Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Caen du 19 juillet 2018 ;
2°) d'annuler les décisions du 17 juillet 2018 par lesquelles le préfet du Calvados a prononcé sa remise aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de transfert contestée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation en ce qu'elle fait référence au paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 qui correspond à un cas de franchissement irrégulier des frontières italiennes et non à un cas de demande d'asile en Italie ;
- la décision de transfert méconnait les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'UE dès lors que le système italien d'accueil des demandeurs d'asile présente des défaillances systémiques ;
- il existe un risque réel et avéré qu'il subisse des traitements inhumains ou dégradants en Italie ;
- la décision de transfert méconnait les dispositions de l'article 10 du règlement n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, en ce que le préfet devait attendre la confirmation sollicitée " par écrit " des autorités italiennes avant de prendre une décision de remise exécutoire à son encontre ;
- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de la clause dérogatoire prévue par le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2018.
Vu :
- les éléments d'information produits par le préfet du Calvados le 1er février 2019 relatifs à la prolongation des délais de transfert de M. B... pour cause de fuite.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant nigérian, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 31 janvier 2018 et a sollicité l'asile auprès de la préfecture du Calvados le 5 avril 2018. A l'occasion de l'enregistrement de sa demande, la consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait demandé l'asile en Italie le 26 avril 2017. Saisies le 6 avril 2018 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 22 avril 2018. Par les décisions du 17 juillet 2018 contestées, le préfet du Calvados a prononcé la remise de l'intéressé aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département du Calvados pour une durée de quarante-cinq jours. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de ces décisions, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté de transfert contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et procède à un examen particulier de la situation de M. B.... La circonstance que cet arrêté fasse référence au paragraphe 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, alors que l'Italie a accepté sa responsabilité par un accord implicite sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du même règlement, n'est pas de nature à induire un défaut de motivation de l'arrêté en cause dès lors que la demande de transfert mentionne également le b) du paragraphe 1 de l'article 18 de ce règlement et que la situation de M. B... relevait cumulativement des dispositions de paragraphe 1 de l'article 13 et du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (CE) n°1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003, modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 : " 1. Lorsque, en vertu de l'article 18, paragraphe 7, ou de l'article 20, paragraphe 1, point c), du règlement (CE) n° 34312003, selon le cas, l'Etat membre requis est réputé avoir acquiescé à une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, il incombe à l'Etat membre requérant d'engager les concertations nécessaires à l'organisation du transfert. 2. Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse. L'Etat membre responsable est tenu de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires pour déterminer le lieu d'arrivée du demandeur et, le cas échéant, convenir avec l'Etat membre requérant de l'heure d'arrivée et des modalités de la remise du demandeur aux autorités compétentes. "
4. La circonstance invoquée par le requérant de l'absence de réponse écrite des autorités italiennes à la demande fondée sur le paragraphe 2 de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003, qui relève des conditions d'exécution de la décision de transfert vers l'Etat membre responsable de la demande d'asile de l'étranger, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en cause.
5. En troisième lieu, si M. B... soutient que l'Italie rencontrerait actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile, il n'établit pas que ces circonstances, à les supposer avérées, exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitées par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en cause méconnait les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".
7. Le préfet du Calvados, qui a visé les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, a indiqué que la situation de M. B... ne relevait pas des dérogations prévues par cet article du règlement et qu'il n'établissait pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. En se bornant à soutenir qu'il serait " intrinsèquement vulnérable " du fait de son statut de demandeur d'asile, le requérant ne fait valoir aucune circonstance particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. A... Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT04589 2