- les autres moyens invoqués par M. D...dans ses écritures de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2017, M.D..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;
- la demande de réadmission est intervenue après expiration des délais prévus par l'article 21 du règlement n° 604/2013 ; le préfet de Seine-et-Marne ne démontre toujours pas avoir saisi les autorités italiennes le 1er septembre 2016 ;
- le préfet a méconnu l'obligation d'information prévue par l'article 4 du règlement car les brochures lui ont été remises sans interprète, alors qu'il ne sait ni lire ni écrire l'arabe ;
- il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision du préfet, en violation de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et les administrations et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision de transfert a été prise sans que l'Italie n'ait donné son accord, qui devait être exprès, à sa prise en charge ; elle méconnait les dispositions de l'article 26 du règlement et de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 20 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.D..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1991, est entré irrégulièrement en France le 15 juillet 2016 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de Seine-et-Marne le 18 août 2016 ; que la consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 6 juillet 2016 ; que le préfet soutient avoir saisi les autorités italiennes, le 1er septembre 2016, d'une demande de réadmission sur le fondement des dispositions de l'article 13-1 du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, demande qui aurait été implicitement acceptée le 1er novembre 2016 ; qu'en se fondant sur cette acceptation implicite, le préfet a, par arrêté du 20 mars 2017 notifié le 28 mars suivant, décidé de remettre M. D... aux autorités italiennes ; que, dans l'attente de l'exécution de cette décision, il l'a, par arrêté du 28 mars 2017, assigné à résidence dans le département de la Seine-et-Marne pour une durée de six mois ; que par la présente requête, le préfet de Seine-et-Marne relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé ces deux arrêtés, au motif que le préfet n'établissait pas que les autorités italiennes avaient donné leur accord implicite à la prise en charge de M. D... ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) " ; que l'article 21 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite (...) " ;
3. Considérant que pour établir la réalité de la saisine des autorités italiennes, le préfet de Seine-et-Marne se borne à produire, en appel comme en première instance, un accusé de réception électronique du 21 novembre 2016 délivré par l'application informatique " Dublinet " qui mentionne en son intitulé la référence FRDUB17703115835770, qui correspond effectivement au numéro de dossier de M. D...sur les autres pièces du dossier, et le formulaire qu'il aurait à cette date envoyé à l'Italie pour constater son accord implicite à la suite de sa saisine le 1er septembre 2016 ; que, toutefois, le préfet ne produit toujours pas de preuve de l'envoi à l'Italie de la requête de prise en charge du 1er septembre 2016 ; qu'à supposer que l'envoi du 21 novembre 2016 ait été une demande de prise en charge, il est constant que cet envoi était tardif au regard des dispositions de l'article 21 précité du règlement 604/2013, dès lors que le préfet de Seine-et-Marne devait saisir les autorités italiennes dans un délai de deux mois à compter de la réception des résultats positifs Eurodac, soit au plus tard le 18 octobre 2016 ; qu'ainsi le préfet de Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé les arrêtés en litige au motif qu'il ne démontrait pas avoir régulièrement recueilli l'accord implicite de l'Italie pour la prise en charge de M.D... ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté du 20 mars 2017, notifié le 28 mars 2017, décidant de la remise de M. D... aux autorités italiennes et l'arrêté du 28 mars 2017 l'assignant à résidence ; que sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 700 euros à verser à Me A...au titre des frais de procédure que M. D...aurait exposés s'il n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Seine-et-Marne est rejetée
Article 2 : L'Etat versera une somme de 700 euros à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAILa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
M. C...La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01941