Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 mars 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel la préfète d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ;
3°) d'enjoindre à la préfète d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à demander l'asile en France et lui délivrer une attestation en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de transfert méconnaît l'article 5 de la directive n°2013/33/UE du 26 juin 2013 dès lors que la remise des brochures A et B ne remplace pas la remise du guide du demandeur d'asile qui aurait dû être délivré en application de ces dispositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- M. B... a été transféré en Italie le 5 mars 2019 et que l'arrêté du 13 décembre 2018 a reçu exécution durant sa période de validité de six mois ;
- aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant de nationalité tchadienne, est selon ses déclarations entré en France le 13 décembre 2017. Suite à un premier transfert vers l'Italie le 3 octobre 2018 dans le cadre d'une demande d'asile effectuée auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, il s'est de nouveau présenté à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 13 novembre 2018 aux fins de déposer une demande d'asile. En application du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013, les empreintes digitales de l'intéressé ont été relevées et transmises à l'unité centrale " Eurodac ". Il est alors apparu que l'intéressé avait franchi irrégulièrement la frontière italienne dans la période précédant les douze mois du dépôt de sa première demande d'asile. Les autorités italiennes, saisies le 16 novembre 2018 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 1er décembre 2018. Par un arrêté du 13 décembre 2018, la préfète d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de M. B... aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de cette décision, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 5 de la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres informent, au minimum, les demandeurs, dans un délai raisonnable n'excédant pas quinze jours après l'introduction de leur demande de protection internationale, des avantages dont ils peuvent bénéficier et des obligations qu'ils doivent respecter eu égard aux conditions d'accueil. / Les Etats membres garantissent que des informations sont fournies aux demandeurs sur les organisations ou les groupes de personnes qui assurent une assistance juridique spécifique et sur les organisations susceptibles de les aider ou de les informer en ce qui concerne les conditions d'accueil dont ils peuvent bénéficier, y compris les soins médicaux. / 2. Les Etats-membres font en sorte que les informations prévues au paragraphe 1 soient fournies par écrit et dans une langue comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Le cas échéant ces informations peuvent également être fournies oralement. ". Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 : " Droit à l'information - 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n°603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. "
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, ayant transposé en droit interne l'article 5 de la directive n° 2013/33/UE précité, par l'intervention du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " (...) Il est remis au demandeur d'asile l'imprimé mentionné à l'article R. 723-1 lui permettant d'introduire sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides selon la procédure prévue au même article. Il lui est également remis un document d'information sur la procédure de demande d'asile, sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter au cours de la procédure, sur les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et sur les moyens dont il dispose pour l'aider à introduire sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce document l'informe également sur ses droits et sur les obligations au regard des conditions d'accueil, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance aux demandeurs d'asile. Cette information se fait dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend. (...) "
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est notamment vu remettre, en application de l'article 4 du règlement n°604/2013 du règlement (UE) n°604/2013 cité, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et la brochure B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". La brochure A comporte un chapitre dénommé " Quels sont mes droits en attendant qu'on détermine le pays responsable de ma demande d'asile ' " ainsi qu'une annexe indiquant les coordonnées des organisations fournissant une aide juridictionnelle ou un soutien aux réfugiés. Les brochures A et B informent l'étranger des modalités d'instruction de sa demande d'asile selon la procédure " Dublin " conduisant à la détermination de l'Etat responsable de sa demande, sur ses droits à bénéficier, dans cette attente, de conditions d'accueil matérielles, par exemple au titre de l'hébergement et de la nourriture ainsi que des soins médicaux de base et d'une aide médicale d'urgence. Compte tenu de la communication de ces informations, conformes aux exigences précitées, et eu égard à la latitude laissée aux Etats-membres par les dispositions de la directive n°2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée, au regard des obligations ainsi prévues, d'un vice de procédure de nature à entraîner son irrégularité faute de délivrance du guide du demandeur d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. A... Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT01149 2