2°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement no 2101095 du 9 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés du 1er mars 2021, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine d'autoriser M. A... à solliciter l'asile en France dans le délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir et a mis la somme de 1000 euros à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mars 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. A....
Il soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné a estimé que l'arrêté contesté du 1er mars 2021 portant transfert de M. A... aux autorités italiennes avait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et était, en conséquence, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; tout d'abord , les relevés d'analyse biologique datés du 1er février 2021 ont été produits au cours de l'audience publique, soit postérieurement à l'instruction de sa demande ; ensuite, le tribunal s'est fondé à tort sur un certificat médical établi le 3 mars 2021, soit postérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté ; enfin, le tribunal ne pouvait sur la base des éléments versés aux débats retenir l'impossibilité de l'Italie d'offrir une prise en charge des maux dont souffre M. A... ;
- les autres moyens présentés en première instance ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant érythréen né le 30 mai 1993 à Molki, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 3 novembre 2020 et a sollicité l'asile auprès de la préfecture de l'Essonne le 20 novembre suivant. La consultation de son relevé décadactylaire dans le fichier " Eurodac " a révélé qu'il avait franchi la frontière italienne dans les douze mois précédant sa demande d'asile. Les autorités italiennes ont été saisies, le 24 novembre 2020, d'une demande de prise en charge de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elles ont implicitement accepté leur responsabilité dans le traitement de cette demande d'asile. Par deux arrêtés du 1er mars 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé le transfert de M. A... aux autorités italiennes ainsi que son assignation à résidence. Par un jugement du 9 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté portant transfert au motif qu'eu égard à l'état de santé, aux traitements médicaux initiés en France ainsi qu'à la particulière vulnérabilité de M. A..., le préfet avait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement précité et entaché cet arrêté du 1er mars 2021 d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation. Il a également annulé, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour assignant à résidence l'intéressé. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". La faculté laissée aux autorités françaises, par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement précité, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Il ressort des pièces versées au dossier, notamment des relevés d'analyse biologique de M. A... en date du 1er février 2021, que ce dernier est atteint de bilharziose, maladie parasitaire pour laquelle il a commencé à être traité par le centre du voyageur international et des maladies tropicales du Groupe hospitalier Bretagne Sud à Lorient. En outre, le certificat établi le 3 mars 2021 par le médecin coordinateur du centre des maladies tropicales du Groupe hospitalier Bretagne Sud, qui suit le patient depuis sa prise en charge médicale au cours du mois de janvier 2021 et a initié le traitement du requérant, indique explicitement que l'état de santé de M. A... " nécessite la poursuite des soins et des explorations médicales en cours pour ne pas risquer une aggravation de sa santé " et qu'un déplacement " pourrait entraîner une altération de cet état de santé ". Ces pièces qui décrivent précisément la pathologie dont souffre l'intéressé et les conséquences qui s'attacheraient à une interruption de la prise en charge qui avait déjà été engagée avant l'intervention de l'arrêté en cause, bien que produites à l'audience, pouvaient, contrairement à ce qui est soutenu par le préfet, être prises en compte pour apprécier, en tenant compte également des autres éléments du dossier, l'état de vulnérabilité de M. A.... En outre, M. A..., présente, selon le bilan médical effectué le 4 janvier 2021 par le Groupe hospitalier Bretagne Sud, une hypotrophie et un déficit de mobilité du bras gauche après avoir été frappé à coup de barres de fer en Lybie, où il a séjourné trois années, ainsi que des corps étrangers au niveau du mollet, liés à un impact de balle, ainsi qu'un psychotraumatisme. Il ressort de l'ensemble de ces pièces qu'en cas de transfert aux autorités italiennes, le suivi médical en cours dont l'intéressé bénéficie en France et que son état requiert serait interrompu, sans certitude quant à la possibilité de le poursuivre dans un délai raisonnable en Italie, pays qui au demeurant n'a accepté le transfert qu'implicitement, et que M. A... présentait ainsi une vulnérabilité particulière. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a, dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si l'Italie offrait ou non une prise en charge médicale des maux dont souffrait l'intéressé, commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'exercer la faculté que lui confèrent les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et en décidant de transférer M. A... aux autorités italiennes.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 1er mars 2021 portant transfert de M. A... aux autorités italiennes ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2022.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT00802 2