Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 6 juin 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 24 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour sous quarante-huit heures heures ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues dès lors que l'ensemble des signatures n'apparaît pas sur la copie du jugement qu'elle a reçue ;
- les décisions contestées ont été prises par une autorité incompétente ;
- l'arrêté portant transfert est contraire aux stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 5 du même règlement ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 17 de ce règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier et notamment celles transmises le 23 septembre 2019 par le préfet de Maine-et-Loire attestant que Mme D... est en fuite.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé sa remise aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La minute du jugement attaqué a été signée par le magistrat désigné et le greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, pour ce motif, doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes du I de l'article 45 du décret visé ci-dessus du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " (...) En cas de vacance momentanée du poste de préfet, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture (...) ". Les arrêtés contestés ont été signés " Pour la secrétaire générale de la préfecture, chargée de l'administration de l'Etat dans le département de Maine-et-Loire, et par délégation, la directrice de l'immigration et des relations avec les usagers ". Il ressort des pièces du dossier, que par un arrêté du 9 mai 2019 mentionnant l'absence d'installation du préfet de Maine-et-Loire nouvellement nommé, la secrétaire générale de la préfecture a donné délégation à Mme E... A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers, pour signer " dans le cadre de ses fonctions à l'exception des circulaires aux maires et des correspondances avec les ministres, les parlementaires, le président du conseil régional, les conseillers régionaux, le président du conseil départemental, les conseillers départementaux, les chefs de services régionaux : (...) j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transferts, assignations à résidence) ". Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses auraient été signées par une autorité incompétente.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. (...). ". Il ressort des pièces du dossier que Mme D... s'est vue remettre, le 15 mars 2019, le jour du dépôt de sa demande d'asile à la préfecture de Maine-et-Loire, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ". Ces documents remis en langue française, lui ont été traduits oralement par un interprète en langue soussou, que l'intéressée a déclaré comprendre. La requérante a ainsi bénéficié d'une information complète sur l'application du règlement du 26 juin 2013. Si Mme D... soutient que ces brochures lui ont été remises alors que ses empreintes digitales avaient déjà été prises, de sorte qu'elle n'a pu refuser de s'y soumettre, cette circonstance n'est pas de nature à établir une méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Il ressort des pièces du dossier, que l'entretien individuel dont a bénéficié Mme D... a été conduit par un agent qualifié de la préfecture de Maine-et-Loire, lequel a signé le compte rendu de cet entretien en y apposant son cachet attestant tant de son identité que de ses qualités. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté portant transfert aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Si Mme D... fait état de l'afflux de demandeurs d'asile en Espagne, elle n'établit pas que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme D..., qui est née le 28 août 1997, soutient par ailleurs, avoir quitté son pays en raison d'une mutilation des organes génitaux à l'âge de 20 ans, préalable à un mariage forcé. Elle se prévaut du certificat du centre de planification d'Angers du centre hospitalier universitaire de cette ville, en date du 27 mai 2019, confirmant son excision sans toutefois en établir la date. Cette circonstance, ne suffit toutefois pas à établir, que son état nécessiterait un suivi médicamenteux, autre que la prise d'antalgiques, au demeurant disponible en Espagne, ou que les nouveaux examens gynécologiques qu'elle devrait subir dans ce pays seraient constitutifs, pour elle, d'une atteinte telle que le préfet de Maine-et-Loire aurait dû déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
8. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme D... et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03025