Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 octobre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée, qui ne mentionne pas l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013, précise à tort qu'elle n'aurait pas quitté les Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois et ne fait pas état des risques qu'elle encourt en cas de renvoi en Suède, est insuffisamment motivée ;
- le préfet, qui n'a pas pris en compte sa vulnérabilité en tant que femme isolée victimes de violences, n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;
- les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors qu'elle a reçu les informations mentionnées par ce texte à l'issue de son entretien ;
- les stipulations de l'article 13 du règlement général sur la protection des données n° 2016/679 du 27 avril 2016 ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- la décision contestée est en contradiction avec les mesures sanitaires destinées à lutter contre le coronavirus ;
- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013 dès lors qu'elle a quitté le territoire des Etats-membres pendant une période d'au moins trois mois et qu'en estimant que la Suède est responsable de l'examen de sa demande d'asile le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- cette décision est contraire aux articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 17 du règlement du 26 juin 2013 ; elle encourt des risques en cas de renvoi par ricochet vers l'Ethiopie pays dont elle n'a pas la nationalité et dans lequel elle a été victime de traitements inhumains et dégradants ; elle présente une grande fragilité psychologique en raison des persécutions et violences subies ; les autorités suédoises lui ont signifié qu'elle devait quitter la Suède ;
- le préfet n'a pas fait usage de l'article 34 du règlement du 26 juin 2013.
Par des mémoires, enregistrés les 15 février et 15 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il indique que Mme A... doit être regardée comme étant en fuite de sorte que la validité de l'arrêté de transfert est prorogé jusqu'au 15 avril 2022. Il soutient en outre que les moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Me Neraudau, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante érythréenne, relève appel du jugement du 15 octobre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suédoises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités suédoises :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens invoqués par Mme A..., tirés du défaut de motivation de la décision contestée, du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale par le préfet, de la méconnaissance des stipulations des articles 4, 5, et 13 du règlement du 26 juin 2013 et des dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que l'intéressée réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
6. Mme A... indique que ses demandes d'asile déposées en 2014 et 2016 en Suède ont été rejetées et que ces décisions sont définitives depuis le 20 juin 2019. Elle se prévaut toutefois d'un document rédigé en langue anglaise délivré par les autorités suédoises visant une ressortissante éthiopienne née le 28 juin 1976 alors qu'elle-même a indiqué à plusieurs reprises, et notamment lors de son entretien individuel, être née le 19 janvier 1983 et être de nationalité érythréenne. En outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'elle ne serait pas en mesure de faire valoir en Suède tout élément nouveau concernant sa demande d'asile avant d'être éloignée vers son pays d'origine ou même l'Ethiopie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
8. Si Mme A... soutient qu'elle souffre de migraines chroniques, elle se borne à produire un certificat médical suisse du 27 mars 2020 ainsi qu'une ordonnance du 27 novembre 2020 ne faisant pas état de l'impossibilité de se rendre en Suède. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités suédoises, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Pour les même motifs, l'intéressée n'établit pas davantage que le préfet aurait, en tout état de cause, méconnu les stipulations de l'article 34 du règlement du 26 juin 2013, qui ouvrent aux Etats membres la faculté de se communiquer mutuellement des informations relatives aux demandeurs de protection internationale. Par suite ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013 : " (...) 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de l'entretien qui s'est déroulé le 19 août 2020 à la préfecture de la Loire-Atlantique, que Mme A... a déclaré avoir quitté son pays d'origine le 5 mars 2001, et ne l'avoir jamais rejoint ni volontairement, ni involontairement, depuis. Par suite, la demande d'asile présentée en France par l'intéressée ne peut être analysée comme une nouvelle demande de protection internationale au sens des dispositions de l'article 19 du règlement du 26 juin 2013. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors qu'être écarté.
10. En dernier lieu, les considérations relatives au contexte de pandémie du fait du virus de la Covid-19 sont, contrairement à ce que soutient Mme A..., sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté mais relèvent de son exécution, le préfet disposant en tout état de cause, selon les cas, d'un délai de six à dix-huit mois pour ce faire. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision contestée serait contraire aux mesures sanitaires destinées à lutter contre cette pandémie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
12. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03954