Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 septembre 2018 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du 17 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la préfète d'Indre-et-Loire de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi qu'elle a bénéficié d'un entretien individuel ainsi que le prévoit l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- la préfète n'apporte pas la preuve que les autorités portugaises ont été saisies le 28 mai 2018 et ont donné leur accord le lendemain, de sorte qu'il est impossible de vérifier que les dispositions de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013 ont été respectées ; sa demande d'asile déposée au Portugal a été rejetée ;
- l'arrêté de transfert est contraire aux dispositions de l'article 17 du même règlement et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de son état de santé ;
- cet arrêté est contraire aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle ne peut être transférée au Congo ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où son état de santé ne lui permet pas d'aller pointer au commissariat de Tours les lundis, mardis et mercredis ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté de transfert.
Par un courrier du 5 avril 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions de la requête étaient devenues sans objet dans la mesure où il ne ressortait pas des pièces du dossier que le délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 aurait été prolongé dans les conditions prévues au 2 du même article, ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier et notamment celles transmises par la préfète d'Indre-et-Loire le 28 juin 2019 en réponse au courrier du 5 avril 2019 attestant que Mme C... a été déclarée en fuite de sorte que la validité de la décision de transfert est prolongée jusqu'au 25 mars 2020.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo), relève appel du jugement du 25 septembre 2018 par lequel la magistrate désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a décidé sa remise aux autorités portugaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence et l'astreignant à se présenter les lundis, mardis et mercredis au commissariat de Tours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités portugaises :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " .
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a signé le résumé de l'entretien individuel qui s'est tenu en préfecture du Loiret le 29 mars 2018 en langue française qu'elle a déclaré comprendre. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié de l'entretien prévu à l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013 susvisé : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit " ), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'Etat membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'Etat membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) "
5. Contrairement à ce que soutient Mme C..., et tel que cela ressort des pièces du dossier, la préfète d'Indre-et-Loire a effectivement saisi les autorités portugaises d'une demande de reprise en charge de l'intéressée le 28 mai 2018 suivant le modèle de formulaire prévu par les textes. Cette demande a été acceptée le lendemain par le Portugal, ainsi qu'en atteste la réponse établie au moyen du réseau Dublinet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013 manque en fait et ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable." . (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
7. Si la requérante soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour en République démocratique du Congo, la décision contestée n'a pas pour effet de la renvoyer dans son pays d'origine mais seulement d'organiser son transfert vers le Portugal. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
9. S'il n'est pas contesté que Mme C... souffre de déformations au niveau des pieds limitant ses déplacements, la requérante indique elle-même que ses problèmes orthopédiques auraient été occasionnés par des violences conjugales commises lorsqu'elle résidait en République démocratique du Congo. En outre, les certificats médicaux qu'elle produits ne permettent pas d'établir qu'elle serait dans l'impossibilité de voyager vers le Portugal, pays dans lequel elle a déjà présenté une demande d'asile le 1er juin 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait contraire aux stipulations de l'article 17 précité du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
10. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
11. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans, le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence contesté serait insuffisamment motivé.
12. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que la décision l'assignant à résidence et l'obligeant à pointer au commissariat de police de Tours les lundis, mardis et mercredis est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où son état de santé rend difficile ses déplacements, elle n'établit pas être dans l'impossibilité de se rendre à l'hôtel de police, situé non loin de sa résidence, soit par les transports en commun, soit par tout autre moyen alors que la préfète indiquait dans son mémoire en défense de première instance que l'association Emergence s'était engagée à l'accompagner en voiture jusqu'au commissariat pour aller pointer. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
13. En dernier lieu, la décision de remise aux autorités portugaises n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par Mme C..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
15. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03846