Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, Mme B..., représentée par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 octobre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée, qui ne mentionne ni le rejet de sa demande d'asile en Allemagne, ni l'obligation de quitter ce territoire, et qui n'indique pas sur quel fondement l'Allemagne a été désignée comme Etat responsable, est insuffisamment motivée ;
- le préfet, qui n'a pas pris en compte sa vulnérabilité en tant que femme isolée victimes de violences, n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors qu'elle a reçu les informations mentionnées par ce texte à l'issue de son entretien ;
- les stipulations de l'article 13 du règlement général sur la protection des données n° 2016/679 du 27 avril 2016 ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- la décision contestée est en contradiction avec les mesures sanitaires destinées à lutter contre le coronavirus ;
- cette décision est contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 17 du règlement du 26 juin 2013 ; elle encourt des risques en cas de renvoi par ricochet vers le Soudan compte tenu de sa religion ; la mesure d'éloignement prise par les autorités allemandes, qui de surcroît considèrent qu'elle est de nationalité éthiopienne, est exécutoire et définitive ; elle justifie de la mise en place d'un suivi auprès des médecins de la PASS ;
- le préfet n'a pas fait usage de l'article 34 du règlement du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du 15 mars 2021 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire indique que Mme B... a été transférée vers l'Allemagne le 5 mars 2021.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement général sur la protection des données n° 2016/679 du 27 avril 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Me Neraudau, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante érythréenne, relève appel du jugement du 14 octobre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens invoqués par Mme B..., tirés du défaut de motivation de la décision contestée, du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale par le préfet et de la méconnaissance des stipulations des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013, que l'intéressée réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
6. Mme B... fait valoir que sa demande d'asile présentée en Allemagne a été rejetée par les autorités de ce pays et qu'en conséquence elle risque d'être reconduite vers l'Erythrée, le Soudan ou même l'Ethiopie. Le document rédigé en allemand, librement traduit, dont elle se prévaut, indiquant qu'elle doit quitter le territoire allemand à la date du 10 juillet 2020, ne suffit toutefois pas à établir que cette décision présenterait un caractère définitif et qu'en cas de transfert en Allemagne elle serait immédiatement éloignée vers l'un de ces trois pays sans réexamen de sa demande d'asile et des éléments nouveaux qu'elle serait susceptible de faire valoir, alors que l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
8. Si Mme B... soutient qu'elle souffre de déficiences cardiaque et auditive depuis 2015, elle se borne à produire une convocation à un rendez-vous prévu le 17 novembre 2020 au centre hospitalier universitaire de Nantes. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités allemandes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Pour les même motifs, l'intéressée n'établit pas davantage que le préfet aurait, en tout état de cause, méconnu les stipulations de l'article 34 du règlement du 26 juin 2013, qui ouvrent aux Etats membres la faculté de se communiquer mutuellement des informations relatives aux demandeurs de protection internationale. Par suite ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
9. En quatrième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, la circonstance que Mme B... n'aurait pas reçu l'information prévue par ces dispositions avant le relevé de ses empreintes est sans incidence sur la légalité de la décision portant transfert auprès des autorités allemandes. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.
10. En dernier lieu, les considérations relatives au contexte de pandémie du fait du virus de la Covid-19 sont, contrairement à ce que soutient Mme B..., sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant en tout état de cause, selon les cas, d'un délai de six à dix-huit mois pour ce faire. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision contestée serait contraire aux mesures sanitaires destinées à lutter contre cette pandémie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
12. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03953