Par une requête enregistrée le 6 avril 2020 M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet du Finistère ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer, à titre principal, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons de santé dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi qu'un récépissé de dépôt dans l'attente de la décision à prendre, et subsidiairement, une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon les mêmes modalités ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.
Il soutient que :
- l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet du Finistère est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a été pris sur une procédure irrégulière, l'avis du collège des médecins de l'OFII ne comportant pas l'ensemble des mentions requises par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ; cet avis ne précise pas en effet la durée prévisible du traitement ;
- l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet du Finistère est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; contrairement à ce qu'a estimé l'administration et à supposer qu'il existe un traitement approprié à sa pathologie psychiatrique dans son pays d'origine, il ne pourra en bénéficier effectivement ; d'une part, parce que les possibilités de traitement ne sont pas accessibles à la généralité de la population eu égard à leur coût et à l'absence de mode de prise en charge adaptée, d'autre part, car il ne disposerait d'aucune ressource en Géorgie et enfin car il ne pourrait en bénéficier compte tenu des persécutions et violences dont il était victime dans son pays ;
- le préfet ne pouvait se fonder utilement sur le fait qu'il serait défavorablement connu des services de police alors qu'on ne saurait lui imputer des faits d'une particulière gravité ;
- il est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il vit depuis plus d'une dizaine d'années en France où sa famille et ses enfants résident et il souffre de graves problèmes de santé dont la prise en charge en Géorgie est plus qu'hypothétique ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il entretient des relations privilégiées avec ses enfants qui vivent avec leurs mères respectives ; le préfet ne pouvait utilement se fonder, pour lui refuser le titre sollicité, sur la circonstance, au demeurant inexacte, qu'il ne participerait pas également à l'entretien et à l'éducation de ses enfants.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant géorgien, né le 20 novembre 1977 à Tbilissi, est entré de manière irrégulière en France en 2005. Il a déposé un demande d'asile auprès des services de la préfecture de Paris sous le nom de E... B..., né le 20 novembre 1980, puis une seconde demande d'asile auprès du préfet de la Vendée. Le directeur de l'Office français pour les réfugiés et apatrides a, par des décisions des 7 juin 2005 et 28 juillet 2005, rejeté ses demandes d'asile. L'intéressé a fait l'objet d'une décision de refus de séjour du préfet de la Vendée du 2 août 2005 puis d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 27 septembre 2005. M. A... s'est marié le 6 avril 2007 avec une compatriote géorgienne bénéficiant d'une carte de résident d'une durée de dix ans. Par une décision du 23 novembre 2010, le préfet du Morbihan a refusé de lui accorder un titre de séjour en qualité de conjoint de réfugié. M. A... a obtenu un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade à deux reprises, valable jusqu'au 8 août 2014. Le 3 octobre 2017, M. A... a sollicité une nouvelle fois un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 18 novembre 2019, le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
2. M. A... a, le 13 décembre 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 6 mars 2020 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, ainsi que l'effectivité de l'accès à ce traitement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions rappelées ci-dessus, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. D'une part, par un avis rendu le 30 septembre 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la durée prévisible du traitement administré à M. A.... Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 18 novembre 2019 du préfet du Finistère est entaché d'une " erreur de droit " en ce qu'il aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. D'autre part, si M. A... soutient qu'il ne pourra bénéficier effectivement en Géorgie d'un traitement approprié à sa pathologie, il y a lieu de rappeler que dans son avis, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort au surplus des pièces versées au dossier, notamment d'un rapport du " medical country of origin information " daté de 2015, qu'aucun élément ne permet de remettre en cause, que les géorgiens ont accès dans leur pays à un suivi psychiatrique et à une prise en charge et que les diagnostics, médicaments et traitements nécessités pour des soins d'urgence et par des troubles psychiatriques qui relèvent du programme de santé de l'Etat géorgien sont gratuits. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il ne pourrait bénéficier des traitements que requiert son état de santé compte tenu des persécutions et violences dont il était victime dans son pays, il est constant que sa demande tendant au bénéfice de l'asile a, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, été rejetée à deux reprises par des décisions du 7 juin et 28 juillet 2005 du directeur de l'OFPRA et que l'intéressé n'a versé aux débats aucun élément permet d'étayer ses affirmations. Par suite, les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étant pas méconnues, M. A... n'est pas, et en tout état de cause, fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
7. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces versées au dossier que M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé et que le préfet du Finistère a examiné cette demande sur ce fondement. Par suite, M. A..., qui invoque l'existence de considérations humanitaires, ne saurait utilement soutenir qu'il réunissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Pour le surplus, M. A... se borne à reprendre devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que l'arrêté contesté du préfet du Finistère, qui a rappelé que l'intéressé était défavorablement connu des services de police, n'a pas été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette autorité n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 31 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président,
- M. D..., président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
Le rapporteur
O. D... Le président
O. GASPON
Le greffier
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT01224 2