Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 30 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1810103/1-1 rendu le 4 décembre 2019 par le Tribunal administratif de Paris et de rétablir M. et Mme C... aux rôles de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2006 à 2014, ou à tout le moins au titre des années 2006 à 2008 et 2013 à 2014.
Il soutient que :
- le jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 16 février 2018 ne contient aucune circonstance de fait revêtue de l'autorité de la chose jugée de nature à remettre en cause le
bien-fondé des rectifications litigieuses ;
- l'authenticité des données issues du fichier " HSBC " sur lesquelles sont notamment fondés les rehaussements est aujourd'hui définitivement établie.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2020, M. et Mme C..., représentés par Me E... A..., concluent au rejet du recours du ministre et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 août 2020, la clôture d'instruction a été fixée au
11 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant
M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par l'exercice de leur droit de communication, les services fiscaux ont consulté l'enquête pénale diligentée à l'encontre de M. et Mme C... à la suite de la perquisition judiciaire opérée au domicile d'un ancien employé de la banque HSBC Private Bank à Genève, perquisition qui avait fait apparaitre que M. C... était titulaire d'avoirs sur trois comptes bancaires en Suisse auprès de cette banque, qu'il n'avait pas déclarés. Dans le cadre du contrôle sur pièces du dossier de M. et Mme C..., l'administration fiscale a adressé aux intéressés, le 25 mars 2016, une demande d'éclaircissements et de justifications relative aux sommes inscrites sur des comptes bancaires à l'étranger, suivie d'une mise en demeure. En l'absence de réponse suffisante, elle a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office et a adressé à M. et Mme C... une proposition de rectification le 9 août 2016. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement n° 1810103/1-1 du 4 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assignées aux intéressés au titre des années 2006 à 2014 à l'issue de cette procédure.
2. Les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt. En revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui. En l'espèce, il ressort du dispositif du jugement de relaxe du 16 février 2018, dont l'administration fiscale n'a pas relevé appel, que le juge pénal a relaxé les époux C... au motif que les éléments produits devant lui ne constituaient pas des charges suffisantes. L'autorité de la chose jugée ne pouvant s'attacher à ce motif, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de ce que le jugement susmentionné serait revêtu à cet égard d'une telle autorité. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la M. et Mme C... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant elle.
3. Pour soutenir que M. et Mme C... disposaient, au cours des années en cause, de comptes non déclarés à l'étranger, le ministre fait valoir que la communication des fichiers saisis dans les conditions rappelées au point 1. a permis à l'administration fiscale de constater, après analyse de la structure des fichiers et agrégation des données, que M. D... C... était bénéficiaire, auprès de la banque HSBC à Genève, d'un compte patrimonial (également appelé
" profil client "), ouvert sous le nom de " 44225BJ " le 20 avril 2005 et associé à quatre comptes bancaires. La Cour ne trouve au dossier aucun document, émanant notamment de la banque HSBC, confirmant ces affirmations. A supposer que les fichiers bruts émanant de la banque ne puissent être produits pour des raisons de confidentialité fiscale regardant d'autres contribuables, la fiche de synthèse individuelle " BUP ", établie sur la base des fichiers HSBC et utilisée par l'administration fiscale pour établir les impositions litigieuses, n'est pas non plus produite. Aucun document n'est produit, tant en première instance que devant la Cour, permettant de constater que les comptes litigieux ont été ouverts sur la base d'informations personnelles précises relatives à M. C... et que, par suite, les ouvertures de comptes ont été effectuées par l'intéressé ou pour son compte. Aucun élément, en dépit des perquisitions effectuées aux domiciles de M. et Mme C..., ne permet non plus d'étayer l'hypothèse selon laquelle l'intéressé aurait entretenu des rapports avec la banque HSBC lors de voyages en Suisse ou par d'autres méthodes, notamment à la date d'ouverture du compte litigieux. Au contraire, il n'est pas sérieusement contesté par le ministre que M. C... a justifié avoir été présent en France tout au long de la journée du 20 avril 2005, date d'ouverture du compte en cause. Par suite, et alors même que l'authenticité des données issues du fichier litigieux a été confirmée par la Cour de Cassation dans le cadre de litiges avec d'autres contribuables et que les époux C... auraient admis, dans le cadre d'un litige distinct concernant leur mère, Mme B., que celle-ci aurait pu se servir à leur insu d'informations les concernant pour ouvrir des comptes bancaires en Suisse, l'administration ne met pas le juge de l'impôt en mesure de vérifier la réalité et la portée des informations ayant justifié la mise en oeuvre des procédures de demande de justifications et de taxation d'office et, par suite, l'établissement des impositions litigieuses.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre des années 2006 à 2014. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme D... C....
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. F..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2021.
Le rapporteur,
F. F...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01132