Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Traore, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2003699 du 25 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance contestée ne pouvait rejeter la requête comme tardive, le délai de recours contentieux n'ayant pas commencé à courir dès lors que, du fait d'une erreur des services postaux, la notification de la décision a été retournée en préfecture avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse " alors qu'il s'agit bien de son adresse habituelle ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas répondu à ses demandes de communication de motif dans le délai imparti d'un mois ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle est inscrite en Licence 2 et qu'elle remplit les conditions de ressources requises ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 21 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel de l'ordonnance du 25 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour rejeter la requête de Mme D... contre la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 octobre 2019 comme irrecevable du fait de sa tardiveté, le tribunal administratif de Montreuil a relevé que la décision contestée lui avait été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse qu'elle avait indiquée aux services de la préfecture à savoir chez Mme C... A... au 3 rue Adrien Huzan à Aubervilliers, que le courrier n'avait pas pu être délivré à l'intéressée car il avait été retourné à la préfecture le 28 octobre 2019 revêtu de la mention " destinataire inconnu à l'adresse ", que l'arrêté devait être réputé avoir été notifié à cette date et que la requête, introduite le 25 mars 2020, était dans ces conditions tardive.
3. Mme D... soutient que l'adresse de notification correspond à son adresse habituelle. Il ressort des pièces du dossier que le courrier a été notifié à l'adresse que Mme D... avait indiquée aux services de la préfecture et qui figure également sur sa carte de séjour expirant le 2 janvier 2019 dont elle demandait le renouvellement, sur le récépissé de demande de renouvellement qui lui a été délivré le 25 janvier 2019 ainsi que sur ses écritures de première instance et d'appel. Dans ces circonstances, Mme D... est fondée à soutenir que les voies et délais de recours ne pouvaient être regardés comme ayant valablement commencé à courir. Il s'ensuit que la demande devant le tribunal administratif de Montreuil n'était pas tardive et que ce dernier a entaché son ordonnance d'irrégularité. L'ordonnance attaquée doit dès lors être annulée.
4. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, la décision, prise au visa du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié fixant les conditions de délivrance aux ressortissants algériens du certificat de résidence mention " étudiant " relève qu'elle est entrée en France le 28 août 2016 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant, qu'elle s'est inscrite en Licence 1 commune Etudes de santé sans valider son cycle, qu'elle a suivi les cours en Licence 1 Science Technologie Santé en 2017/2018 sans succès, qu'elle joint à sa demande une nouvelle inscription au sein de ce même cursus au titre de 2018/2019 et qu'en l'absence de progression et de résultats dans le déroulement de son cursus universitaire, le caractère réel et sérieux de ses études n'est pas démontré. Par ailleurs, et dès lors qu'elle conteste une décision expresse, la requérante ne peut utilement invoquer la circonstance que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas répondu à sa demande de communication des motifs. La décision contestée est ainsi suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire" (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte, notamment, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
7. En se prévalant seulement de ce qu'elle est inscrite en Licence 2 et qu'elle remplit les conditions de ressources, Mme D... ne conteste pas utilement le motif opposé par le préfet de la Seine-Saint-Denis et rappelé au point 5 du présent arrêt.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... ne réside en France que depuis l'année 2016 où elle est entrée à l'âge de 18 ans pour suivre des études. Quand bien même sa tante, de nationalité française, la prendrait en charge, la requérante est célibataire, sans charge de famille et n'établit pas être dépourvue d'attaches en Algérie. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a ainsi pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. Il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il ne ressort pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2019. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ne peuvent donc qu'être rejetées.
12. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme D....
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2003699 du 25 novembre 2020 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme D... en appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.
Le rapporteur,
J.-F. GOBEILL
Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA04222