Par une requête enregistrée le 7 septembre 2018, la société Progalva, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602210 du 28 mai 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la mise en demeure de payer du 11 juin 2015 en vue du paiement de la somme de 62 808,61 euros, ensemble la décision de rejet de sa demande de décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Progalva soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'action en recouvrement est prescrite et la somme réclamée ne pouvait être exigée dès lors que l'existence et la notification du titre de perception du 5 septembre 2001 et du commandement du 26 avril 2002 ne sont pas établies ;
- elle est recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté de consignation du 19 juillet 2001, qui est insuffisamment motivé et lui impute à tort la qualité d'exploitant, dès lors qu'il forme une opération complexe avec la mise en demeure de payer.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- l'exception d'illégalité de l'arrêté de consignation n'est pas recevable ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de l'action et des comptes publics, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tirée de l'irrecevabilité des conclusions en annulation et en décharge de l'obligation de payer résultant de la mise en demeure du 11 juin 2015, en tant que cette mise en demeure concerne la somme de 1 829 euros, à défaut de réclamation préalable afférente à cette somme, en application de l'article 118 du décret du n° 2012-1246 du 7 novembre 2012.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Progalva a souscrit en avril 1969 une déclaration pour une activité de fabrique de matériel destiné principalement à l'électrolyse sur un site situé au 45 avenue du Général de Gaulle à La Chapelle-La-Reine, relevant de la troisième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes selon la nomenclature alors en vigueur, qui a fait l'objet d'un accusé de réception du préfet de Seine-et-Marne du 10 mai 1969. Par un arrêté du 15 avril 1976, le préfet de Seine-et-Marne a autorisé la société Progalva à poursuivre l'exploitation sur ce site d'une activité d'atelier de traitement de surface des métaux relevant de la deuxième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes. A la suite de la cessation de l'activité en 1989, le préfet de Seine-et-Marne a mis en demeure la société Progalva de remettre en état le site, par un arrêté du 20 septembre 1990. Par un arrêté du 19 juillet 2001, le préfet de Seine-et-Marne a également ordonné à la société de consigner la somme de 400 000 francs pour la dépollution du site en vue de l'élimination des déchets restant sur le site. Le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a adressé à la société Progalva une mise en demeure du 11 juin 2015 en vue du paiement d'une somme de 60 979,61 euros, correspondant au montant du titre de perception émis le 5 septembre 2001 pour recouvrer la somme précitée et à des frais afférents à un commandement du 26 avril 2002 d'un montant de 1 829 euros. La société Progalva fait appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette mise en demeure, ensemble la décision implicite de rejet de sa demande de décharge de l'obligation de payer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la société Progalva, a suffisamment répondu aux moyens tirés de l'exception d'illégalité de l'arrêté de consignation du préfet de Seine-et-Marne du 19 juillet 2001 et de la prescription de l'action en recouvrement, aux points 2 à 5 du jugement attaqué. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit ainsi être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) ". La loi du 17 juin 2008 a réduit la durée de la prescription civile de droit commun pour prévoir, à l'article 2224 du code civil, que " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes du II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".
5. D'une part, contrairement à ce que soutient la société Progalva, la somme de 60 979,61 euros mentionnée dans l'arrêté de consignation du préfet de Seine-et-Marne du 19 juillet 2001 a fait l'objet d'un titre de perception du 5 septembre 2001, produit au dossier. L'existence d'un titre exécutoire permettant au comptable public de procéder au recouvrement de cette somme est ainsi établie. A cet égard, l'absence de preuve de la notification du titre de perception est sans incidence sur l'existence du titre, permettant d'engager l'action en recouvrement.
6. D'autre part, si, à défaut de preuve de sa notification, le titre de perception du 5 septembre 2001 n'a pu interrompre le cours de la prescription relative à l'action en consignation de la somme résultant de l'arrêté du 19 juillet 2001, la prescription trentenaire n'était pas acquise lorsqu'a été notifié le 29 avril 2011 un commandement de payer du 18 avril 2011, qui a interrompu le cours de la prescription, alors réduite à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Dans ces conditions, la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du code civil n'était pas acquise lors de la notification de la mise en demeure du 11 juin 2015, notifiée au plus tard le 15 juillet 2015, date du courrier d'opposition à poursuite.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; 2° En cas d'opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l'acte de poursuite (...) ".
8. Il ressort de sa réclamation préalable du 15 juillet 2015 que si la société Progalva a mentionné l'ensemble des sommes portées dans la mise en demeure de payer du 11 juin 2015, elle n'a contesté et justifié de sa contestation qu'en ce qui concerne la somme de 60 979,61 euros issue du titre de perception du 5 septembre 2001 et n'a ni contesté l'existence du commandement de payer du 26 avril 2012 ni invoqué la prescription de la somme de 1 829 euros. Elle n'a d'ailleurs pas plus présenté de moyens relatifs à ce commandement de payer en première instance. Dans ces conditions, à défaut de réclamation préalable appuyée de toutes justifications utiles présentée au comptable chargé du recouvrement conformément aux dispositions de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012, les moyens tirés de ce que l'action en recouvrement serait prescrite en ce qui concerne la somme de 1 829 euros, dès lors que l'existence et la notification de ce commandement ne seraient pas établies, doivent être écartés comme irrecevables.
9. En troisième lieu, la mise en demeure de payer du 11 juin 2015 n'a pas été prise pour l'application de l'arrêté de consignation du 19 juillet 2001, qui n'en constitue pas la base légale et est au demeurant définitif. En outre, la mise en demeure de payer, qui aurait pu être évitée si la société Progalva s'était acquittée des sommes mises à sa charge, n'a pas été émise dans le but exclusif de consigner les sommes mentionnées par l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 19 juillet 2001 mais en vue d'obtenir le paiement des sommes dont cette société restait redevable. Elle ne peut dès lors être regardée comme une phase d'une opération complexe. La société Progalva n'est ainsi pas recevable à exciper de l'illégalité de cet arrêté devenu définitif à l'appui de sa contestation de la mise en demeure.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Progalva n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Progalva demande au titre des frais qu'elle a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Progalva est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Progalva, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.
Le rapporteur,
F. D...La présidente,
S. C...Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03010