Par une requête enregistrée le 7 février 2018, MmeC..., représentée par MeB..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire :
- de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ;
- d'annuler la décision implicite du président de la société Orange mentionnée ci-dessus ;
- d'enjoindre à la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne dans le corps de contrôleur de France Télécom au titre des années 2001 à 2008 et de la nommer dans le corps de contrôleur au 1er janvier 2001 ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la société Orange était tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes pour l'accès au corps de contrôleur au titre des années 2001 à 2008 ;
- elle est fondée à obtenir l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement de 2001 à 2004, puis de 2005 à 2008 pour sa nomination dans le corps de contrôleur, et, enfin, à être rétroactivement nommée dans le corps de contrôleur, dès 2001.
L'instruction a été close au 8 novembre 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Des mémoires ont été présentés pour la société Orange, enregistrés le 14 janvier et le 19 avril 2019, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 ;
- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
- le décret n° 2011-1671 du 29 novembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me A...représentant MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., fonctionnaire employée par France Télécom, devenue la société Orange, a été recrutée dans le corps des agents d'exploitation du service général de France Télécom le 13 juin 1978, puis promue dans le corps de contrôleur le 1er juillet 2008. Le 27 octobre 2015, elle a demandé au président de la société Orange de la nommer rétroactivement dans le corps de contrôleur à compter du 1er janvier 2001, après établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour les années 2001 à 2008. Par une décision implicite, le président de la société Orange a rejeté sa demande. Par sa présente requête, Mme C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce qui est allégué par la requérante, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu au moyen selon lequel la société Orange aurait été tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes pour l'accès de l'intéressée au corps de contrôleur au titre des années 2001 à 2008. Par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour n'avoir pas répondu à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de la société Orange d'établir à titre rétroactif des tableaux annuels d'avancement :
3. La demande de reconstitution de carrière présentée par Mme C...tend à sa nomination dans un corps d'un niveau supérieur, doté d'un grade unique, et non à une promotion de grade. Une telle demande ne pouvait en tout état de cause être satisfaite par le biais de l'établissement d'un tableau d'avancement, qui ne régit que les promotions au grade supérieur, et non les promotions dans un autre corps. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer, pour contester le refus de reconstitution de carrière qui lui a été opposé, l'illégalité du refus de la société Orange d'établir à titre rétroactif un tableau d'avancement, ce refus n'ayant aucune incidence sur sa situation.
En ce qui concerne le refus de la société Orange d'établir des listes d'aptitude à titre rétroactif pour la période comprise entre 2001 et 2004 :
4. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, ni la décision n° 266319 du 24 octobre 2005 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé le refus du président de France Télécom de faire droit à une demande tendant à assurer aux fonctionnaires reclassés un avancement propre à leur corps de reclassement, ni l'arrêt du 22 décembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que Mme C...avait été privée d'une chance sérieuse de promotion dans le corps de contrôleur et l'a indemnisée du préjudice en résultant, n'impliquaient que la société Orange procède rétroactivement à la reconstitution de la carrière de l'intéressée, par l'établissement rétroactif de listes d'aptitude pour la période précitée.
En ce qui concerne le refus de la société Orange d'établir des listes d'aptitude à titre rétroactif pour la période comprise entre 2005 et 2008 :
5. D'une part, aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1°) Examen professionnel 2°) Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ". En vertu de l'article 10 de la même loi : " En ce qui concerne les membres des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, des corps enseignants et des personnels de la recherche, des corps reconnus comme ayant un caractère technique, les statuts particuliers pris en la forme indiquée à l'article 8 ci-dessus peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat prévu à l'article 13 ci-après, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer, notamment pour l'accomplissement d'une obligation statutaire de mobilité. Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements (...) ". Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. ".
6. D'autre part, dans sa rédaction issue du décret modifié n° 72-503 du 23 juin 1972, le statut particulier du corps de contrôleur de France Télécom prévoyait, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1671 du 29 novembre 2011 ayant abrogé les dispositions de ce décret, l'établissement de listes d'aptitude pour l'accès des fonctionnaires " reclassés " à ce corps. Il n'est pas contesté qu'aucune liste d'aptitude n'a été établie au titre de l'année 2005, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, pour la promotion au choix dans le corps de contrôleur.
7. Même si la société Orange a choisi de privilégier la voie du concours interne, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer les dispositions du décret du 23 juin 1972 mentionnées au point qui précède, qui ne comportent aucune dérogation prévue à l'article 10 de la loi du 11 juillet 1984, jusqu'à leur abrogation par le décret du 29 novembre 2011. En s'en abstenant, la société Orange a commis une illégalité fautive. Toutefois, cette illégalité n'impose nullement, par elle-même, de réexaminer rétroactivement les possibilités de promotion interne dans le corps de contrôleur de la requérante par l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes de 2004 jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, dès lors que Mme C...a été indemnisée de l'entier préjudice professionnel et financier résultant du retard dans sa promotion dans le corps de contrôleur entre 2001 et 2008 par un arrêt définitif de la cour d'appel de Nantes du 22 décembre 2011 et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'intéressée ou régulariser sa situation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeC..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme C...au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2019, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00501