mai 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 9 mai 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais de procédure.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 18NT03562