Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 novembre 2017, 23 janvier 2019 et 5 février 2019, Mme G..., représentée par MeH..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 septembre 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'enjoindre au maire de Servon-sur-Vilaine de lui accorder la protection fonctionnelle ;
3°) de mettre à la charge de la commune le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors que le tribunal administratif pourrait lui opposer l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la contestation de la décision du 13 octobre 2017 par laquelle le maire lui a refusé la protection fonctionnelle en exécution du jugement attaqué ;
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dans la mesure où la minute n'est pas signée ;
- la dégradation de ses conditions de travail dans un contexte de surcharge de travail témoigne d'une situation de harcèlement moral à son encontre.
Par des mémoires, enregistrés les 24 juillet 2018 et 30 janvier 2019, la commune de Servon-sur-Vilaine, représentée par Mes Martin et Santos Pires, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- les observations de Me D...substituant MeH..., représentant MmeG... et de MeB..., substituant Mes Martin et Santos Pires, représentant la commune de Servon-sur-Vilaine.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G...a été recrutée en qualité d'adjoint du patrimoine à temps non complet par la commune de Servon-sur-Vilaine en septembre 2003 pour y exercer les fonctions de responsable de la médiathèque. Le 7 août 2014, l'intéressée, qui estimait que ses conditions de travail s'étaient dégradées depuis la fin de l'année 2011 en raison d'une surcharge de travail accentuée par la préparation des temps d'accueil périscolaires et des agissements de la directrice générale des services, MmeE..., a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une délibération du 24 septembre 2014, le conseil municipal a rejeté sa demande. Mme G...en a été informée par un courrier du maire du 26 septembre 2014. Son recours gracieux dirigé contre cette décision a été rejeté par le maire le 27 janvier 2015. Par un jugement du 7 septembre 2017, le tribunal administratif de Rennes, saisi par MmeG..., a annulé la délibération du 24 septembre 2014 ainsi que les décisions du maire des 26 septembre 2014 et 27 janvier 2015 au motif que seul le maire était compétent pour accorder ou refuser la protection fonctionnelle à un agent de sa collectivité. Les premiers juges ont également mis la somme de 1 000 euros à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ont rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée. Mme G...relève appel du jugement dans cette dernière mesure et conclut, de nouveau en appel, à ce qu'il soit enjoint au maire de Servon-sur-Vilaine de lui accorder la protection fonctionnelle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué en date du 7 septembre 2017 comporte les signatures exigées par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur le bien fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'injonction :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".
4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.
6. Mme G...se plaint, en premier lieu, de la surcharge de travail de la médiathèque. S'il n'est pas contesté qu'en septembre 2011, les effectifs de ce service étaient insuffisants, il ressort des pièces du dossier que la commune en a tenu compte notamment en augmentant la quotité de travail des agents de la médiathèque. Selon l'attestation de M.C..., ancien adjoint à la culture, produite par Mme G...elle-même, à la suite d'une réunion qui s'est tenue le 31 mai 2012 avec la DGS notamment, il a été décidé d'augmenter le temps de travail de l'intéressée et de sa collègue. MmeG..., qui travaillait à raison de 20 heures par semaine au début de l'année 2012, a ainsi vu son temps de travail augmenter progressivement jusqu'à 28 heures par semaine. Sa collègue, Mme A...a également accepté d'accomplir 5 heures de plus par semaine. Ces décisions ont été prises, après concertation avec les agents concernés, par le conseil municipal dans le cadre de la mise en place des temps d'ateliers périscolaires, ainsi que le confirment les délibérations adoptées les 26 septembre 2013 et 18 juin 2014. Par ailleurs, la commune soutient, sans être contredite, que des heures supplémentaires ont été rémunérées à hauteur de 6 heures par semaine pour les agents de la médiathèque, qui bénéficiaient comme les autres agents concernés d'un temps supplémentaire de 2 heures pour préparer ces ateliers durant les vacances scolaires. Par suite, MmeG..., n'établit pas que cette surcharge de travail n'aurait pas été prise en compte par la commune.
7. Mme G...se plaint, en deuxième lieu, de l'attitude de sa supérieure hiérarchique, MmeE.... Toutefois, la circonstance qu'une réunion ait été organisée dès son retour de congés de maladie pour définir le nombre d'heures à répartir entre les agents de la médiathèque, dont elle était la responsable, révèle davantage une volonté de la collectivité de prendre en compte la surcharge du service qu'une intention de lui nuire. Par ailleurs, il incombait à MmeE..., en sa qualité de directrice générale des services, de respecter les contraintes budgétaires et d'assurer au mieux la gestion du personnel au regard des nouvelles obligations liées notamment à la gestion des rythmes scolaires. Si dans le cadre de ses attributions, elle a pu adresser des remarques qui ont pu paraître indélicates à MmeG..., il ne ressort pas des pièces du dossier que ces remarques aient dépassé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il était ainsi tout à fait normal qu'elle rappelle notamment à l'intéressée son devoir de réserve. La circonstance, qu'elle ait demandé à la remplaçante de Mme G...d'établir un état des lieux du service qu'elle dirigeait et qu'elle en ait évoqué avec elle les conclusions à son retour de congé de maladie, le 10 décembre 2013, ne peut davantage être regardée comme présentant un caractère vexatoire quand bien même ce rapport remettait en cause certaines de ses pratiques.
8. Mme G...dénonce, en dernier lieu, l'attitude de la commune pendant et après son arrêt de travail du 11 décembre 2013. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si la collectivité lui a demandé de signer certains documents relatifs au fonctionnement de la régie dont elle était responsable sur ses propres deniers, et a désigné un autre régisseur durant son absence, ces faits révèle une attitude responsable de la collectivité et ne présentent aucun caractère frustratoire.
9. Au vu de ce qui a été dit aux points 6, 7 et 8, et indépendamment de la souffrance psychologique qu'elle a pu ressentir, les faits évoqués par Mme G...ne peuvent, même pris dans leur ensemble, être regardés comme suffisants pour établir une présomption de harcèlement moral à son égard.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Servon-sur-Vilaine, que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Servon-sur-Vilaine de lui accorder la protection fonctionnelle, présentées de nouveau en appel, doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Servon-sur-Vilaine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme G... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme G... le versement à la commune de Servon-sur-Vilaine d'une somme au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Servon-sur-Vilaine tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G...et à la commune de Servon-sur-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03399