Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 30 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du 21 novembre 2018 DU préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant remise aux autorités suédoise :
- la décision contestée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet aurait dû faire application de la clause de souveraineté prévue par l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant remise aux autorités suédoises ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire complémentaire, enregistré le 5 juin 2019, le préfet du Calvados informe la cour de ce que la demande d'asile de M. C... a été prise en charge par la France le 21 janvier 2019.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 28 juillet 2018 et a sollicité l'asile auprès de la préfecture de police de Paris le 8 aout 2018. A l'occasion de l'enregistrement de sa demande, la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que ses empreintes avaient été enregistrées en Suède le 4 novembre 2015 en " catégorie l ". Saisies le 14 août 2018 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités suédoises ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 23 aout 2018. Par les décisions du 21 novembre 2018 contestées, le préfet du Calvados a prononcé la remise de l'intéressé aux autorités suédoises et l'a assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de ces décisions, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant remise aux autorités suédoises :
2. Il ressort des éléments produits par le préfet du Calvados que ce denier a procédé à l'enregistrement en procédure normale de la demande d'asile de M. B... le 21 janvier 2019. Par suite, la France est devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision 21 novembre 2018 portant remise aux autorités suédoises.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
3. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation par exception d'illégalité de l'arrêté de transfert en cause.
4. En premier lieu, l'arrêté de transfert contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et procède à un examen complet de la situation particulière de l'intéressé.
5. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. "
6. La faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Si M. B... soutient qu'il a sollicité une demande de protection internationale en Suède qui lui a été refusée et qu'il s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire suédois, qu'il encourt un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants compte tenu de la situation en Afghanistan, ces circonstances, à les supposer avérées, sont sans incidence sur la légalité de la décision de réadmission contestée, qui n'implique, par elle-même, aucune reconduite du requérant vers son pays d'origine. Aucun élément ne permet d'affirmer que l'intéressé aurait épuisé les voies de recours contre l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet ou qu'un retour forcé vers l'Afghanistan pourrait être effectivement mis en oeuvre par les autorités suédoises dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, alors qu'aucune défaillance systémique dans la mise en oeuvre des procédures d'asile n'a été relevée à l'encontre de la Suède. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de transfert serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 doit être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence du 21 novembre 2018, par exception d'illégalité de l'arrêté de transfert du même jour, doivent être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt, qui conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert en cause et rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 21 novembre 2018 par laquelle le préfet du Calvados a décidé la remise de l'intéressé aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. A... Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT04562 5