- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- et les observations de Me A..., substituant Me D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 1er janvier 1993 à Nyala au Soudan, pays dont il a la nationalité, et entré irrégulièrement en France le 28 août 2017, a sollicité le 19 octobre 2017 son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. La consultation du ficher Eurodac a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées en Italie le 16 août 2017, en tant qu'étranger ayant franchi irrégulièrement une frontière extérieure. Le 3 novembre 2017, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de prise en charge de M. B.... Elles ont implicitement accepté leur responsabilité dans le traitement de sa demande d'asile et un constat de cet accord leur a été transmis le 12 janvier 2018. Par un arrêté du 31 janvier 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé du transfert de M. B... à destination de l'Italie.
2. M. B... relève appel du jugement du 7 février 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2018.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".
4. Si un Etat membre de l'Union européenne appliquant le règlement dit " Dublin III " est présumé respecter ses obligations découlant de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, cette présomption peut être renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans cet Etat membre, l'empêchant de prendre en charge le demandeur d'asile sans lui faire courir le risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date d'édiction de la décision litigieuse et eu égard aux éléments produits devant lui et se rapportant à la procédure d'asile appliquée dans l'Etat membre initialement désigné comme responsable au sens de ces dispositions, il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise aux autorités de ce même Etat membre du demandeur d'asile, ce dernier n'aurait pu bénéficier d'un examen effectif de sa demande d'asile, notamment en raison d'un refus opposé à tout enregistrement des demandes d'asile ou d'une incapacité structurelle à mettre en oeuvre les règles afférentes à la procédure d'asile, ou si la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile dans ce même Etat était telle qu'un renvoi à destination de ce pays aurait exposé l'intéressé, de ce seul fait, à un risque de traitement prohibé par les dispositions et stipulations précitées.
5. Si M. B... fait état, d'une part, à l'encontre de la décision du 31 janvier 2018 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné son transfert aux autorités italiennes, de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés notamment de l'enregistrement de 100 000 demandes d'asile en Italie au 1er septembre 2017 après l'arrivée de plus de 180 000 migrants en 2016, il n'établit toutefois pas que ces circonstances exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, le rapport de l'OSAR d'août 2016, relatif aux conditions d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile et des personnes ayant le statut de réfugié qui illustre, à la date à laquelle il a été établi, les grandes difficultés auxquelles était confrontée l'Italie, notamment dans le sud, compte tenu de l'afflux très important de migrants et des pressions dont ce pays fait l'objet, ne permet toutefois pas de conclure à l'existence en Italie, pour les demandeurs d'asile, d'une situation générale correspondant à celle prévue par le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui affecterait la légalité de l'arrêté litigieux intervenu le 31 janvier 2018. Enfin, alors même qu'un protocole d'accord a été signé entre l'Italie et le Soudan en août 2016, relatif à la gestion des migrants, il est constant, ainsi que le précise au demeurant le rapport d'Amnesty International pour 2016 versé aux débats, qu'il n'est pas applicable aux demandeurs d'asile en Italie. Sa seule signature ne saurait, par suite, par elle-même, permettre d'établir que les demandes d'asile déposées en Italie par des ressortissants soudanais ne seraient pas examinées dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En tout état de cause, en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il incombe aux autorités italiennes d'instruire la demande d'asile de M. B... avant toute mesure éventuelle d'éloignement de celui-ci si cette demande venait à être rejetée. Il ne résulte pas nécessairement davantage un risque avéré de renvoi vers le Soudan, en raison notamment de ce que M. B... n'aurait pas déposé de demande d'asile en Italie avant de se rendre en France, dès lors que l'intéressé sera, en principe, considéré comme demandeur d'asile dans le cadre de la procédure de transfert. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, l'arrêté contesté du 31 janvier 2018 aurait été pris en méconnaissance de l'article 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des stipulations de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ne peut également qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-rapporteur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur
O. COIFFETLe président
H. LENOIR
La greffière
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02117 5
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